LES ETATS STRATEGES
258 pages
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Description

Le phénomène est important : depuis 2008 – et encore davantage avec l’avènement de la crise sanitaire –, les gouvernements interviennent de plus en plus dans l’économie. Ce n’est pas qu’ils avaient cessé de le faire, c’est simplement qu’ils intensifient leur action. En Écosse et au Québec, deux nations subétatiques, ces investissements sont plus importants qu’ailleurs et diffèrent en cela des modèles libéraux britannique et canadien qui les englobent. L’auteur de ce livre analyse l’évolution des politiques de ces deux nations, qu’il qualifie d’« États stratèges », dans les secteurs de la finance entrepreneuriale et du capital de risque en particulier. Par ailleurs, et c’est là la clef de voûte de son ouvrage, il soutient, preuves à l’appui, que le développement de ces écosystèmes régionaux est fortement influencé par la prévalence du nationalisme économique. Ce nationalisme minoritaire induit des impératifs institutionnels et des préférences idéologiques qui expliquent les hauts niveaux d’investissement public écossais et québécois, de même que l’unicité des modèles économiques de ces deux nations.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 10 mars 2022
Nombre de lectures 9
EAN13 9782760645189
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1350€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

X. Hubert Rioux
Les États stratèges
Nationalisme économique et finance entrepreneuriale au Québec et en Écosse
Les Presses de l’Université de Montréal



Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada Titre: Les États stratèges: nationalisme économique et finance entrepreneuriale au Québec et en Écosse / Hubert Rioux. Autres titres: Small nations, high ambitions. Français Noms: Rioux, Hubert, 1988- auteur. Collections: Politique mondiale (Presses de l’Université de Montréal) Description: Mention de collection: Collection Politique mondiale | Traduction de: Small nations, high ambitions: economic nationalism and venture capital in Quebec and Scotland. | Comprend des références bibliographiques. Identifiants: Canadiana (livre imprimé) 20210066156 | Canadiana (livre numérique) 20210066164 | ISBN 9782760645165 | ISBN 9782760645172 (PDF) | ISBN 9782760645189 (EPUB) Vedettes-matière: RVM: Capital à risques—Politique gouvernementale—Québec (Province) | RVM: Capital à risques—Politique gouvernementale—Écosse. | RVM: Investissements publics—Politique gouvernementale—Québec (Province) | RVM: Investissements publics—Politique gouvernementale—Écosse. | RVM: Nationalisme—Aspect économique—Québec (Province) | RVM: Nationalisme—Aspect économique—Écosse. | RVM: Québec (Province)—Politique économique. | RVM: Écosse—Politique économique. Classification: LCC HC117.Q4 R5214 2022 | CDD 330.9714—dc23 Mise en pages: Folio infographie Dépôt légal: 1 er trimestre 2022 Bibliothèque et Archives nationales spandu Québec © Les Presses de l’Université de Montréal, 2022 www.pum.umontreal.ca Cet ouvrage a été publié grâce à une subvention de la Fédération des sciences humaines de concert avec le Prix d’auteurs pour l’édition savante, dont les fonds proviennent du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada. Les Presses de l’Université de Montréal remercient de son soutien financier la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC).




Préface
Le phénomène est important, mais passe largement inaperçu: depuis 2008 les gouvernements interviennent de plus en plus massivement dans l’économie. Ce n’est pas qu’ils avaient cessé de le faire, c’est simplement qu’ils le font davantage. Comme l’explique X. Hubert Rioux, ce retour de l’État se fait notamment par l’entremise de banques publiques d’investissement et par la création ou la redéfinition des mandats de sociétés d’État. Il y a environ dix ans, les actifs totaux des fonds souverains représentaient 10% du PIB mondial, nous dit Rioux – une part gigantesque. Depuis, elle a plus que doublé. Ces fonds souverains, comme la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ), et ces sociétés d’État, comme Investissement Québec (IQ), qui se consacrent au financement d’entreprises et à l’aide aux exportations sont maintenant largement plus nombreux qu’il y a vingt ou même dix ans, comme le sont d’ailleurs les banques publiques d’investissement. Parmi celles-ci, plusieurs ont été mises sur pied par des gouvernements non souverains, comme ceux du Québec et de l’Écosse. Cette transformation est importante et nous permet déjà de tirer des leçons sur la mondialisation et sur la relation entre le nationalisme et le développement économique.
Une des conséquences de ces transformations est que la mondialisation, qui avait atteint des sommets juste avant la crise de 2008, bat en retraite depuis. Un auteur néerlandais, Adjiedj Bakas, a même inventé l’expression slowbalization pour décrire le phénomène. Pour le mesurer, on utilise l’indice de l’ouverture commerciale ( trade openness index ), qu’ Our World in Data définit comme la somme des exportations et des importations internationales totales divisée par le PIB mondial. Juste avant la récession de 2008, l’indice n’avait jamais été aussi élevé. La récession de 2008 et le retour de l’État ont eu pour effet notable de renverser la tendance. En effet, l’indice de l’ouverture commerciale est descendu à 53,5% en 2017, un recul d’environ 12% par rapport à 2008. Il s’agit du premier recul mesuré de cet indice depuis la Seconde Guerre mondiale. Selon l’Organisation mondiale du commerce, alors que 0,6% des importations mondiales étaient touchées par des mesures restrictives en 2009, plus de 7,5% l’étaient en 2018, une augmentation de 1 250%. Les investissements directs étrangers (IDÉ) suivent la tendance et sont passés de 3,5% du PIB mondial en 2007 à 1,3% en 2018, une chute de 63%.
Un des changements les plus significatifs se produit en Chine. Comme on le sait, la Chine est souvent le dernier maillon de plusieurs chaînes de valeur mondiales. Ainsi, même si un produit porte l’étiquette Made in China , cela ne signifie pas que la Chine en produise l’essentiel de la valeur ajoutée. Le gouvernement chinois est conscient de cette situation et cherche depuis plusieurs années à la corriger par la politique Made in China 2025, lancée en 2015. Ce programme stratégique a pour finalité d’accélérer la production, en Chine, de composantes qui entrent dans l’assemblage de divers produits, de l’iPhone aux semi-conducteurs. Pour ce faire, le gouvernement chinois cherche, par l’entremise de ses banques d’investissement et de ses sociétés d’État, à devenir un chef de file mondial dans les domaines des énergies vertes, de l’aérospatial, des semi-conducteurs, des biotechnologies et des nouvelles technologies de l’information.
Cette politique vise à affranchir la Chine de sa trop grande dépendance envers les fournisseurs étrangers. On ne sait pas si elle portera ses fruits, mais il est évident que les règles du jeu de la concurrence mondiale ont changé. Depuis 2008, les exportations de la Chine sont passées de 31% de son PIB à 18% en 2020, un recul très important de 42%. Cette politique Made in China 2025 a provoqué plusieurs réactions autour du monde. Par exemple, la Commission européenne a publié un rapport qui presse l’Union européenne (UE) d’augmenter ses financements en recherche et développement (RD), notamment dans le domaine industriel, et d’établir des stratégies commerciales afin d’égaliser les conditions de la concurrence entre les entreprises européennes et chinoises.
Cette politique a également provoqué un durcissement des relations avec les États-Unis. Parmi les actions entreprises par le gouvernement américain figurent ses stratégies de réindustrialisation – tout comme la Chine, l’objectif fondamental est de moins dépendre des approvisionnements extérieurs, notamment dans le domaine de la défense et, depuis la crise sanitaire, de la santé –, ainsi que d’importantes baisses d’impôts pour les entreprises, un élargissement des mesures Buy American pour les marchés publics et une hausse marquée du budget de la défense et des subventions industrielles de divers types. Même si on note un changement de ton de la part de l’administration Biden, il existe un fort consensus bipartisan sur les relations entre la Chine et les États-Unis. Les investissements publics massifs du gouvernement et la politique Build Back Better de l’administration Biden confirment le retour de l’État aux États-Unis également.
L’autre leçon importante porte cette fois sur le nationalisme et son influence sur l’intervention de l’État dans l’économie. Les théories économiques contemporaines sont incapables de saisir l’importance du nationalisme comme moteur de l’intervention de l’État en général, et plus encore pour de petites nations comme l’Écosse et le Québec. La réaction classique de nombreux observateurs économiques est de présenter le (mauvais) nationalisme comme l’opposé du (bon) libéralisme. Un peu court… Cette situation n’est pas nouvelle et ne se limite pas aux économistes. Au début des années 1960, déjà, Judy LaMarsh, une des toutes premières femmes à avoir été nommées au sein du Cabinet fédéral, sous Lester B. Pearson, craignait qu’avec la création de la Caisse de dépôt et placement du Québec, la province ne se transforme en pays totalitaire. Elle déclarait alors: «La puissance d’un gouvernement disposant d’autant d’argent serait effarante. En contrôlant les capitaux d’investissement, il serait en position de dominer les affaires. On risquerait de déboucher sur une sorte de national-socialisme tel qu’il s’exerçait dans l’Allemagne nazie 1 .»
Une autre erreur majeure de nombreux chercheurs, notamment ceux qui s’intéressent à la variété des modèles de capitalisme, est, paradoxalement, de succomber au nationalisme méthodologique. Celui-ci suppose, dans les faits, qu’on ne se concentre que sur les pays souverains et qu’on gomme les variations régionales ou infranationales. En procédant de la sorte, ces chercheurs réifient de manière excessive les caractéristiques des modèles. Comme le montre de manière plus que convaincante X. Hubert Rioux, on trouve au sein des modèles libéraux britannique et canadien les modèles québécois et écossais, qui ne s’alignent pas sur la logique institutionnelle du reste du pays. Au Québec et en Écosse, le nationalisme minoritaire exerce sur les politiques d’innovation et de soutien entrepreneurial des effets concrets et très importants, qui les différencient des approches qui prévalent dans le reste du Canada et du Royaume-Uni.
Et c’est bien ici la contribution la plus importante de ce livre: étudier avec précision et compétence un secteur habituellement négligé des sciences sociales et, en particulier, des études sur le nationalisme, celui des sociétés d’État et des fonds publics d’investissement qui participent à la finance entrepreneuriale. L’auteur montre que le facteur explicatif fondamental pour comprendre la divergence entre les politiques et les écosystèmes du Québec et de l’Écosse, d’une part, et la norme libérale qui prévaut au Canada et au Royaume-Uni, d’autre part, concerne les logiques et les effets du nationalisme économique. C’est

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