un rien
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Description

Un Rien Il a suffi d'un rien. Un rien pour qu'il entre dans son univers. Un frôlement. Le délicat vol d'une libellule. Chapeautée de la paille tressée d'un drôle de galurin, où s'empile dans un déséquilibre recherché, des fleurs, des branches et des feuilles, elle avance doucement. Elle transpire se maudissant de ne pas être venue plus tôt. Pestant contre sa patronne, toujours à lui demander une petite course avant de partir ! — Élisabeth, peux-tu, avant de partir, courir jusqu'au kiosque m'acheter mes cigarettes ? Élisabeth peux-tu, avant de partir, courir jusqu'à la pharmacie ? Élisabeth peux-tu courir à la poste ? .... Élisabeth n'ose pas lui dire, non. Élisabeth ne sait pas dire non à sa sœur. Sa grande sœur. Élisabeth est trop heureuse de ce travail à mi-temps. Trop heureuse de toucher et retoucher satin, soie et tulle blanc. Élisabeth est petite main. Petite main. C'est plus seyant que couturière et ce n'est pas coursière. Les gouttes de sueur glissent. Les gouttes de sueur se faufilent entre ses cils. Les gouttes de sueur dans ses yeux piquent. Elle s'arrête, éponge son front. Plus que quelques mètres. Quelques foulées sur ce chemin de fournaise. Deux ou trois pas avant d'atteindre la fraîcheur du sous-bois. Et enfin l'ombrage et surtout l'humidité vitale. Deux ou trois sentiers et l'étang paraît. Le milieu idéal pour les demoiselles. Puis l'odeur caractéristique de l'eau où naissent les naïades.

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Publié par
Publié le 24 février 2013
Nombre de lectures 98
Licence : En savoir +
Paternité, pas d'utilisation commerciale, pas de modification
Langue Français

Extrait

Un Rien
Il a suffi d'un rien.
Un rien pour qu'il entre dans son univers.
Un frôlement.
Le délicat vol d'une libellule.
Chapeautée de la paille tressée d'un drôle de galurin, où
s'empile dans un déséquilibre recherché, des fleurs, des
branches et des feuilles, elle avance doucement.
Elle transpire se maudissant de ne pas être venue plus tôt.
Pestant contre sa patronne, toujours à lui demander une
petite course avant de partir !
— Élisabeth, peux-tu, avant de partir, courir jusqu'au
kiosque m'acheter mes cigarettes ?
Élisabeth peux-tu, avant de partir, courir jusqu'à la
pharmacie ?
Élisabeth peux-tu courir à la poste ? ....
Élisabeth n'ose pas lui dire, non.
Élisabeth ne sait pas dire non à sa sœur.
Sa grande sœur.
Élisabeth est trop heureuse de ce travail à mi-temps.
Trop heureuse de toucher et retoucher satin, soie et tulle
blanc.Élisabeth est petite main.
Petite main.
C'est plus seyant que couturière et ce n'est pas coursière.
Les gouttes de sueur glissent.
Les gouttes de sueur se faufilent entre ses cils.
Les gouttes de sueur dans ses yeux piquent.
Elle s'arrête, éponge son front.
Plus que quelques mètres.
Quelques foulées sur ce chemin de fournaise.
Deux ou trois pas avant d'atteindre la fraîcheur du sous-bois.
Et enfin l'ombrage et surtout l'humidité vitale.
Deux ou trois sentiers et l'étang paraît.
Le milieu idéal pour les demoiselles.
Puis l'odeur caractéristique de l'eau où naissent les naïades.
Elle attrape dans son sac en bandoulière, le matériel
nécessaire à la collecte des preuves.
Elle ne peut douter de sa réussite.

De l'autre côté du bois un homme sur une monture.
Sur son cheval sombre, Rodolphe s'échappe...
Il s'échappe pour ne plus réfléchir.
Faire le vide.Une foulée, une autre, un saut par-dessus une branche.
Mais le vide ne se fait pas.
Il reste toujours cette présence.
Pourtant il est loin d'elle à des kilomètres, dans un autre
domaine quasiment une autre planète.
Il fallait bien cela entre elle et lui.
Une escapade loin de ses caprices.
Un exil au-delà de ses colères.
Une semaine pour faire le point... le point de non-retour...
Rompre...
Rodolphe en a assez de cette femme sans amour...
Une saine relation, voilà ce dont il rêve.
Et puis cette joie de retrouver les chemins de son enfance.
Combien d’années?
Dix, quinze
Des années à ne pas oser revenir réveiller les vieux
souvenirs.
Et se forcer à mettre, sur ses tombes, des fleurs inutiles.
Un souffle, un autre, une inspiration, expiration doublée, le
déroulé du sabot de l'autre, un souffle.
Rodolphe fuit....
Le bruit de son galop couvre le chant des oiseaux.Il court, court.
Les branches mortes, craquent, sous les pieds.
Les sabots s'alourdissent sans ralentir.
Il continue l'effort.
Sur un sentier.
Un sentier humide.
Il accélère, encourage sa monture, pour fuir dans l'ivresse de
la rapidité.
Au loin une rivière coule, elle coule aussi décidée que lui
court.
Il court, court.
Elle coule, coule...
Et un cri de femme.

Élisabeth de l'autre côté du bois, collecte des données.
Sur son petit carnet elle note les indices.
Puis elle ôte ses chaussures de marche, se chausse de ses
bottes.
Ses bottes de sept lieues comme dit sa sœur.
Des bottes de pêcheurs.
Du caoutchouc autour de ses jambes, elle se glisse
lentement dans l'eau.
Dans l'eau jusqu'aux genoux, de l'eau jusqu'aux cuisses.Elle ne bouge plus...
Elle devient roseau...
Elle attend.
Attend l'aiguille à repriser du diable.
Les éléments sont favorables.
Le soleil réverbérant sur l'étang, la température de l'eau...
Elle règle l'appareil photo.
Le précieux présent de Noël.
L'instrument de son plaisir...
Un nuage de moustiques...
La sensibilité précisée...
Et là enfin sur une feuille de nénuphar... La demoiselle !
L’appareil enclenché, un cliché...
Son corps long et mince... ses deux grands yeux... ses
ailes...
Un cliché de son vol, un autre...
La joie contrôlée...
La joie pour ne pas crier, hurler son bonheur...
Puis son passage près d'elle...
Oh si près, que sur sa joue, Élisabeth a senti la douceur de
ses ailes...
Fugaces, vives, rapides...Elle tourne autour d'elle...
Elle se pose sur le bord de l'objectif...
Puis avec la cruauté de sa vélocité, elle s'éloigne laissant
Élisabeth émerveillée...
Enchantée, subjuguée, grisée, ivre... et toute cette joie
l’oppresse. Elle doit sortir s'exprimer pour en réaliser la
beauté... La sortir, l'exprimer, la dire au monde entier et elle
se met à crier en dansant... Dansant comme une enfant dans
la vase, dans l'eau...

Rodolphe, en entendant le cri a arrêté son galop....
Il scrute autour de lui, regarde vers l'étang...
La patinoire de ses jeux d'hiver, la réserve de poissons
d'été...
Et dans l'eau il aperçoit une nymphe chapeautée...
Il s'approche...
Une libellule aux ailes argentées chasse au bord de l'eau...
Et derrière les roseaux, là où à l'instant une femme dansait...
Un appareil photo au-dessus de l'eau...

Élisabeth est possédée... en transe, elle danse...
La cavalcade d'un cheval au loin se rythme sur ses pas...Pas chassé, pas de côté, pas en arrière, le pas bute sur une
racine...
Quand la chute s’amorce elle ne pense qu'à sauver son bien
le plus précieux, retient sa respiration et s'enfonce dans
l'eau, dans la vase...

Rodolphe se précipite, sans réfléchir, saute de son cheval,
saute dans l'eau, saisit la main... Une main agrippée à
l'appareil... Tire le bras, tire fort le corps... Un corps qui
résiste envasé... Puis enfin il extirpe de l'eau, une femme
sans chapeau...
Sans chapeau et nu-pieds.
Dans ses cheveux longs : des herbes d'étang...
Le frémissement de ses narines...
L'air qui arrive, l'eau qui ressort...
Les yeux... Les grands yeux qui s'ouvrent... De grands yeux
couleurs d'étang.
— Alors Belle Demoiselle, comment allez-vous ?
— Mon appareil, mon appareil...
— Dans votre main, vous le tenez dans votre main....
Élisabeth serre son trésor, très fort contre elle...
— Merci, j'ai perdu pied...
— Moi qui pensais que vous pratiquiez la plongée en
apnée... Allez venez je vais vous raccompagner...Élisabeth à l'ombre des arbres qui bordent l'étang commence
à grelotter... de froid, de peur d'avoir abîmé ses précieux
clichés...
Elle ne peut se lever, elle doit vérifier...
— Merci...
Son regard croise celui de l'homme penché, un regard si
charmant...
Un regard de rire, d'ironie et d'intérêt mêlé.
Rodolphe se prend à plonger dans ses yeux couleurs de
l'étang, il ne peut s'en détacher à l'intérieur il le sent tout est
charme et ensorcellement...
Il doit se ressaisir...
— Méritaient-elles cette tasse, vos photographies ?
— Oui, et mille une fois plus... tenez regardez... ce sont
des fées...
Pour Rodolphe, la jeune fille délire ou même pire... c'est une
« singulière »...
Par politesse et surtout empêcher la furie de dévorer la folie,
Il se penche tout de même sur l'écran...
Doucement... les instantanés un à un défilent...
Et cette singularité troublante s'en fait de plus en plus
attachante...
— Elles sont très belles...
— Oui, j'en suis assez fière, depuis le temps... — Allez je vous ramène...
Élisabeth est hissée sur le cheval, tout contre Rodolphe.
Rodolphe de pas en pas, sent contre lui Élisabeth se
réchauffer.
Le chemin, le bitume, les champs, la ville, les trottoirs, le
commerce...
Et de sa vitrine, interpellée par les bruits des sabots,
Éléonore la sœur, jette un œil... Un autre et plus que
surprise, lâchant tulle et soie nacrée elle court au-devant
d’Élisabeth et de sa surprenante compagnie.
A son arrivée n'écoutant pas les cris horrifiés de sa sœur sur
sa folie, sa quête, son extravagante science... Élisabeth
s'enferme dans les bras de Rodolphe...
Ignorant les cris de la femme... Rodolphe enferme Élisabeth
dans ses bras...
Sous l'augure bienheureux de la devanture d'un magasin de
confection de robe de mariées, Rodolphe et Élisabeth
échange le premier baiser.
Le premie

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