Bibliographie •Un livre en français. F. Liret, D. MartinaisAnalyse1ère année. Cours et exercices avec solu-tions, 2003, Dunod. •Un site web où on peut trouver des exercices corrigés. http://wims.unice.fr
1 Limites et continuité On appellera intervalle ouvert deRtout intervalle de la forme suivante : ]a, b[aveca < b∈R,]− ∞, b[avecb∈R,]a,+∞[aveca∈RouR. 1.1 Limite d’une fonction en un point 1.1.1 Exemples Premier exemple :Soitf:R→Rdéfinie par f(x) =x3 pour toutx∈R. On af(1) = 1, et on pose la question suivante : si on prendx assez proche de1et différent de1, peut-on rendref(x)aussi proche def(1) = 1 qu’on veut ? Par exemple, on veut trouver lesx∈Ravecx6= 1tels que|f(x)−1|<10−3. Cela équivaut à x3−1<10−3, ou encore 1−10−3< x3<1 + 10−3, donc aussi à x∈i1−10−331,1 + 10−313h:=I. On a donc trouvé un intervalle ouvertJcontenant1tel que, pour toutx∈J différent de1,|f(x)−1|<10−3. Il est clair que, si on remplace10−3par n’importe quel nombre strictement positif plus petit que1, on peut raisonner de la même manière. Plus précisément, soitε >0un nombre quelconque strictement plus petit que1. Alors |f(x)−1|< ε⇔1−ε < x3<1 +ε⇔x∈i(1−ε)31,(1 +ε)h:=J, 1 3 et on a donc trouvé un intervalle ouvertJcontenant1tel que, pour toutx∈J différent de1,|f(x)−1|< ε. On traduit cette propriété en disant que limf(x= 1. x→1) Dans ce cas, la limite defen1est égale àf(1). Deuxième exemple :Soitf: [0,2]→Rdéfinie par 0si0≤x <1, f(x) =1six= 1, 2si1< x≤2. On af(1) = 1et on pose la même question que précédemment : si on prendx assez proche de1, peut-on rendref(x)aussi proche def(1) = 1 ?qu’on veut
Si, par exemple, on cherche lesx∈[0,2]tels que|f(x)−1|<10−3, on voit que cela n’est possible que six= 1. On ne peut donc pas trouver dans ce cas d’intervalle ouvertJcontenant1tel que, pour toutx∈Jdifférent de1, |f(x)−1|<10−3. On n’a donc pas xli→m1f(x) = 1. On peut montrer que, plus généralement, il n’existe pas de réelltel que li→m1f(x) =l. x Troisième exemple :Soitf: [0,2]→Rdéfinie par 0si0 =10isis1x≤<=x1<x,≤12,. f(x) On af(1) = 1on pose encore la même question que précédemment : si onet prendxassez proche de1, peut-on rendref(x)aussi proche def(1) = 1qu’on veut ? Là encore, si, par exemple, on cherche lesx∈[0,2]tels que|f(x)−1|<10−3, on voit que cela n’est possible que six= 1. On ne peut donc pas trouver dans ce cas d’intervalle ouvertJcontenant1tel que, pour toutx∈Jdifférent de1, |f(x)−1|<10−3. En d’autres termes, on n’a pas xli→m1f(x) = 1. Par contre, siJest un intervalle ouvert contenant1, on a, pour toutx∈Jtel quex6= 1,f(x) = 0, donc |f(x)−0| ≤10−3. Plus généralement, siε >0et siJest un intervalle ouvert contenant1, on a, pour toutx∈Javecx6= 1, |f(x)|< ε. On traduit cette propriété en écrivant que lxi→m1f(x) = 0. Ici, on notera qu’on n’a pas0 =f(1). Quatrième exemple :Soitf: [0,2]→Rdéfinie parf(x) =x2. Icif(0) = 0. Sixest assez proche de0, peut-on rendref(x)aussi proche qu’on veut de f(0) = 0? Siε >0, on aura|f(x)|< εsi, et seulement si,|x| ≤ √ε. Si J:=√−ε,√ε,
alors, pour toutx∈[0,2]∩Jdifférent de0,|f(x)|< ε. On a bien trouvé un intervalle ouvertJcontenant0tel que, pour toutx∈J∩[0,2]différent de0, |f(x)|< ε. On est obligé de préciser ici qu’on prendx∈J∩[0,2], carfn’est pas définie surJtout entier. On écrira x→l0i,m0f(x) = 0. x>
Si on récapitule ces exemples, on a observé plusieurs phénomènes : dans le premier cas,fpossède une limite en1, qui est égale àf(1), et on dira quefest continue en1. Dans le deuxième,fpas du tout de limite enne possède 1. Dans le troisième,fpossède une limite en1qui est différente def(1), etfn’est pas continue en1. Dans le dernier,ftend vers0 =f(0)en0, mais n’est définie que pour desx≥0. 1.1.2 Définition de la limite d’une fonction en un point SoitIun intervalle deR,a∈Ietf:I\ {a} →Rune fonction. On notera qu’on supposefdéfinie en tout point deIdifférent dea, mais pas forcément en a. Définition 1.1Soitl∈R. On dit que limf(x) =l x→a si, et seulement si, pour toutε >0, il existe un intervalle ouvertJ⊂Rconte-nantatel que, pour toutx∈I∩Jdifférent dea, |f(x)−l|< ε. Exemple 1.2Soitf:]0,+∞[→Rdonnée parf(x) =x1. Alors xli→m1f(x) = 1. En effet, soitε >0. Alors 1 x < <1 +ε. |f( )−1|< ε⇔1−xε Siε <1, cette dernière inéquation équivaut à 1 x∈1 +ε ,11−ε:=J. Ainsi, si0< ε <1on a trouvé un intervalle ouvert, Jcontenant1tel que, pour toutx∈Jdifférent de1,|f(x)−1|< ε. Siε≥1, on sait qu’il existe un intervalle ouvertJcontenant1tel que, pour toutx∈Jdifférent de1,|f(x)−1|<21. Alors, pourx∈Jdifférent de1, on a aussi|f(x)−1|< ε.
Exemple 1.3On considère la fonctionE:R→Rqui, à toutx∈R, associe sa partie entière. c’est-à-dire le plus grand entierk∈Ztel quek≤x. Alors, il n’existe pas de réell∈Rtel que lim0E(x) =l. x→ En effet, supposons qu’un tellexiste. Soitε >0. Il existe donc un intervalle ouvertJcontenant0tel que, pour toutx∈Jdifférent de0,|E(x)−l|< ε. Pour toutx∈J∩]0,1[, on aE(x) = 0, donc|l|< ε. Pour toutx∈J∩]−1,0[, on aE(x) =−1, donc|−1−l|< ε. Comme c’est vrai pour toutε >0, on obtient à la fois quel= 0etl=−1, ce qui est impossible. Remarque 1.4Supposons qu’on trouve unε0>0avec la propriété suivante : pour toutε∈]0, ε0[, il existe un intervalle ouvertJ⊂Rcontenantatel que, pour toutx∈I∩Jdifférent dea, |f(x)−l|< ε. Alors on a bien limf(x) =l. x→a C’est ce qu’on a vu dans l’exemple1.2. Remarque 1.5Comme on l’a vu dans le troisième exemple dans la section 1.1.1, silimx→af(x) =l, on n’a pas forcémentl=f(a). Remarque 1.6Il peut arriver quefn’ait pas de limite ena, comme dans l’exemple1.3. Remarque 1.7Attention : la négation de limf(x) =l x→a n’est pas limf(x)6=l. x→a En effet, la fonctionfpeut n’avoir aucune limite ena. La négation s’écrit ainsi : il existeε >0tel que, pour tout intervalle ouvertJcontenanta, il existe x∈I∩Jdifférent deatel que|f(x)−l| ≥ε. 1.1.3 Propriétés de la limite On a d’abord une propriété d’unicité : si la limite defenaexiste, alors elle est unique. Proposition 1.8Soita∈Ietf:I\ {a} →R. S’il existel1etl2dansRtels que limf(x) =l1etlimf(x) =l2, x→a x→a alorsl1=l2.
Preuve :soitε >0. Il existe un intervalle ouvertJ1contenantatel que, pour toutx∈I∩J1différent dea, |f(x)−l1|<2.ε De même, il existe un intervalle ouvertJ2contenantatel que, pour toutx∈ I∩J2différent dea, |f(x)−l1|< ε2. Soit alorsx∈I∩J1∩J2différent dea. On a donc |l1−l2| ≤ |f(x)−l1|+|f(x)−l2|< ε. Comme c’est vrai pour toutε >0, on obtient bien quel1=l2. Une fonction possédant une limite enaest bornée près dea. Plus précisément :
Proposition 1.9On suppose que limf(x) =l∈R. x→a Alors il existe un intervalle ouvertJcontenantaet un réelM >0tels que, pour toutx∈I∩J, avecx6=a, |f(x)| ≤M. En d’autres termes,fest bornée surI∩J\ {a}. Preuve :laissée en exercice. On appliquera la définition de la limite en prenant (par exemple)ε= 1.
Remarque 1.10Attention : le fait quefsoit bornée surI∩J\ {a}n’entraîne pas quefpossède une limite ena. Voir le deuxième exemple de la section1.1.1.
Voici le lien -très important- entre cette notion de limite et la limite des suites :
Théorème 1.11Soita∈I,f:I\ {a} →Retl∈R. Alors limf(x) =l x→a si, et seulement si, pour toute suite(xn)n≥1qui converge versaet telle que xn6=apour toutn≥1, nl→i+m∞f(xn) =l.
Preuve :on suppose d’abord quelimx→af(x) =let soit(xn)n≥1une suite qui converge versaavecxn6=apour toutn≥1. Soitε >0. Il existe un intervalle ouvertJcontenantatel que|f(x)−l|< εpour toutx∈Jdifférent dea. Il existeN≥1tel que, pour toutn≥N,xn∈J, et commexn6=a, pour tout n≥N,|f(xn)−l|< ε. On suppose maintenant qu’on n’a pas limf(x) =l x→a Par la remarque1.7, il existeε >0tel que, pour tout intervalle ouvertJ contenanta, il existex∈I∩Jdifférent deatel que|f(x)−l| ≥ε. Choisissant alorsJn=a−, a+n1pour toutn≥1, on obtient que, pour toutn≥1, il 1 n existexn∈I∩Jnavecxn6=atel que|f(xn)−l| ≥ε. Ainsi, la suite(xn)n≥1 converge versaet la suite(f(xn))n≥1ne converge pas versl. On peut utiliser cette propriété pour montrer qu’une fonction possède, ou ne possède pas, de limite en un point. Reprenons l’exemple1.3. Pour montrer que En’a pas de limite en0, on peut dire que, silétait cette limite, en choisissant xn=1nqui tend vers0, on aurait l= limE(xn) = 0 carE(xn) = 0pour toutn≥1. En choisissantxn=−n1qui tend aussi vers0, on aurait l= limE(xn) =−1 carE(xn) =−1pour toutn≥1. C’est impossible. L’observation suivante est très utile : Proposition 1.12Soita∈Ietf:I\ {a} →R. On suppose que limf(x) =l x→a et quel >0. Alors, il existe un intervalle ouvertJcontenantatel quef(x)>0 pour toutx∈I∩Jdifférent dea. Preuve :La définition de la limite, appliquée avecε=l2, montre qu’il existe un intervalle ouvertJcontenantatel que, pour toutx∈Jdifférent dea, |f(x)−l|<2l, donc, pour un telx, f(x)> l2>0. On a aussi les propriétés suivantes à propos des opérations sur les limites :
Théorème 1.13Soienta∈Ietf1, f2:I\ {a} →R. On suppose que limf1(x) =l1etlimf2(x) =l2. x→a x→a Alors : 1.limx→a(f1+f2)(x) =l1+l2, 2.pour tout réelλ, lim (λf1)(x) =λl1, x→a 3.limx→a(f1f2)(x) =l1l2, 4.sil26= 0, alors il existe un intervalle ouvertJcontenantatel quef2(x)6= 0pour toutx∈I∩Jdifférent dea, et on a f1 xli→maf2(x) =ll12. Preuve :laissée en exercice. On peut par exemple utiliser le théorème1.11et les propriétés correspondantes sur les suites. Pour le point4., on utilisera aussi la proposition1.12. Ce théorème permet souvent de calculer la limite d’une fonction en un point. Par exemple, prenons f(x) =x2x+3+4x1−1 pour toutx∈[0,+∞[, et cherchons sifpossède une limite en0. D’après le théorème1.13, limx2+ 4x−1 =−1etlimx3+ 1 = 1, x→0x→0 donc −1 lim0f(x) = =−1. x→1
Remarque 1.14Pour le point4.du théorème1.13, sil2= 0, il peut quand même arriver queff12soit définie sur(I∩J)\ {a}oùJest un intervalle ouvert contenantapeut pas utiliser alors l’énoncé du, mais on ne 4.pour conclure, et il faut s’y prendre autrement. Par exemple, siI=Retf1(x) =f2(x) =x, on a limf1(x) = 0etlim x→0x→0f2(x) = 0, mais la fonctionff12vaut toujours1en dehors en0et on a donc limf1) = 1. x→0f2(x Sif1(x) =x2etf2(x) =x, on a encore lim0f1(x) = 0etlxi→m0f2(x) = 0, x→
et limf x→0f21(x) = 0, puisqueff12(x) =xpour toutx6= 0. Par contre, dans ce cas,ff21(x) =1xpour toutx6= 0et on véifie que la fonctionff21ne possède aucune limite en0. A propos du produit de fonctions, on a aussi la propriété suivante : Proposition 1.15Soienta∈Ietf1, f2:I\ {a} →R. On suppose que limf1(x) = 0 x→a et qu’il existe un intervalle ouvertJcontenantatel quef2soit bornée sur I∩J\ {a}. Alors lim (f1f2)(x) = 0. x→a Preuve :utiliser des suites. On a aussi une propriété importante des limites vis-à-vis de la composition : Théorème 1.16Soita∈Ietf:I\ {a} →R. On suppose que limf(x) =b. x→a On suppose aussi queJest un intervalle ouvert contenantb, queg:J→R, queg(b) =let que yli→mbg(y) =l. Alors il existe un intervalle ouvertI0⊂Icontenantatel queg◦fsoit définie surI0∩I\ {a}et limg◦f(x) =l. x→a Preuve :d’abord, commeb∈Jet queJest ouvert, il existeε >0tel que ]b−ε, b+ε[⊂J. Il existe un intervalle ouvertI0contenantatel que, pour tout x∈I0∩Idifférent dea, |f(x)−b|< ε, donc, pour un telx,f(x)∈J, ce qui fait queg◦fest bien définie enx. Soitε >0. Il existe un intervalle ouvertJ0contenantbtel que, pour tout y∈J∩J0différent deb, |g(y)−l|< ε. Notonsquecettein´galitérestevraiepoury=bpuisqueg(b) =l. Comme l’intervalleJ∩J0est ouvert, il existeη >0tel que]b−η, b+η[⊂J∩J0. Il existe un intervalle ouvertKcontenantatel que, pour toutx∈K∩I0différent dea,|f(x)−b|< η. Alors, pour toutx∈K∩I0différent dea,|g(f(x))−l|< ε.
Pour utililiser efficacement ce théorème, on se servira des limites suivantes :
Proposition 1.171.pour toutα∈Ret touta >0,limx→axα=aα, 2.limx→asinx= sinapour touta∈R, 3.limx→acosx= cosapour touta∈R, 4.limx→aex=eapour touta∈R, 5.limx→alnx= lnapour touta >0. 6.limx→0 sinx x= 1. 7.limx→0 ln(1x+x)= 1. Voici des exemples d’utilisation du théorème1.16et la proposition1.17. Exemple 1.18Soit f(x) = cosln(x2+ 1) pourx∈R. On peut écriref=f1◦f2◦f3où f1(x) = cosx, f2(x) = lnxetf3(x) =x2+ 1. Par le théorème1.13et la proposition1.17, limf3(x x→0) = 1,xli→m1f2(x) = 0etlxi→m0f1(x) = 1, donc le théorème1.16assure que . lxim0f(x) = 1 → Exemple 1.19ces théorèmes pour traiter des cas où leOn peut aussi utiliser point4.du théorème1.13ne s’applique pas. Par exemple, si f(x) =√x3x+−33−2 pourx∈]1,+∞[et si on cherche à savoir sifpossède une limite en1, on ne peut pas appliquer directement le théorème1.13, car, d’après la proposition1.17 et le théorème1.13, lim√x+ 3−2 = 0. x→1 Par contre, on peut écrire, pour toutx >1, f(x) = (√(x3x+−33−(2)√)(x√+x2+)3)3+2+3(=x−3)x(−√x3=)21+3+(√x+ 3 + 2), donc lim x→1f(x) = 12. On termine ce paragraphe par le lien entre limites et inégalités : Théorème 1.20Soita∈Ietf1, f2, f3:I→Rdes fonctions telles que, pour toutx∈I\ {a} f1(x)≤f2(x)≤f3(x).