Ce rapport de 2001, fait le bilan des connaissances sur la consommation de cannabis et ses conséquences, notamment sur les adolescents et les jeunes. Il expose les données épidémiologiques sur la consommation de cannabis, ses contextes d'usage, la dépendance à ce produit, les facteurs de vulnérabilité des consommateurs, les conséquences sur la circulation routière, les effets somatiques et les effets sur la descendance chez l'homme et l'animal etc... A la suite de la synthèse de tous les problèmes induits par la consommation de cannabis et la dépendance, le rapport formule des recommandations afin d'informer et de prévenir les consommateurs - ou futurs consommateurs - et développer la recherche. Il publie des communications (Consommation de cannabis chez les adolescents scolarisés en France ; Cannabis, une consommation qui se banalise ; Achat et vente de cannabis au niveau local ; Génétique et cannabis). Trois études, ajoutées au rapport en mai 2004, traitent des sujets suivants : Cannabis et théorie de l'escalade ; Cannabis et troubles psychiatriques ; Effets somatiques du cannabis.
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Langue
Français
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Extrait
L
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Ce document présente les travaux du groupe d’experts réunis par l’Inserm dans le cadre de la procédure d expertise collective, pour répondre aux questions ’ posées par la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxico-manie (Mildt) quant aux effets de la consommation de cannabis sur le com-portement et la santé. Il s’appuie sur les données scientifiques disponibles en date du mois de septem-bre 2001. Environ 1 200 articles et documents ont constitué la base documen-taire de cette expertise. Le Centre d’expertise collective de l’Inserm a assuré la coordination de cette expertise collective avec le Département animation et partenariat scientifique (Daps) pour l’instruction du dossier et avec le service de documentation du Département de l’information scientifique et de la communication (Disc) pour la recherche bibliographique.
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Groupes d’experts et auteurs SylvainAUQA,TIASsociologie, Paris JocelyneARDITTI,toxicologie, centre antipoison, hôpital Salvator, Marseille IsabelleBAILLY,psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, Lille Marie-BertheBIECHELER,département de l’évaluation et de la recherche en accidentologie, Institut national de recherche sur les transports et leur sécu-rité, Arcueil MonsifBOUA,AOBLUimmunologie-oncologie, laboratoire Sanofi –Synthé-labo, Montpellier Jean-ClaudeCOQUS,médecin psychanalyste, association nationale GT méde-cine générale et conduites addictives, Reims IsabelleGRÉMY,épidémiologie, Observatoire régional de santéd’Île-de-France, Paris XavierLAIEUQ,ELLpsychiatrie, dispensaire Moreau-de-Tours, hôpital Sainte-Anne, Paris RafaelODANOD,ALMneuropharmacologie, universitéPompeu Fabra, Barce-lone, Espagne MichelETARLLMA,pharmacologie,responsable du Centre régional de phar-macovigilance et du Centre d’évaluation et d’information sur la pharmacodé-pendance, CHUde Grenoble OlivierMANZONI,plasticitésynaptique et toxicomanie, UPR 9023 CNRS/Inserm, Montpellier PatrickMURA,responsable de l’activitétoxicologie,laboratoire de biochimie et de toxicologie, hôpital Jean-Bernard, Poitiers Michel,UDNAEYRchef du service de psychiatrie et d’addictologie, hôpital Paul-Brousse, Villejuif LaurentVENANCE,negoeicaloahmrrupo, INSERM U114, Collège de France, Paris
Ont présenté une communication MarieCHOQUET,épidémiologie, responsable de l’équipe«Santéde l’adoles-cent», InsermU472, Villejuif Jean-MichelCOSTES,directeur de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies, Paris GilbertPÉPIN,pharmacologie et toxicologie, laboratoire d’expertise Toxlab, Paris Marie-OdileKREBS, physiopathologie des maladies psychiatriques, développe-ment et vulnérabilité, responsable de l’EPI 0117 de l’Inserm, hôpital Sainte-Anne, Paris
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Coordination scientifique et éditoriale CatherineCHENU, attachéscientifique, Centre d’expertise collective EmmanuelleNOWERZEDET-PHOLLCD, attachéscientifique, Centre d’expertise collective JeanneÉTIEMBLE, directeur du Centre d’expertise collective de l’Inserm FrédériquePAGvES, attachéscientifique, Centre d’expertise collective
Assistance bibliographique et technique ChantalRONDET-GRELLIER, FlorenceLESECQet CamilleJUSTO,Centre d’ex-pertise collective
Iconographie Service commun no6 de l’Inserm, dirigépar GérardDELRUE
Analyse................................................................................................ Donnéesépidé ..............miologiques sur la consommation de cannabis Contextes d’ ...............................................................usage du cannabis Donnéesépidémiologiques sur l’abus et la dépendance au cannabis ..... Facteurs de vulnérabilité à ........la consommation abusive de cannabis Consommation de cannabis et comorbiditépsychiatrique .................... Consommation de cannabis et troubles psychotiques ........................... Pharmacocinétique et méthodes de dosage duD9-THC .......................
Consommation de cannabis et circulation routière ...............................
Effets de la consommation de cannabis sur les fonctions cognitives et psychomotrices .......................................................................................
Effets somatiquesàcourt etàlong terme de la consommation de cannabis ..................................................................................................
Effets de la consommation de cannabis sur la descendance chez l’homme et l’animal ................................................................................
Effets comportementaux et antinociceptifs des cannabinoïdes ............. Tolérance et dépendance aux cannabinoïdes chez l’animal .................. Système endocannabinoïde et cannabinoïdes exogènes ........................
Cannabinoïdes et systè ............................................me nerveux central
Mécanismes d’action des cannabinoïdes dans différents systèmes .........
Communications............................................................................... Consommation de cannabis chez les adolescents scolarisés en France .. Cannabis, une consommation qui se banalise .......................................
Achat et vente de cannabis au niveau local ..........................................
Géné ............................................................................tique et cannabis
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Avant-propos
Les donnéesépidémiologiques recueillies en Europe comme auxÉtats-Unis, en Australie ou en Nouvelle-Zélande mettent enévidence une augmentation de la prévalence d’usage de cannabis dans les populations jeunes. Alors que les travaux de recherche fondamentale sur les cannabinoïdes ont fait un bond considérable durant les dernières années, force est de constater les lacunes dans la connaissance sur les effets sur la santéde l’usage de cannabis. Fondées sur des observations, desétudes cliniques ou au mieux sur desétudes rétrospectives, les données sur les différents effets aigus et chroniques du cannabis sont encore peu nombreuses ou contradictoires. Il faut noter d’em-blée la difficulté àrecueillir des données dans les populations vis-à-vis d’un produit illicite. La Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT) a souhaitédisposer d’un bilan des connaissances disponibles sur les effets sur le comportement et la santéde l’usage de cannabis,àpartir d’une analyse exhaustive de la littérature, et a demandé àl’Inserm de conduire ce travailàtravers la procédure d’expertise collective. Pour répondreàcette demande, l’Inserm a réuni un groupe pluridisciplinaire d’experts scientifiques dans les domaines de l’épidémiologie descriptive et analytique, de la sociologie, de la biologie et de la neurobiologie, de la toxicologie, de la neuropharmacologie et de la clinique (psychiatres cliniciens ou généraliste). Le groupe d’experts a structuréson analyseàpartir des questions suivantes : •Que sait-on des niveaux de consommation de cannabis, de leurévolution dans le temps et des caractéristiques des consommateurs, notamment chez les jeunes ? Lesévolutions décrites en France sont-elles comparablesàcelles observées dans les autres pays développés ? •Que sait-on des contextes et des modes de consommations : situations d’expérimentation du produit, proportion et caractéristiques des consomma-teurs réguliers, importance des phénomènes de polyconsommation, trajectoi-res de consommation ? Que sait-on de l’évolution de l’offre de cannabis et des filières de distribution dans différents milieux sociaux ? Quel est le lien entre consommation et désocialisation ou délinquance ? •Quels sont les caractéristiques du produit ? Quels sont les principes actifs selon les différentes variétéde cannabis ? Quel est le ms étabolisme du canna-bis chez l’homme ? Quels sont les marqueurs biologiques de la présence de cannabis dans l’organisme ? •Quels sont les effets du cannabis sur la santé? Quels sont les effets neurolo-giques ? Sont-ils réversibles ? Le cannabis induit-il une dépendance ? Que
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sait-on des interactions avec d’autres produits ? Quel est le lien entre consom-mation de cannabis et troubles psychiatriques ? •Quels sont les autres effets sur la santé, en particulier sur les systèmes respiratoire, cardiovasculaire et immunitaire, ainsi que sur la fertilitéet la fécondité? Quelles sont les données sur l’effet cancérogène potentiel ? •Quels sont les résultats desétudes menées chez l’ Dans quelleanimal ? mesure peuvent-elleséclairer les données recueillies chez l’homme ? •Quels sont les mécanismes d’action des cannabinoïdes sur les différents tissus cibles ? L’interrogation des bases Medline, Embase, Toxibase, Psycinfo et Pascal a conduitàsélectionner environ 1 200 articles. Une majoritéde publications concerne les mécanismes d’action du principe actif du cannabis, leD9-THC, en relation avec le système endocannabinoïde. Une partie desétudes menées chez l’animal sont déjàanciennes et une attention particulièreà étéportée aux travaux récents les plus rigoureux. Quant aux données chez l’homme, l’ensemble des travaux (rapports de cas,études cas-témoins,études rétrospec-tives{) aétépris en considération ainsi que les divers rapports accessibles sur le sujet. Au cours de huit séances de travail organisées entre les mois d’octobre 2000 et juin 2001, les experts ont présenté, selon leur champ de compétence, une analyse critique et une synthèse des travaux publiés sur les différents aspects du thème traité. Les trois dernières séances ontétéconsacréesàl’élaboration des principales conclusions et des recommandations.
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Données épidémiologiques sur la consommation de cannabis
La prévalence de consommation de cannabis a été étudiée en France, dans d’autres pays européens, en Amérique du Nord, en Australie et en Nouvelle-Zélande. Dans les pays européens, et notamment en France, il s’agit le plus souvent d’étudesad hocréalisées en population générale, dont les objectifs sont de s’inscrire dans une politique nationale de suivi des comportements à l’égard du cannabis, afin d’adapter les stratégies de réduction de la consomma-tion. S’intéresser à la seule consommation de cannabis ne doit pas faire perdre de vue que cette consommation est fortement associée à celle d’autres produits psychoactifs licites comme l’alcool et le tabac. Cela rend difficile la recherche des facteurs déterminants qui pourraient être propres au cannabis. De ce fait, les études portent le plus souvent sur l’ensemble des consommations de produits psychoactifs tels que le tabac, l’alcool, le cannabis et les autres produits, et non pas sur la seule consommation de cannabis. Essentiellement réalisées par sondages aléatoires d’échantillons représentatifs des populations concernées, ces enquêtes donnent des résultats cohérents entre eux malgré la diversité des pays ou zones de provenance (Europe et Amérique du Nord, ou Australie et Nouvelle-Zélande, principalement).
Enquêtes disponibles et limites
Les enquêtes concernant la consommation de substances psychoactives ont commencé en France à la fin des années 1970 avec les travaux réalisés par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Davidson et Choquet, 1980). Les enquêtes en population générale (par sondage aléatoire) permettent de mesurer la prévalence et l’incidence de la consommation dans une population ciblée (définie par son âge, son statut, son lieu d’habitation). Plusieurs conditions sont pré-requises, dont un échantillon représentatif de cette population, un taux de participation suffisant (au moins 70 % à 80 % de la population ciblée), un outil d’observation (questionnaire ou entretien) standardisé et validé, un mode de passation qui préserve l’anonymat. Les
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Cannabis − Quels effets sur le comportement et la santé ?
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enquêtes en population sous-estiment généralement les gros consommateurs, car ces derniers participent moins et ont tendanceàminimiser leur consom-mation.
Le suivi de la consommation de cannabis impose une mise enœuvre d’enquê-tes répétées selon une méthode identique, procédure qui n’a réellement dé-butéen France que dans les années quatre-vingt-dix, avec notamment les enquêtes auprès des jeunes scolarisés (Choquet et Ledoux 1994), et les enquê-tes du Baromètre santédu Comitéfrançais d’éducation pour la santé(CFES)1 en population générale adulte ou jeune. Avec la création de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), un dispositif d’enquêtes a étédéveloppéqui intègre les dispositifs antérieurs et lesélargit notammentà l’ensemble des substances psychoactives.
L’étude ESPAD2(European school survey project on alcohol and other drugs) (Anonyme, 1995) est une enquête portant sur les jeunes scolarisés de 15 et 16 ans,àlaquelle la France a participé àpartir de 1999 sur unéchantillon représentatif au plan national (Choquet et coll., 2000). L’enquête ESCA-PAD3(Enquête santéet consommation au cours de l’appel de préparationàla défense), qui concerne unéchantillon de 13 957 jeunes de 17à19 ans ayant participé àla Journée d’appel et de préparationàla défense, aétémise en œuvre pour la première fois en 2000 (Beck et coll., 2000). L’OFDT participe aux travaux de l’OEDT (Observatoire européen des drogues et des toxicoma-nies), qui réalise un travail d’homogénéisation, de validitéet de comparaison des données, ainsi que d’identification des indicateurs pertinents au niveau européen.
Effectifs et niveaux de consommation
L’expérimentation du cannabis est définie selon les auteurs comme une consommation de cannabis intervenue entre 1 et 5 fois au cours de la vie. Dans l’ensemble, le sujet sort du cadre de l’expérimentationàpartir d’n u e consommation au moinségaleà5 fois (on parle alors de consommation occasionnelle) ; le terme«prévalence-vie», qui reflète la consommation«au moins 1 fois dans la vie», a dans ce sens l’avantage d’être plus explicite que l’expression prévalence d’expérimentation. En effet, celle-ci désigne le plus souvent la prévalence-vie en France, alors qu’elle désigne la fraction de la population n’ayant pas consomméplus de 2à5 fois du cannabis dans les articlesétrangers.
1. Enquête par entretien téléphonique après tirage au sort sur liste des abonnés. 2. Enquête par autoquestionnaire anonyme sur un échantillon national en milieu scolaire. 3. Enquête « santé et consommation » par autoquestionnaire anonyme au cours de la journée d’appel de préparation à la défense.
Donnéesépidémiologiques sur la consommation de cannabis
Une autre mesure habituellement retrouvée dans ces enquêtes est la propor-tion des personnes ayant consomméau moins 1 fois du cannabis au cours de l’année précédant l’enquête (prévalence au cours des douze derniers mois). Les indicateurs mesurant les consommations plus fréquentes (celles au cours du dernier mois), ou répétées (nombre de fois au cours des douze derniers mois ou du dernier mois) ne sont que plus rarement recherchés. Ni la consomma-tion quotidienne ni le risque d’uneéventuelle dépendance ne sont générale-ment renseignés. Or la connaissance précise des consommations de cannabis (fréquence et intensité) est primordiale si l’on souhaite s’intéresser aux trou-bles et aux problèmes associésàla consommation, dans la mesure oùces derniers pourraient n’apparaître qu’àdes niveaux de consommation pluséle-vés que ceux habituellement recherchés dans les enquêtes.
Sous-estimation de la consommation de cannabis Les grandes enquêtes internationales menées en population générale ont tendanceàsous-représenter les personnes les plus marginalisées (parce qu’el-les sont, par exemple, moins souvent scolarisées que les autres dans le cas d’enquêtes en milieu scolaire), chez lesquelles il est pourtant probable que la proportion des usagers de produits psychoactifs est plus importante que dans d’autres groupes de populations. De plus, quelles que soient les stratégies de sondage, il existe une sous-estimation de la consommation déclarée de produits psychoactifs, notamment de celle de cannabis, pour plusieurs raisons.
Mode de recueil des données Une sous-déclaration est d’autant plus importante que la méthode de recueil de données implique une relationétroite avec un enquêteur. Ainsi, les recueils de données réalisés par des enquêteurs en face-à-face avec la personne inter-rogée introduisent une sous-déclaration plus importante que des informations recueillies par entretien téléphonique ou au moyen de questionnaires autoad-ministrés : ces deux dernières méthodes sont plus neutres et plus distanciées (Johnson et Gerstein,1998 ; Rogers et coll., 1999). La norme socialeàl’égard des substances psychoactives s’est modifiée au cours du temps. Ainsi, l’OFDT a rassembléune trentaine d’études mises enœuvre entre 1988 et 1998 portant sur les opinions, attitudes et perceptionsàl’égard des substances psychoactives (Beck, 1999). Cette analyse montre que, au cours de cette période, les attitudesàl’égard des substances psychoactives et surtoutàl’égard du cannabis ontévoluévers une plus grande tolérance : la perception de la dangerositédu cannabis s’est atténuée, même si l’ensemble des produits illicites reste perçu comme dangereux. De plus, les fumeurs occasionnels de cannabis ne sont considérés comme des toxicomanes que par une minoritédes personnes interrogées.