Soulèvements et recompositions politiques dans le monde arabe
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Description

Les soulèvements populaires en Tunisie et en Égypte, avec la chute de Ben Ali et de Moubarak, ont produit un effet de démonstration des défauts de la cuirasse de régimes apparemment forts. Leurs succès ont favorisé une propension à l’action dans d’autres pays arabes, au sein de sociétés dont les revendications et les régimes ne sont pas forcément identiques. Ils ont ainsi ouvert un cycle de mobilisations qui, pour l’heure, n’est pas clos.
Mais peut-on parler vraiment de révolution ? De ces affrontements ont surgi de nouvelles façons d’envisager les rapports de pouvoir, et c’est sans doute là que réside la principale « révolution » : une transformation en cours dans les relations politiques, qui place l’ensemble des protagonistes des scènes politiques arabes sous le signe de l’incertitude.
Les auteurs s’appuient sur une connaissance de première main des terrains étudiés et prennent en compte la diversité des contextes pour expliquer ces événements et leurs répercussions au-delà de la rue.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 septembre 2014
Nombre de lectures 1
EAN13 9782760633728
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada Vedette principale au titre: Soulèvements et recompositions politiques dans le monde arabe Comprend des références bibliographiques. ISBN 978-2-7606-3297-4 1. Printemps arabe, 2011- . 2. États arabes - Politique et gouvernement - 21 e siècle. I. Camau, Michel. II. Vairel, Frédéric, 1977- . JQ1850.A91S68 2014 909’.097492708312 C2014-941249-5 Mise en pages et epub: Folio infographie ISBN (papier): 978-2-7606-3297-4 ISBN (pdf): 978-2-7606-3371-1 ISBN (epub): 978-2-7606-3372-8 Dépôt légal: 3e trimestre 2014 Bibliothèque et Archives nationales du Québec © Les Presses de l’Université de Montréal, 2014 www.pum.umontreal.ca Les Presses de l’Université de Montréal reconnaissent l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada pour leurs activités d’édition. Les Presses de l’Université de Montréal remercient de leur soutien financier le Conseil des arts du Canada et la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC).

Présentation
«Révolutions» et recompositions politiques
Michel Camau et Frédéric Vairel
Les soulèvements populaires du «Printemps arabe» ont connu un retentissement comparable à celui des «révolutions de 1989» en Europe centrale. Vingt ans après, les événements ont encore une fois mis à l’épreuve les savoirs constitués sur les formes de l’action collective et sur les situations dites «révolutionnaires».
Aujourd’hui, les thawrât arabes, comme hier les «révolutions» européennes, ouvrent un large champ de recherche, enrichi par la diversification et la confrontation des approches. L’abondante bibliographie qui se constitue progressivement compte d’excellents travaux 1 , mais aucun, nous semble-t-il, n’offrait un éclairage assez large pour tenir compte de la complexité des situations. C’est le défi que nous avons voulu relever avec ce livre.
Les soulèvements populaires en Tunisie et en Égypte, avec la chute de Ben Ali et de Moubarak, ont produit un effet de démonstration des défauts de la cuirasse de régimes apparemment forts. Leurs succès ont favorisé une propension à l’action dans d’autres pays arabes, au sein de sociétés dont les caractéristiques, les revendications et les régimes n’étaient pas identiques. Ils ont ouvert un cycle de mobilisations qui, pour l’heure, n’est pas clos.
L’effet de démonstration est indissociable d’un effet de surprise. Celui-ci tient moins au surgissement de mobilisations, qui ne manquent pas de précédents dans les pays concernés, qu’à leur dynamique, significative d’un changement dans la perception de la puissance des régimes et de la pesanteur du statu quo politique. Mancur Olson 2 soutenait que le pouvoir d’un régime autoritaire ne repose sur rien de plus qu’une perception partagée de son invincibilité. Si le régime, ajoutait-il, donne des signes de faiblesse, les perceptions peuvent changer en un clin d’œil. Tous les régimes sont virtuellement vulnérables, mais ils ne le deviennent effectivement que lorsqu’ils sont perçus comme tels. Même s’ils ne s’effondrent pas, leur faiblesse entrevue affecte les représentations du champ des possibles, y compris chez leurs dirigeants. C’est sans doute là que réside la principale «révolution». Une transformation en cours dans les relations politiques, dont la trame ne se résume pas à la factualité des mobilisations, couronnées de succès ou endiguées.
Le cycle de mobilisations s’avère tout autant un cycle de recompositions. «De la mobilisation à la révolution 3 », ce titre d’un ouvrage majeur pourrait en rendre compte, au prix d’un détournement de sens du mot «révolution». À condition toutefois de ne pas figer les deux termes «mobilisation» et «révolution» en un avant et un après. Les mobilisations constituent un «point critique», suivi d’autres «points» qui prolongent le même événement, lequel ne cesse de les redistribuer et de transformer leur ensemble. L’événement ne s’épuise pas en un «état de choses» à un instant donné, il n’a pas de «présent définitif 4 ». Nous avons affaire à quelque chose qui se passe, qui est en train de se passer, à une «révolution» dont Tocqueville dirait qu’«elle dure encore». Deux précisions s’imposent pour dissiper tout malentendu.
Ce qui se passe n’a pas de fin, de terminus ad quem , que nous pourrions présupposer. Autrement dit, la «révolution», telle que nous en avons délibérément réduit l’acception, se situe à mille lieues d’une téléologie de la démocratisation. Les recompositions, déjà à l’œuvre dans le basculement de mobilisations en soulèvements, relèvent d’interactions entre des individus et des groupes qui tentent d’ajuster leurs pratiques et leurs calculs à des situations mouvantes.
Au surplus, il ne se passe pas partout exactement la même chose dans le monde arabe. Celui-ci ne constitue une échelle d’analyse que dans la mesure où les acteurs lui donnent sens sur la base de partages partiels et sélectifs de «champs d’expérience» et d’«horizons d’attente». Cet espace d’échanges et de communication s’est densifié en un espace public interférant avec l’hétérogénéité des configurations sociales et politiques. L’effet de démonstration a trouvé tout à la fois les ressorts et les limites de sa diffusion dans ce tissu d’affinités et de solidarités ressenties qui recouvrent une diversité de situations locales. Le cycle de mobilisations et de recompositions n’est en aucune manière synonyme d’une neutralisation des effets de contexte. Par définition, le changement de perceptions qui le sous-tend dépend de la structuration différenciée des champs du pouvoir. Pas plus que les mobilisations n’ont revêtu partout la même ampleur ou intensité, les gouvernements n’ont adopté la même ligne de conduite. Quelques-uns de ceux-ci n’ont été qu’indirectement exposés aux risques de déstabilisation. Les autres ont généralement recouru au double registre de la répression et de la conciliation. Toutefois, chacun d’entre eux en a modulé l’emploi en fonction de sa propre évaluation des opportunités et contraintes à chaque stade d’évolution de la confrontation. Celle-ci s’est avérée fatale pour certains régimes, ou à tout le moins leurs têtes. La plupart des «survivants» ont un avenir incertain, même s’il n’est suspendu à l’issue d’une guerre civile que dans le seul cas syrien.
Par rapport à la littérature existante sur les «printemps», révoltes ou «révolutions» arabes, ce nouvel ouvrage n’en est que très provisoirement le dernier. Sa nouveauté réside néanmoins dans un élargissement de l’objet et de la problématique au-delà des seules mobilisations ou de tel ou tel cas tenu pour emblématique. Il vise à saisir tout à la fois les dynamiques des mobilisations et celles de régimes. Autrement dit, il envisage les recompositions des relations politiques suivant deux dimensions complémentaires, qui se recoupent sans se confondre purement et simplement.
Dans cette perspective, quatre sites d’observation dessinent l’architecture de l’ouvrage. Ils correspondent à autant de types de problèmes analytiques de portée générale, confrontés à la diversité des situations et des contextes: 1) la phénoménologie des soulèvements (comment se révoltent-ils?) 2) les limites de l’émulation protestataire, 3) la résilience autoritaire revisitée et 4) la transformation des espaces politiques.
Une phénoménologie des soulèvements populaires
L’étalement dans le temps et dans l’espace, la puissance et les effets des soulèvements populaires dans le monde arabe invitent à remettre sur le métier des interrogations portant sur les mobilisations affectées d’une forte improbabilité en raison du contexte autoritaire de leur déploiement. Malgré les hauts niveaux de violence des régimes et leur contrainte durable sur les sociétés, des mobilisations nombreuses se sont développées. Elles ont pris de court les dirigeants des partis d’opposition, dépassés par le nombre des contestataires, y compris les Frères musulmans égyptiens.
Dans les premières versions de la «théorie des révolutions» proposées par James Davies et Ted Gurr, les mobilisations politiques sont le résultat plus ou moins mécanique de mécontentements, frustrations et privations ou de divers dysfonctionnements sociaux et politiques, en contradiction avec ce qui pourrait faire figure d’acquis de la sociologie des mouvements sociaux: la colère seule ne suffit pas à déclencher l’activité protestataire. Dans la continuité des travaux précurseurs de Barrington Moore et de Theda Skocpol, l’analyse des révolutions s’est par la suite cantonnée au dévoilement de leurs causes ou à l’élaboration de modèles d’événements invariants réputés y conduire. D’une génération de «théories» à l’autre 5 , les modèles se sont sophistiqués, au point de laisser imaginer la possibilité de prévoir les révolutions à partir d’un jeu de variables. Ces différentes manières d’appréhender les révolutions en mésestiment l’imprévisibilité. Leur intérêt pour les seules «causes» et issues laisse dans l’ombre les soulèvements eux-mêmes: des mobilisations souvent puissantes qui mettent à mal l’architecture des régimes politiques par le brouillage des repères et des transactions de leurs secteurs dirigeants 6 .
Les limites de ces «théories» et du concept de «révolution» soulignent la nécessité de se pencher sur la «dynamique» des soulèvements. Il s’agit de tenir dans une même analyse des éléments autrement séparés: autorités et acteurs protestataires, dimensions identitaires et stratégiques de l’action, ordres de l’interaction et du calcul. Un tel programme ouvre une perspective intégrée pour l’étude des processus de politique contestataire, des mouvements sociaux aux soulèvements.
Contextes et déclenchements
Deux préjugés tenaces de l’analyse du déclenchement des protestations retrouvent une vigueur nouvelle d’un épisode révolutionnaire à l’autre, offrant un point de comparaison supplémentaire entre la chute du Bloc soviétique et les soulèvements arabes. Emprunt

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