Dans la perspective d'une actualisation de la loi d'orientation de 1975 en faveur des personnes handicapées, la Cour des comptes se penche sur l'évolution de la population des personnes en situation de handicap et dresse pour cela un état des lieux à la fois des handicaps et des personnes touchées, des dépenses publiques en faveur de ces personnes et enfin des structures et acteurs concernés (administrations de l'Etat, collectivités territoriales, secteur associatif...). La deuxième partie du rapport traite de la situation de handicap aux différents âges de la vie : enfance et adolescence (accueil, orientation et scolarisation), insertion dans le monde du travail à l'âge adulte, personnes handicapées vieillissantes. Les constatations de la Cour font ressortir la nécessité d'améliorer le pilotage, eu égard aux limites de la programmation et du dispositif juridique à compléter, à la nécessité d'actualiser le dispositif relatif aux personnes majeures protégées, à l'insuffisance de l'encadrement de la gestion des établissements qui accueillent des personnes handicapées et à l'absence du handicap dans les priorités de la recherche. Des recommandations figurent à la fin des chapitres. Le rapport se termine par les réponses des administrations et organismes intéressés.
Introduction...................................................................................................PREMIERE PARTIE : ETAT DES LIEUX...............................................Chapitre I : Les handicaps et les personnes en situation de handicap......
I - Les concours variés de la notion de handicap ........................................ II - Les difficultés institutionnelles des dénombrements statistiques sur le handicap.................................................................................................Chapitre II : Les dépenses publiques en faveur des personnes handicapées....................................................................................................
I Les dépenses de lEtat liées au handicap ............................................... -II - Le coût budgétaire des mesures fiscales favorables aux contribuables handicapés ............................................................................................. III - Les dépenses des collectivités territoriales............................................. IV - Les dépenses des organismes de protection sociale ............................... V - Les dépenses dintervention de lAGEFIPH .......................................... Chapitre III : Les structures et les acteurs..................................................
I - La pluralité des administrations de lEtat concernées ............................ II - La répartition des compétences entre lEtat et les collectivités territoriales............................................................................................. III - Le rôle du secteur associatif................................................................... IV - Les instances de concertation................................................................. DEUXIÈME PARTIE : LA SITUATION DE HANDICAP AUX DIFFÉRENTS ÂGES DE LA VIE...............................................................Chapitre IV : Le jeune enfant handicapé....................................................
I - La naissance de lenfant handicapé........................................................ II - Les centres daction médico-sociale précoce .........................................
Chapitre V : Lorientation...........................................................................
I - Les commissions départementales déducation spéciale (CDES) .......... II - Les commissions techniques dorientation et de reclassement professionnel (COTOREP) .................................................................... III - Le coût du dispositif dorientation ......................................................... IV - Le problème spécifique des troubles du caractère et du comportement .
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Chapitre VI : La scolarisation des enfants et adolescents handicapés......
I - La scolarisation dans les établissements ordinaires................................ II - La scolarisation dans les établissements et services médico-sociaux..... III - Le coût de la scolarisation des enfants handicapés ................................ IV - La taxe dapprentissage dans le secteur du handicap .............................
Chapitre VII : Linsertion dans le monde du travail
I Lactivité professionnelle des personnes handicaptées. -II La sortie du travail protégé... -III - Les interventions de lAGEFIPH en 2001 IV - Les concours du fonds social européen.................................................. Chapitre VIII : Le vieillissement des personnes handicapées....................
I - Linsuffisance des données statistiques ................................................. II - Les modalités dhébergement ................................................................ III - Les ruptures dans la prise en charge de la personne handicapée vieillissante ............................................................................................ TROISIÈME PARTIE : Un pilotage à améliorer.......................................Chapitre IX : Les limites de la programmation..........................................
I - Les plans nationaux en faveur des personnes handicapées .................... II - La programmation au niveau déconcentré ............................................. III - Lexpérimentation des sites pour la vie autonome ................................. Chapitre X : Un dispositif juridique à compléter.......................................
I - Larticle22 de la loi du du 13 janvier 1989, dit « amendement Creton » II - La réglementation relative à certains handicaps lourds.......................... III - La difficile définition du handicap rare.................................................. Chapitre XI : Lactualisation nécessaire du dispositif relatif aux personnes majeures protégées......................................................................
I - Le dispositif de protection ..................................................................... II - La mise en uvre des mesures de protection ......................................... III - Les projets de réforme ........................................................................... Chapitre XII : Linsuffisance dencadrement de la gestion des établissements................................................................................................
I - La fonction dinspection et de contrôle incombant aux services de lEtat......................................................................................................II - Les dysfonctionnements et anomalies constatés lors des inspections ou contrôles............................................................................................ III - Les contrôles de la Cour sur la gestion des établissements ....................
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Chapitre XIII : Labsence du handicap dans les priorités de recherche..
I - Un dispositif complexe et non coordonné.............................................. II - Lefinancement des recherches sur le handicap ..................................... III Lapport réduit des études à la politique du handicap ............................
Annexe I: Rapports récents sur les problèmes posés par la vie avec un handicap
Annexe II: Comparaisons européennes
Annexe III: Les ressources légales en faveur des personnes handicapées..
Annexe IV: Dépenses de lEtat liées au handicap en 2001..
Annexe V de la Cour des comptes sur les comptes demploi: Observations pour 1998 à 2000 des ressources collectées auprès du public par lassociation « Comité Perce-Neige »
Glossaire.........................................................................................................Réponses des administrations et organismes intéressés.............................
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DÉLIBÉRÉ _____
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La Cour des comptes publie, sous la forme dun fascicule séparé, un rapport concernant LA VIE AVEC UN HANDICAP. Conformément aux dispositions législatives et réglementaires du code des juridictions financières, la Cour des comptes, délibérant en chambre du conseil, a adopté le présent rapport public. Ce texte a été arrêté au vu du projet qui avait été communiqué au préalable, en totalité ou par extraits, aux administrations et organismes concernés, et après quil a été tenu compte, quand il y avait lieu, des réponses fournies par celles-ci. En application des dispositions précitées, ces réponses sont publiées ; elles engagent la seule responsabilité de leurs auteurs. Etaient présents : M. Logerot, premier président, MM. Marmot, Menasseyre, Collinet, Delafosse, Gastinel, Fragonard, Cieutat, présidents de chambre, MM. Brunet,Berger, présidents de chambre maintenus en activité, MM. Chartier, Capdeboscq, Join-Lambert, Murret-Labarthe, Sallois, Giquel, Bénard, Billaud, Lagrave, Recoules, de Mourgues, Paugam, Babusiaux, Richard, Devaux, Rossignol, Arnaud, Bayle, Mme Boutin, MM. Chabrol, X-H. Martin, Monier, Mme Cornette, MM. Thérond, Mme Froment-Meurice, MM. Cazanave, Mme Bellon, MM. Gasse, Moreau, Frèches, Ritz, Duchadeuil, Moulin, Raynal, Thélot, Steyer, Lesouhaitier, Lefas, Gauron, Lafaure, Brochier, Braunstein, Auger, Delin, Vial, Phéline, Coudreau, J. Gautier, conseillers maîtres, MM. Lorit, David, Lazar, dAlbis, Audouin, Pascal, conseillers maîtres en service extraordinaire, Mme Bazy-Malaurie, conseiller maître, rapporteur général. Etait présente et a participé aux débats, Mme Gisserot, procureur général de la République, assistée de M. Frentz, avocat général.
M. Bruno Ory-Lavollée, secrétaire général, assurait le secrétariat de la chambre du conseil, assisté de Mme Catherine Démier, secrétaire générale adjointe.
Fait à la Cour, le 17 juin 2003.
Introduction
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Larticle 1er de la loi dorientation en faveur des personnes handicapées n° 75-534 du 30 juin 1975 fixait quatre principes :
- la définition dune « obligation nationale » couvrant tous les âges de la vie de la personne et tous les types de handicap ;
- lexécution conjointe de cette obligation par plusieurs acteurs privés (familles, associations) et publics (Etat, collectivités locales, organismes de sécurité sociale) ;
- le milieu ordinaire comme cadre privilégié dexécution de cette obligation ;
- le rôle de coordonnateur et danimateur de lEtat.
A la lumière de ces principes, il a semblé à la Cour quen 2003, année européenne des personnes handicapées, dans la perspective dune actualisation de ladite loi de 1975, un rapport public particulier pouvait utilement contribuer à faire le point sur la mise en uvre de cette « obligation nationale », spécialement vis-à-vis des personnes souffrant dun handicap mental et aux deux extrémités de la vie que constituent la jeunesse et la vieillesse.
I Précédentes communications de la Cour et travaux récents
Depuis la promulgation des deux lois du 30 juin 19751, la Cour sest exprimée à cinq reprises sur la politique en faveur des personnes handicapées, dans ses rapports publics annuels de 1982, 1987 et 1998 et dans deux rapports publics particuliers de novembre 1993 sur « les
1) Outre la loi n° 75-534 dorientation, il convient, en effet, de noter limportance de la loi n° 75-535 relative aux institutions sociales et médico-sociales.
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COUR DES COMPTES
politiques sociales en faveur des personnes handicapées adultes » et décembre 1995 sur « la décentralisation en matière daide sociale ».
Le rapport de novembre 1993 traitait de lallocation aux adultes handicapés (AAH), des aides destinées à favoriser lintégration sociale des personnes handicapées, du travail protégé et de diverses mesures concernant le milieu ordinaire de travail. La Cour avait alors concentré son examen sur les personnes handicapées en âge de travailler.
Au cours de la dernière période, plusieurs rapports et avis ont évoqué divers aspects des problèmes posés par la vie avec un handicap2. Un rapport du Sénat3traitant de lensemble de la politique du, handicap, estime notamment nécessaire de faire franchir une nouvelle étape aux politiques publiques relatives au handicap, ce qui requiert un effort financier supplémentaire et un nouvel instrument législatif. Il conclut à la nécessité de réformer la loi dorientation du 30 juin 1975, en confirmant lobligation nationale quelle affirme4.
Lobligation nationale
La loi dorientation en faveur des personnes handicapées n° 75-534 du 30 juin 1975 a défini une obligation nationale :
« La prévention et le dépistage des handicaps, les soins, léducation, la formation et lorientation professionnelle, lemploi, la garantie dun minimum de ressources, lintégration sociale et laccès aux sports et aux loisirs du mineur et de ladulte handicapés physiques, sensoriels ou mentaux constituent une obligation nationale. » (Art. 1er, 1eralinéa, de la loi n° 75-534 du 30 juin 1975)
Cette définition a été complétée en 2002 par laffirmation dun droit à la compensation des conséquences du handicap :
« La prévention et le dépistage du handicap et laccès du mineur ou de ladulte handicapé physique, sensoriel ou mental aux droits fondamentaux reconnus à tous les citoyens, notamment aux soins, à
2) Voir annexe 1. Des éléments sur les comparaisons européennes sont présentés en annexe 2. 3) Rapport n° 369 du Sénat :La politique de compensation du handicap:le temps de la solidaritépar M. Paul Blanc, membre de la commission des affaires sociales,établi juillet 2002. 4) Le rapport sénatorial fait justement remarquer à ce sujet que, bien quusuellement encore considérée comme un texte de référence, ladite loi de 1975 a été purement et simplement abrogée par lordonnance n° 2000-1249 du 21 décembre 2000 et que, pour lessentiel, ses dispositions ont été dispersées dans sept codes différents.
INTRODUCTION
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léducation, à la formation et à lorientation professionnelle, à lemploi, à la garantie dun minimum de ressources adapté, à lintégration sociale, à la liberté de déplacement et de circulation, à une protection juridique, aux sports, aux loisirs, au tourisme et à la nature constituent une obligation nationale.
« La personne handicapée a droit à la compensation des conséquences de son handicap quels que soient lorigine et la nature de sa déficience, son âge ou son mode de vie, et à la garantie dun minimum de ressources lui permettant de couvrir la totalité des besoins essentiels de la vie courante. » (Art. L. 114-1 du code de laction sociale et des familles, issu de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002)
II Lenquête de la Cour
Pour cette nouvelle enquête, la Cour a pris en compte plusieurs tendances discernables dans lévolution de la population des personnes en situation de handicap, particulièrement de handicap mental : la prévalence du handicap à la naissance reste stable, car les progrès médicaux ont permis daméliorer le pronostic vital de bien des enfants handicapés ; des classes dâge plus nombreuses passent à lâge adulte ; comme lespérance de vie a augmenté, une partie dune génération de personnes handicapées vieillissantes va survivre à ses parents.
La Cour a donc examiné comment sont définies les orientations nationales de la politique du handicap, à tous les âges de la vie des personnes handicapées, et comment elles sont mises en uvre, notamment à léchelon déconcentré.
Lenquête a été conduite à la fois auprès des administrations centrales de lEtat responsables des politiques nationales, aux ministères de lemploi et de la solidarité, de léducation nationale et de la recherche, et dans neuf départements5 auprès des responsables de laction déconcentrée de lEtat en faveur des personnes handicapées (préfets, directeurs départementaux des affaires sanitaires et sociales et du travail, de lemploi et de la formation professionnelle, recteurs et inspecteurs dacadémie). Des questionnaires ont, en outre, été adressés aux services déconcentrés concernés des départements métropolitains sur la scolarisation des jeunes handicapés, le dispositif de contrôle et
5) Aisne, Côte-dor, Finistère, Ille-et-Vilaine, Pyrénées-Atlantiques, Paris, Seine-et-Marne, Somme et Var.
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dévaluation des établissements médico-sociaux, la sortie du travail protégé et les conséquences du vieillissement des personnes handicapées.
En même temps, plusieurs organismes concernés par le handicap ont fait lobjet dun contrôle de la Cour : un établissement public national, qui gère plusieurs établissements médico-sociaux pour personnes handicapées ; des associations bénéficiant de subventions, des organismes habilités à percevoir des prélèvements libératoires dune obligation légale de faire6, étant rappelé que lAssociation nationale de gestion du fonds pour linsertion des personnes handicapées (AGEFIPH) a fait lobjet dune observation au rapport public annuel 2002 ; des organismes qui bénéficient du concours de la Communauté européenne ; enfin des organismes faisant appel à la générosité du public.
Lenquête a également comporté la vérification des dépenses liées à la tutelle et à la curatelle dEtat, effectuée sur pièces et poursuivie sur place dans les services déconcentrés ainsi quauprès de quelques tribunaux et dassociations tutélaires.
La procédure retenue a comporté un examen contradictoire des constatations provisoires de la Cour et lorganisation dauditions dans les conditions prévues par larticle L. 135-4 du code des juridictions financières. Lexamen de létat des lieux (1ère fait ressortir la difficulté partie) de préciser les concepts, de définir et de dénombrer les publics - environ 4 millions de personnes en 1999 selon lINSEE - (chapitre 1). La récapitulation des dépenses financées sur prélèvements obligatoires exposées en faveur des personnes en situation de handicap - plus de 26 Md en 2001 - ne peut être effectuée quavec une marge dimprécision pour certains volets du « budget social du handicap » (chapitre 2). En effet, de très nombreux services et organismes, publics et privés, ont vocation à soccuper du handicap (chapitre 3).
La deuxième partie du rapport traite de la situation de handicap aux différents âges de la vie : enfance et adolescence (accueil, orientation et scolarisation, chapitres 4 à 6), insertion dans le monde du travail à lâge adulte (chapitre 7), personnes handicapées vieillissantes (chapitre 8). Les dispositifs, les services et les équipements sadaptent mal et lentement à lévolution des besoins des personnes handicapées enfants à scolariser comme demandeurs demploi ou personnes vieillissantes. Des logiques distinctes se superposent, quand elles ne se contrarient pas, alors quil
6) Article L. 111-7 du code des juridictions financières modifié par la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000.
INTRODUCTION
paraîtrait nécessaire personnalisés.
dorganiser
en
réseau
des
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accompagnements
Ces constatations font ressortir la nécessité daméliorer le pilotage (3èmede la programmation et du dispositifpartie), eu égard aux limites juridique à compléter (chapitres 9 à 10), à la nécessité dactualiser le dispositif relatif aux personnes majeures protégées (chapitre 11), à linsuffisance de lencadrement de la gestion des établissements qui accueillent des personnes handicapées (chapitre 12) et à labsence du handicap dans les priorités de la recherche (chapitre 13).
Des recommandations figurent à la fin des chapitres. Reprises dans la conclusion du rapport, elles sinscrivent dans la logique de la « vie avec un handicap » qui dépasse le traitement habituel du problème par tranche dâge, nature de handicap et procédure de financement.
La Cour a bien entendu conscience que son étude, qui nest pas exhaustive, naborde pas certains aspects importants de la « vie avec un handicap », en particulier la question du logement et de laccessibilité des équipements publics pour des personnes dans une telle situation, ainsi que celle du remboursement des soins et des appareillages médicaux. Son étude la conduite aussi à mentionner des considérations médicales, des concepts et classifications sociologiques ou statistiques dans lesquels les actions publiques en faveur de personnes handicapées sinscrivent ; elle souligne quelle ne se prononce que sur leurs incidences financières et sur leur traduction dans le dispositif juridique en vigueur.