Le Patrimoine de l autre
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Description

Cet ouvrage traite d'un sujet d'une extrême actualité : la destruction et le rapt culturel, véritable appropriation des biens et des oeuvres de l'esprit. La domination n'est pas que matérielle ou reposant sur la gestion du sol, mais est aussi intellectuelle. Elle sert à falsifier l'histoire et déposséder un peuple de son passé, tout en l'infériorisant. A partir du XVIIIe siècle, nous avons assisté dans l'histoire à un réel déplacement des biens culturels, à l'instar de ceux des êtres humains et des matières premières. La puissance d'un Etat est représentée par la mise à disposition de l'autre, provoquant chez les pays dominés un traumatisme social dans la formation de l'identité. Faire table rase du passé, de ce passé qui dérange. Cela démontre la façon dont le passé culturel fait peur. Se l'approprier ou le détruire sont des façons d'attaquer l'intime de la formation de l'identité de l'autre, afin que celui-ci ne puisse pas s'exprimer ou se révolter pour atteindre son autonomie.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 07 juin 2019
Nombre de lectures 1
EAN13 9782304047776
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Francesca de Micheli Antigone Mouchtouris
Le Patrimoine de l’autre
Dynamique sociale d’une ingérence culturelle
éditions Le Manuscrit Paris


ISBN 9782304047776
© Juin 2019


Sommaire
Préface par Charles Dreyfus Pechkoff
La destruction du patrimoine : l’éternelle indignation par Francesca de Micheli
Dynamique sociale d’une ingérence culturelle par Antigone Mouchtouris
Postface par Louis Ucciani


La culture de l’esprit est un autre soleil pour les gens instruits.
Héraclite


Préface
Où se situent les investigations des chercheurs en sciences sociales face à la destruction programmée du patrimoine de l’Autre ? La domination tyrannique d’un conquérant est un sujet d’étude déjà fort complexe ; il faut y ajouter l’incommensurable part d’émotivité que cela représente pour le peuple qui doit subir les conséquences de sa défaite.
Les jours qui précèdent le 10 mai 1933 sont pour les nazis une ‘préparation à la résistance spirituelle’ organisée par ‘des sections d’assaut intellectuelles’. Des dizaines de milliers de livres, passés de mains en mains, sont publiquement jetés aux bûchers de vingt-deux villes allemandes ; devant l’opéra de Berlin, sous une pluie battante, les pompiers se voient contraints de jeter de l’essence pour que le discours final de Goebbels prenne l’orientation voulue : « … en Allemagne, la nation s’est purifiée intérieurement et extérieurement ».
Le patrimoine culturel a également connu des exactions dues à des conflits armés comme l’incendie de la bibliothèque d’Alexandrie ou le bombardement de l’Acropole ; ou encore les deux statues colossales de Buddha à Bâmiyân qui n’ont pas échappé au fanatisme religieux des talibans. Derrière le mot vandalisme – inventé sous la Révolution française – se profile la question religieuse : « Une église, c’est le fanatisme, on dénonce un monument, on massacre un tas de pierres, on septembrise des ruines. » Victor Hugo (« Guerre aux démolisseurs », Revue des deux mondes , mars 1832).
Ce que nous apporte de nouveau l’ouvrage de Francesca de Micheli et Antigone Mouchtouris est la mise en avant du traumatisme social. Déjà en 1794, dans son Rapport sur les destructions opérées par le vandalisme et les moyens de le réprimer , l’abbé Grégoire pointait que seuls les hommes libres aiment et conservent les monuments des arts. Pour Francesca de Michelli : « Ce qu’on veut détruire, c’est l’idée même du passé commun, d’un partage du savoir, afin d’imposer une vision monolithique et linéaire de l’histoire . » Antigone Mouchtouris pense, elle, en termes de temporalité : « La destruction ou la spoliation sous la forme de kidnapping ou de rapt est basée sur la logique de l’abolition d’un futur probable. »
Le moment esthétique reste le plus important pour un artiste. Il ne peut que suivre la constatation de Pierre Kaufmann : « Nous sentons, en effet, qu’un édifice, une sculpture, un tableau nous renvoient une image différente de notre existence. » Kaufmann privilégie l’émotion plutôt que l’imagination. La disponibilité du réel qui surgit. Stimulation irremplaçable, l’émotion se comprend comme production à la fois interne et externe. Pour Cézanne, peu importe que la nature soit ou non une illusion : « Qu’est-ce qu’il y a sous elle ? Rien, peut-être. Peut-être tout. » La création artistique reste, comme l’a exprimé Rilke, un « gain d’espace ». Toutes les tentatives de destruction de notre passé comme de notre futur par l’obscurantisme ne sauront vaincre la lumière qui brille en chaque être humain libre.
Charles Dreyfus Pechkoff


La destruction du patrimoine : l’éternelle indignation
Francesca de Micheli
« Les barbares et les esclaves détestent les sciences, et détruisent les monuments des arts ; les hommes libres les aiment et les conservent. »
L’abbé Grégoire, Rapport sur les destructions opérées par le vandalisme et les moyens de le réprimer (31 août 1794)
Le patrimoine en tension
Si nous prenons en considération les derniers événements mondiaux, nous pouvons remarquer que, plus souvent qu’avant, le patrimoine et les musées sont aujourd’hui devenus objet et stigmate d’une situation politique chaotique qui dérive dans des actions sans retour.
La liste de ces événements est péniblement longue : en 2001, la destruction des bouddhas de Bâmiyân, des trésors du musée de Kaboul, de Ghazni et d’Hérat sous l’idéologie talibane en Afghanistan ; en 2006, le bombardement, jamais revendiqué, de la mosquée d’Al-Askari Shrine, proche de Samarra 1 ; en 2012, la destruction des mausolées soufis de Tombouctou par le groupe terroriste Ansar-al-Dine 2 , la destruction d’anciens manuscrits au Mali dans l’incendie de la bibliothèque de l’Institut Ahmed-Baba 3 , ainsi que la destruction du mausolée du sage al-Chaab al-Dahmani à Tripoli par les islamistes et celle de l’ancien souk d’Alep par les rebelles syriens.
En 2015, ces actions destructrices ont connu une considérable accélération, surtout en Irak et en Syrie. Cette année-là, nous assistons, impuissants, à la destruction par le groupe « État islamique » (Daech en arabe) de l’antique cité parthe de Hatra, à la dévastation de la ville assyrienne de Nimrod, à la désintégration des sculptures préislamiques du musée de Mossoul et des anciens manuscrits de sa bibliothèque, à la dévastation du minaret de la grande mosquée de Samarra et du musée de Ninive, à la destruction de la ville de Cyrène en Lybie et du temple de Baalshamin à Palmyre le 23 août 2015. Sans oublier les actions menées contre les symboles chrétiens, dont celle du 21 août 2015 en Syrie, où le monastère catholique de Mar Elian à Qaryatayn, proche de la ville de Homs, a été détruit par Daech. 4
Le 31 août 2015, nous pouvions encore lire dans les journaux du monde entier que Daech avait détruit, en le faisant sauter, comme en témoignaient des photos satellitaires, le temple de Bêl, le plus important monument de la cité de Palmyre, dédié à une divinité souvent assimilée à Zeus en tant que maître du Panthéon local. Le 4 septembre 2015, nous recevions la triste nouvelle de la destruction du grand arc de Palmyre considéré comme idolâtre en raison des ornements sur ses colonnes et, toujours en septembre 2015, la destruction de trois des tours funéraires du même site était annoncée.
Ces destructions sont systématiques et d’une large envergure car, comme le rappelle l’article de Pierre Adrien du 5 octobre, Daech détruit l’Arc de triomphe de Palmyre : « En quatre ans et demi de guerre, l’Association de la protection de l’archéologie syrienne déplore la destruction complète ou partielle de plus de 900 monuments ou sites archéologiques. » 5
Ces actions, conduisant à l’effacement d’un passé non islamique, ne touchent pas seulement les territoires de guerre comme l’Afghanistan, le Yémen 6 , la Syrie ou l’Irak, mais aussi des lieux comme l’Égypte ou la Tunisie.
En 2011, le Musée égyptien avait été saccagé par des cambrioleurs au moment de la révolte contre Hosni Moubarak ; en 2013, des voleurs avaient aussi attaqué le musée égyptien de Mallawi en Moyenne-Egypte, profitant de la confusion qui avait suivi la destitution du président issu des Frères musulmans, Mohamed Morsi. L’Égypte a également été la cible d’une attaque terroriste le 24 janvier 2014, près du Musée d’art islamique du Caire. Situé place Tahrir au Caire, il a subi des dégâts très importants suite à l’explosion d’une voiture piégée devant la préfecture de police du Caire située juste en face, détruisant une grande partie de la façade du musée et démolissant complètement la porte principale, qui était une pièce historique 7 . En 2015, la Tunisie a elle aussi fait l’objet d’une attaque terroriste au musée du Bardo qui a coûté la vie à plusieurs personnes, dont beaucoup de touristes.
Ces actes contre le patrimoine ne se limitent pas aux vestiges archéologiques, aux monuments ou aux manuscrits, mais touchent aussi les hommes qui visitent ces lieux et ceux qui y ont dédié leur vie et qui symbolisent un savoir.
Le 19 août 2015, l’ancien directeur du site archéologique de Palmyre, monsieur Khaled Asaad, y a été brutalement tué, après des mois de torture, car il refusait de révéler où les trésors archéologiques étaient cachés. Son nom et sa mémoire seront rappelés au jardin des Justes du Monte Stella à Milan en hommage à son courage civil et à sa résistance.
Ce patrimoine historique a aussi été utilisé comme décor lors d’exécutions filmées : le dimanche 25 octobre 2015, trois personnes on

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