Jours de fièvre à "Las Gracias" - Tome 2
221 pages
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Jours de fièvre à "Las Gracias" - Tome 2 , livre ebook

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Description

[Extrait] La période annuelle des pluies et tempêtes qui durait environ deux semaines débuta cette année-là avec une dizaine de jours d’avance sur le calendrier habituel. Elle s’annonça au lendemain même du départ du capitaine Rioseco et du licenciado Dominguez…
Ce fut d’abord un amoncellement progressif de lourds nuages d’un noir d’encre, arrivant du large par le nord, qui se mirent à chevaucher le ciel au-dessus de l’île de Las Gracias. Ils furent accompagnés d’un vent fort, soufflant par rafales, qui fit friser et bouillonner d’écume la surface de l’océan. Puis, lorsque plus une trace de ciel bleu ne subsista, le vent forcit encore et l’épaisse masse de nuages creva d’un seul coup, dans un infernal déchaînement d’éclairs et d’assourdissants fracas de tonnerre.

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Informations

Publié par
Date de parution 07 novembre 2018
Nombre de lectures 4
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

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FRANÇOIS TROTET
Jours de fièvre à « Las Gracias » ROMAN Tome 2
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Du même auteur
DU MÊME AUTEUR
Le Panama, Col. « Méridiens », éd. Karthala, Paris, 1991. Henri Michaux ou la sagesse du Vide, essai, éd. Albin Michel, Paris, 1992. Le Chant du griot, roman, Col. « Écritures », éd. L’Harmattan, Paris, 1997. Petit Carnet de faits divers, roman, Col. « Sombres climats », éd. Climats, Montpellier, 1999. Opération Boraq F5,recueil de témoignages, Col. « Témoignages », éd. Tarik, Casablanca, 2002 Le Trésor secret d’Imothep,roman jeunesse, éd. Marsam, Rabat, 2006 Le Ryad,nouvelles, Tirage hors édition, 2014 Jours de fièvre à Las Gracias,(volume I), roman, Col. « Fiction », éd. Aïni Bennaï, Casablanca, 2014.
* Certains des ouvrages ci-dessus étant épuisés ou hors commerce, ils peuvent  encore être disponibles en s’adressant à l’adresse suivante : mon.auteur@laposte.net
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François Trotet
Jours de fièvre
à
Las Gracias
Tome II
Roman
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6
La période annuelle des pluies et tempêtes qui durait environ deux semaines débuta cette année-là avec une dizaine de jours d’avance sur le calendrier habituel. Elle s’annonça au lendemain même du départ du capitaine Rioseco et dulicenciado Dominguez… Ce fut d’abord un amoncellement progressif de lourds nuages d’un noir d’encre, arrivant du large par le nord, qui se mirent à chevaucher le ciel au-dessus de l’île de Las Gracias. Ils furent accompagnés d’un vent fort, soufflant par rafales, qui fit friser et bouillonner d’écume la surface de l’océan. Puis, lorsque plus une trace de ciel bleu ne subsista, le vent forcit encore et l’épaisse masse de nuages creva d’un seul coup, dans un infernal déchaînement d’éclairs et d’assourdissants fracas de tonnerre. Un véritable déluge se déversa alors sur l’île, qui dura, sans discontinuer, deux jours et deux nuits. Ce fut ensuite la persistance d’un ciel plombé et d’un rideau de pluie qui rapprochait l’horizon à presque le toucher, à peine déchiré, de temps à autre, par une brève accalmie. Puissantes et régulières, les averses succédaient aux averses, plus drues les unes que les autres. À s’abattre sur un sol chaud, elles provoquaient des dégagements de vapeur qui rendaient l’atmosphère encore plus épaisse, plus moite et plus irrespirable.
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Comme toujours en pareil cas, prise dans la tourmente et coupée du monde, Las Gracias se mit à ressembler à un bouchon de liège dérivant sur les flots déchaînés. Au plus fort de la tempête, les gigantesques rouleaux qui la cernaient de toute part montraient comme une rageuse volonté de l’océan à déborder de ses eaux grises les limites de son territoire pour tenter de conquérir, pied à pied, les espaces vierges de l’île. Ils submergeaient totalement le quai, remontaient la pente sableuse de la plage jusqu’à sa lisière, noyant le pied des premières rangées de cocotiers, fouettaient les rochers et le rempart sur le côté ouest de la caserne à s’en écarteler en d’immenses gerbes blanches. Las Gracias toute entière retentissait des échos de ce déferlement marin. Une fois le plus gros de la tempête passé, l’océan grondait encore, mais d’impuissance, meurtri dans sa défaite. De larges traînées de boue rougeâtre, comme un sang épais déversé par d’invisibles et profondes blessures, s’étendirent alors depuis la côte jusqu’au large.
Le capitaine Rioseco et lelicenciadoDominguez regagnèrent le continent juste avant que les liaisons entre Puerto Féliz et Las Gracias ne fussent interrompues. Ils laissèrent à quai et en plein vent un commandant Mosquito assez désemparé… Redoutant que la houle ne forcît au large, obligeant l’embarcation à faire demi-tour en cours de traversée, le pilote de la navette avait pressé ses passagers d’embarquer. Les adieux s’en virent donc écourtés. Si ceux du capitaine s’avérèrent des plus cordiaux, sur la promesse faite de se revoir bientôt, il n’en fut évidemment pas de même avec lelicenciado. Une fois ses bagages embarqués, ce dernier, toujours aussi peu amène, se contenta de serrer la main gauche de l’officier, en lui disant, sur un ton glacial et des plus professionnels : «Je vous ai
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entendu éternuer à plusieurs reprises, commandant. Il vous faudra rapidement soigner ce coryza naissant si, vu votre âge, vous ne voulez pas subir de complications. Vous trouverez tout ce qu’il vous faut sur les rayonnages de l’armoire à pharmacie dont je vous ai remis la clef…». Puis, sans un mot de plus, il lui tourna le dos et s’engagea sur la passerelle d'embarquement de la navette dans laquelle venaient d'être entreposées ses affaires. Pas l’esquisse d’un sourire d’adieu, pas la moindre allusion au fait qu’ils venaient de passer cinq longues années à travailler ensemble au sein de la garnison, pas la plus petite expression de regret ou d’encouragement… Lelicenciado voulait ainsi, on ne peut plus clairement, signifier au commandant Mosquito qu’il était fermement résolu à tourner définitivement la page, et que l’on n’entendrait plus jamais parler de lui à Las Gracias…
Voyant s’éloigner la vedette qui tanguait lourdement sur la houle déjà forte, le commandant Otelo Mosquito sentit alors peser sur ses épaules le poids d’une profonde solitude. Il lui semblait que, un à un, tous ceux qui l’avaient jusque-là entouré quittaient la garnison comme on quitte un navire en perdition, le laissant seul à la barre. Il n’était pas sans éprouver également quelque inquiétude à voir les deux hommes regagner le continent sur la même navette. Qu’allaient-ils bien pouvoir se dire à son sujet au cours de leur traversée ?... Autour de lui, un certain nombre d’habitantes du hameau qui avaient bravé les rafales de vent pour venir hâtivement faire quelques emplettes finissaient de ranger celles-ci dans leurs grands paniers. Avant de quitter le quai, ne voulant pas afficher l’émotion qu’il ressentait au regard des marins de la vedette militaire qui avaient suspendu leurs tâches et qui, alignés sur le pont avant, le regardaient, il leur donna l’ordre d’aller mouiller le
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bâtiment au large afin que la tempête qui s’annonçait violente ne risquât pas de le fracasser contre le quai. Puis, à pas lents et le cœur lourd, il remonta la jetée, poussé dans le dos par la pression du vent. La perspective de se retrouver seul, enfermé dans son bureau, ne l’enchantant guère, il décida de ne pas regagner aussitôt la caserne et il se mit à suivre les villageoises qui, par petits groupes de deux ou trois, leur ample jupe flottant au vent, regagnaient leur foyer. Il en fut plusieurs qui se retournèrent, étonnées de voir l’officier se diriger comme elles vers le hameau. De fait, le commandant ne s’y rendait pour ainsi dire jamais, même si, de par son statut de chef de la garnison de Las Gracias, il avait un droit de regard sur l’ensemble de la population de l’île. Sur la plage, les pêcheurs étaient en train de haler leurs barques, les remontant à la force des bras vers le haut de la dune afin de les mettre à l’abri. C’est pourquoi, atteignant la buvette, le commandant la trouva déserte. Seul son propriétaire, Manolo Pieldelpecho s’y trouvait, lui-même occupé à transporter les tables et les bancs de sa terrasse à l’intérieur de son petit établissement pour les y entreposer le temps que dureraient les intempéries… Surpris par l’arrivée de l’officier, il interrompit sa tâche. – Quel bon vent vous amène,comandante ?demanda-t-il à l’officier. Celui-ci hocha la tête avant de répondre : – Je ne suis pas sûr que ce vent soit aussi bon que vous le dites,señorManolo … Je vois d’ailleurs que vous êtes en train de prendre vos précautions. – C’est vrai, confirma le tenancier de la buvette. Je ferme boutique car ils ont annoncé l’arrivée de la tempête pour ce soir ou dans le courant de la nuit... Souhaitez-vous boire quelque chose comandante?
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Le commandant n’osa pas avouer qu’il n’était venu que pour ça, s’étant dit qu’une bonne rasade d’alcool lui redonnerait un peu d’allant. – Ma foi,señorManolo,pourquoi pas ? Même si ce n’est pas vraiment l’heure, servez-moi donc un petit verre deSeco– Voulez-vous le prendre ici ou au bar, à l’intérieur ? – Ici ce sera très bien, répondit le commandant prenant place à la dernière table qui n’avait pas encore été rentrée et qui se trouvait en partie à l’abri du vent. Pendant que Pieldelpecho allait chercher leSeco, l’officier regarda autour de lui. Cela devait bien faire plus d’un an qu’il n’avait pas mis les pieds en ces lieux, et il nota toutes les transformations que le patron avait entreprises pour "moderniser" son établissement et le rendre plus agréable. Les piliers de l’auvent protégeant la terrasse étaient tous habillés de petites guirlandes électriques, lesquelles devaient allègrement clignoter dès la tombée de la nuit ; plusieurs haut-parleurs étaient accrochés sous les poutres, et des lampions colorés que le vent agitait gaiement étaient suspendus ici et là. Tout autour de la terrasse, des jardinières plantées de géraniums en fleurs donnaient à l’ensemble un aspect des plus accueillants… – Vous avez fort bien aménagé votre terrasse, dit l’officier à Manolo lorsque celui-ci revint portant la bouteille deSecoet deux verres. – On essaie de faire ce qu’on peut pour le bien-être des clients…, répondit celui-ci avant de prendre place en face du commandant. Il remplit les verres, et les deux hommes trinquèrent. Dès les premières gorgées, le commandant se sentit ragaillardi, et la compagnie de Pieldelpecho lui changea les idées.
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