Le sentiment esthétique
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Le sentiment esthétique , livre ebook

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Description

L’esthétique comme catégorie oscille entre sensation et jugement. La beauté assiège la raison philosophique, quêtant, de Platon à Heidegger, l’intelligible non le ravissement, indicible émoi. Les sciences sociales creusent ce fossé, substituant au concept d’esthétique celui d’Art.
Il s’agit ici de dissocier goût artistique, agonistique des expertises sociales, et sentiment esthétique, expérience rare et commune d’un saisissement affectif et spirituel de tout l’être. Singulier, toujours, silencieux souvent. Comprendre son ardeur ou sa simplicité, c’est se placer aux frontières : esthétique de la connaissance, anthropologie des passions, socio-sémiologie des formes, langages… Loin des précautions de la sociologie de l’art, c’est l’aventure d’une approche transversale du sens.
Le sentiment c’est d’abord celui de notre existence. Si je suis ce n’est pas parce que je pense mais parce que j’ai le sentiment d’être . Si donc cette notion de sentiment recèle l’intuition d’un existentiel originaire sans doute est-elle la plus apte à désigner la totalité relativement opaque de ce lien au monde qu’est l’épreuve esthétique que parfois nous en faisons.Sentiment : mot fortement évocateur, mot ample qui toutefois ne requiert pas la convocation brusque des métalangages de rigueur : ceux des topiques de la vie psychique, ceux des ancrages socio-anthropologiques, voire ceux des classiques de la tradition philosophique. En effet, mot vague, il pointe d’abord - du sein même du logos - un indicible : ce lieu d’accueil en notre être intime à la fragilité, à la plénitude-finitude de notre présence au monde ; cet instant réceptif s’ouvrant au hasard de quelque épiphanie, celle d’un bruissement, d’un horizon, d’une texture, d’une couleur, d’un visage, d’une saveur, d’un volcan, d’une parole, d’un chant, d’une œuvre… bref de quelque accident advenu, de quelque phénomène apparu entre corps, cosmos et culture.De ce qui précède nous déduirons que le sentiment esthétique se montre au carrefour de plusieurs déploiements réflexifs. En tant qu’expérience subite d’un apparaître à chaque fois singulier, il appelle une théorie de l’événement. Toutefois ce surgissement prenant place au sein d’une émotion éminemment personnelle, il appelle, en miroir, une théorie du sujet ; à la fois projection dans l’étant de l’humain et devenir d’une ipséité incarnée. De plus balançant toujours entre les pôles du sensible et du sens, ce sentiment pose la question d’une tension maintenue entre ces deux pôles, il pose la question de leur compatibilité, souvent postulée, mais également celle de leur contradiction insurmontable aussi bien du point de vue conceptuel que du point de vue empirique et vécu.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 18 décembre 2017
Nombre de lectures 3
EAN13 9782304045536
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le sentiment esthétique
Essai transdisciplinaire

Joëlle-Andrée Deniot

Le Manuscrit 2018
ISBN:9782304045536
Cet ebook a été réalisé avec IGGY FACTORY. Pour plus d'informations rendez-vous sur le site : www.iggybook.com
I Contours
 

 
« Le mot, c’est la chose tenue à distance, désarmée et devenue intelligible. »
 
Mikel Louis Dufrenne, Le poétique , PUF, 1963, Paris.
 
Je ne commencerai pas par circonscrire les frontières fixes du syntagme-titre de « sentiment esthétique ». Les termes d’expérience, d’émotion, de perception, de sensation liés à cet élan vers le sensible du réel pouvaient s’y substituer. À la réserve près que le terme de sentiment semble bien envelopper tous les autres. Qui dit expérience renvoie à la rencontre d’un sujet et d’un événement. Qui dit émotion se réfère à la dimension affective de cette rencontre. Qui dit perception implique déjà la visée d’un objet via la médiation d’une symbolique, d’un langage. Qui dit sensation se rapporte au caractère non intentionnel, immédiat de l’éprouvé en son substrat biologique.
Le sentiment c’est d’abord celui de notre existence. Si je suis ce n’est pas parce que je pense mais parce que j’ai le sentiment d’être [1] . Si donc cette notion de sentiment recèle l’intuition d’un existentiel originaire sans doute est-elle la plus apte à désigner la totalité relativement opaque de ce lien au monde qu’est l’épreuve esthétique que parfois nous en faisons.
Sentiment : mot fortement évocateur, mot ample qui toutefois ne requiert pas la convocation brusque des métalangages de rigueur : ceux des topiques de la vie psychique, ceux des ancrages socio-anthropologiques, voire ceux des classiques de la tradition philosophique. En effet, mot vague, il pointe d’abord – du sein même du logos – un indicible : ce lieu d’accueil en notre être intime à la fragilité, à la plénitude-finitude de notre présence au monde ; cet instant réceptif s’ouvrant au hasard de quelque épiphanie, celle d’un bruissement, d’un horizon, d’une texture, d’une couleur, d’un visage, d’une saveur, d’un volcan, d’une parole, d’un chant, d’une œuvre… bref de quelque accident advenu, de quelque phénomène apparu entre corps, cosmos et culture.
De ce qui précède nous déduirons que le sentiment esthétique se montre au carrefour de plusieurs déploiements réflexifs. En tant qu’expérience subite d’un apparaître à chaque fois singulier, il appelle une théorie de l’événement. Toutefois ce surgissement prenant place au sein d’une émotion éminemment personnelle, il appelle, en miroir, une théorie du sujet ; à la fois projection dans l’étant de l’humain et devenir d’une ipséité incarnée. De plus balançant toujours entre les pôles du sensible et du sens, ce sentiment pose la question d’une tension maintenue entre ces deux pôles, il pose la question de leur compatibilité, souvent postulée, mais également celle de leur contradiction insurmontable aussi bien du point de vue conceptuel que du point de vue empirique et vécu.
Certes cet essai n’a pas l’ambition d’explorer toute cette somme de dimensions qui, des théories de l’affection aux théories du sensible, sont aussi des emboîtements d’univers logés dans des régions plurielles, disjointes des savoirs [2]  et dont les débats internes en chacun d’eux, restent inépuisables.
Toutefois cette entrée en matière a pour dessein de préciser que ces inflexions de pensée travaillant l’attention, l’événement, la symbolique, l’intériorité esthétique innervent bien le cours de mon propos, qu’elles en sont dans le champ/hors champ de l’écriture, au moins les points de fuite.
Pour d’abord identifier sa parole en négatif, je dirai que l’histoire d’un tel sentiment – à supposer qu’elle soit possible en dehors de toute définition ontologique préalable – n’est pas l’optique adoptée. De même nous ne privilégierons pas la vision a priori rationaliste d’une analytique du sentiment appréhendé sous le seul prisme d’une discipline de la pulsion. Plus encore, la voie du construit social , de la relativité spatio-temporelle de l’esthétisation [3]  du perçu est délibérément étrangère à l’approche envisagée.
La tonalité des développements retenus s’inscrit dans le sillage revendiqué des Humanités et dans l’héritage de sciences sociales hospitalières, c’est-à-dire ouvertes aux ressources combinées de l’anthropologie, de l’esthétique, de la philosophie classique et plus encore de la phénoménologie, autrement formulé, à tout sol du logos susceptible de renvoyer un écho pertinent de ce mode permanent et fugace, familier et rare, violent et léger, passif et actif de participation (discriminée) au monde qu’est le sentiment esthétique.
 
***
 
Les fils suivis…

​ Inattendu mais intentionnel, le premier fil (cf. Chapitre II La morsure et l’onde ) est celui d’un récit travaillé à la première personne. À travers cette restitution d’images semées au vent d’une vie, il s’agit de produire un texte-trace d’une réceptivité esthétique en mouvement. Images fondatrices, images obsédantes, images abritées dans les rêves de la mémoire : cet acte de plongée de l’auteur incite également chacun à dériver vers ses propres paysages sensibles. Après l’image, le concept. C’est la seconde orientation prise. Comme il était impossible de traiter – sauf à s’atteler à un chantier encyclopédique démesuré et donc inachevable – toutes les questions soulevées en pointillé dans cette introduction de la relation esthétique à notre entour, le chapitre III intitulé Positions , consiste à se concentrer sur l’énoncé d’une axiomatique. Cette option consiste par conséquent à délimiter, à découper, de façon trop abrupte en bien des occurrences, une suite de perspectives théoriques sur l’expérience esthétique en ne se référant pas à la totalité des propositions possibles mais au seul choix souverain d’une raison délibérative. Encore la contingence d’un sujet, peut-on objecter… sans doute, mais cette fois, sujet tenu par les cadres communs : ceux savants, ceux intuitifs de la faculté de juger… invitant au débat.
Il existe une tension toujours résurgente entre ressenti esthétique et jugement de goût qu’experts et profanes tendent à nier par négligence ou refus de nettement différencier ces deux manifestations, ces deux perceptions d’une possible harmonie du réel. Le chapitre IV intitulé, Parlez-moi de goût… traite précisément de leur nécessaire distinction, certes déjà suggérée dans les chapitres précédents. Passant du sentiment esthétique au jugement de goût, on change totalement de plan provisoirement en tout cas. Car leur indissociation mène toujours les interprétations tant politiques que sociologiques à l’impasse si séduisante de l’ethnocentrisme de classe. À ce moment de l’exposé, il s’agit de comprendre quelles sont les sources et les contextes historiques d’une telle confusion. Nous affirmions au préalable ne pas suivre la veine de l’histoire pour connaître le sentiment mais c’est pourtant elle que nous retrouvons ici, en filigrane, à tout le moins.
Si l’étude de la relation esthétique au présent, au représenté ne peut manquer de s’intéresser à la dimension corporelle de la sensorialité engagée, elle tend toujours – sur fond de civilisation d’une hiérarchie des sens – à mettre en avant les impressions visuelles. Oubli de l’ouïe, de l’odorat, de la peau… de toute la synesthésie du sentir, de la gamme des correspondances. Le chapitre V intitulé, Auralités souhaite au contraire – à l’aide d’archétypes mythologiques, à l’aide d’anthropologies du sonore – poser la sensation esthétique sous l’arche d’un monde d’abord audible d’où surgira la conscience d’un humain comme corps résonnant, comme être se projetant dans la parole, comme sujet s’exposant dans sa voix. Le chapitre VI intitulé, Chaque fois les feuilles mortes … prolonge cette thématique par la voix des chansons lorsqu’elles se font muses du temps immobile de la mélancolie au fil du répertoire francophone, mon objet de recherche de long terme.
Jusqu’ici nous n’avons pas frontalement abordé le fait que le sentiment esthétique trouve bien des objets privilégiés dans les œuvres d’art. On ne peut cependant éluder la constance d’un tel rapprochement. Si nous avons dans le chapitre IV Parlez-moi de goût… tenu à provisoirement séparer sentiment d’harmonie et goût artistique, on ne peut raisonnablement maintenir l’idée d’une rupture décisive entre enchantement esthétique et multiples formes stylistiquement achevées de l’art. Ce qui est délié sous un angle est aussi relié de quelque autre façon. Le chapitre VII intitulé, L’art sous l’empire du sens s’emploie à réélaborer ce qui dans l’œuvre suscite le sentiment lointain, actuel d’un sens sacré, renaissant à la figuration du sensible, cette vague de retrouvailles du temps, de soi, de l’altérité perdus dans le divertissement des travaux et des jours. Alors, nous nous heurtons d’emblée à « l’antique » et « classique » question de la Beauté et des alliances récurrentes entre aesthésis, mimésis et katharsis qui ont rendu possible son avènement et son maintien. Le chapitre VIII, intitulé De périlleux détroits aborde en contrepoint les difficultés à penser un Art sans porte, ni fenêtre, à penser des manifestations plastiques qui, se coupant et du réel et de la métaphysique, semblent ne plus s’émouvoir de rien. Dans ce fil, comment éviter cette longue parenthèse de turbulences ou d’insignifiances que furent les déclinaisons d’un art dit contemporain que même leurs collectionneurs plus ou moins avisés n’osent plus qualifier comme tel [4]  de crainte de voir leur butin se dévaluer ? Puis il fallait en pointillé clore sur cette interrogation cruciale et largement insoluble : Quel est le langage le plus approprié pour parler du vécu esthétique ? Surplomb rhétorique de la théorie, passage par la prose narrative, maintien dans la pensée diurne des définitions, des enchaînés clairs et distincts, insert des ellipses de la pensée… C’est sur une échappée « hors logos » rationalisant, sur le chapitre IX, intitulé Au puits du

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