Profilages policiers
272 pages
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Description

Cet ouvrage présente les résultats de neuf enquêtes sur le profilage policier menées par des spécialistes qui se sont penchés sur les pratiques de corps policiers au Québec, en France et en Argentine. Il met en lumière les dynamiques de croisement entre différents types de profilages (racial, social, politique et de genre, entre autres) et se démarque en cela de l’habitude d’étudier ce phénomène en fonction d’une seule caractéristique. Tout en exposant les particularités de chaque profilage, il ouvre ainsi la voie aux études intersectionnelles sur le sujet.
D’une brûlante actualité, et très pertinent d’un point de vue des sciences sociales, ce recueil intéressera toutes les personnes préoccupées par les inégalités croissantes dans nos sociétés ainsi que par la violence subie par les populations discriminées, stigmatisées et marginalisées ciblées par la police.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 10 janvier 2022
Nombre de lectures 0
EAN13 9782760645264
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1250€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Profilages policiers
Sous la direction de Pascale DufouretFr ancis Dupuis-Déri
Les Presses de l’Université de Montréal Presses universitaires de Rennes
Sous la direction de Pascale Dufour et Francis Dupuis-Déri
PROFILAG ES POLICIER S
Les Presses de l’Unîversîté de Montréal Les Presses unîversîtaîres de Rennes
Les droits d’auteur seront versés à des associations ou des collectifs qui défendent les droits de la personne et qui luttent contre les abus policiers.
Catalogage avant publication de Bibliotèque et Arcives nationales du Québec et Bibliotèque et Arcives Canada
Titre : Profilages policiers / [sous la direction de] Francis Dupuis-Déri, Pascale Dufour. Noms : Dupuis-Déri, Francis, - éditeur intellectuel. | Dufour, Pascale, - éditrice intellectuelle. Description : Comprend des références bibliograpiques. Identifiants : Canadiana livre imprimé X | Canadiana livre numérique  | ISBN  | ISBN  PDF | ISBN  EPUB Vedettes-matière : RVM : Profilage etnique. | RVM : Brutalités policières. Classification : LCC HV.R P  | CDD ./—dc
Mise en pages : Folio infograpie
er Dépôt légal :  trimestre  Bibliotèque et Arcives nationales du Québec © Les Presses de l’Université de Montréal,  © Les Presses universitaires de Rennes, pour l’Europe, 
Les Presses de l’Université de Montréal remercient de son soutien financier la Société dedéveloppement des entreprises culturelles du Québec SODEC.
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Introduction
Pascale Dufour et Francis Dupuis-Déri
Depuis quelques années, plusieurs initiatives populaires proposent de surveiller la police pour documenter et dénoncer ses violences discrimi-1 natoires . Aux États-Unis, quand elles ciblent des Afro-Américains, on 2 les qualifie même de « crime contre l’umanité » . En France, on a parlé d’une « crise » de la police, avec la médiatisation de plusieurs cas de bru-3 talité policière L’Heuillet,  . Les violences policières contre le mou-vement des Gilets jaunes, en France, ont stimulé cette dynamique, alors qu’au Québec, c’est la répression de la grande grève étudiante de  le Printemps érable, qui a provoqué une prise de conscience cez des 4 gens qui se sentaient peu ou pas concernés par le sujet .
N. D. E. L’utilisation du genre masculin comme un neutre est une pratique de la maison d’édition. . Les auteurs tiennent à remercier Louis Massé, étudiant au baccalauréat en économie politique, et Imène Torkani, doctorante en science politique, tous deux à l’Université de Montréal, pour leur aide à la révision et la mise en forme du manuscrit de cet ouvrage. . Voir le rapport de l’International Commission of Inquiry on Systemic Racist Police Violence Against People of African Descent in te United States, publié en  par la National Conference of Black Lawyers, l’International Association of Democratic Lawyers et la National Lawyers Guild. . Signe de crispation sociale, plusieurs syndicats de la police ont organisé, en mai , une manifestation devant l’Assemblée nationale, pour dénoncer les agressions à l’endroit de leurs membres en service et exiger plus de moyens pour y faire face. Selon les organisateurs,   personnes ont participé au rassemblement ironiquement, la police n’a pas fourni ses propres estimations. De nombreux parlementaires et le ministre de l’Intérieur étaient présents pour exprimer leur « soutien aux forces de l’ordre » Auffret, . . Il faut toutefois se méfier de l’impression de « nouveauté », par exemple au sujet de la « militarisation» du « maintien de l’ordre » Pilorget-Rezzouk, a, qui se traduit aussi par une plus grande brutalité d’intervention pour un simple contrôle à domicile dans
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À l’été , la mort très médiatisée de George Floyd, aux États-Unis, étouffé par un policier, a provoqué une deuxième vague du mouvement Black Lives Matter et entraîné des mobilisations contre la police un peu partout dans le monde, y compris à Montréal et à Paris, où des milliers de personnes ont répondu à l’appel. De plus, des observatoires sur les libertés et les pra-tiques policières ont vu le jour à Bordeaux, à Montpellier, à Nantes, à Paris et à Toulouse, entre autres, pour documenter la répression policière lors de manifestations, notamment celles des Gilets jaunes. Des journalistes indé-pendants, comme David Dufresne  en France, ou des militants de longue date comme Alexandre Popovic  au Québec, participent à ce mouvement de documentation et de dénonciation des violences policières. À Montréal, des collectifs se mobilisent depuis de nombreuses années contre les violences policières, comme le Collectif opposé à la brutalité policière COBP, de sensibilité punk et anarciste ou la Coalition contre la répression et les abus policiers CRAP ; des organisations implantées dans les quartiers défavorisés, comme Hoodstock et la Clinique juridique de Saint-Micel ou encore la Ligue des droits et libertés, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse Eid et Turenne,  et des avocats progressistes Guay, . Plus récemment, la Coalition pour le définancement de la police, composée de  organismes inspirés par le mouvement américain Defund te police, a présenté un budget alternatif à la Ville de Montréal, qui proposait de transférer % du budget attribué au Service de police de la Ville de Montréal SPVM vers des communautés marginalisées ciblées par la police Buzzetti, . En vain. En , le budget de la police a été augmenté, malgré le fait que la Ville est, pour la première fois, gouvernée par une femme progressiste, Valérie Plante, qui a milité dans des groupes féministes altermondialistes au début des années . Les actions de cette coalition rejoignent des préoccupa-tions exprimées depuis des années par les populations autoctones, notamment à propos des femmes disparues et assassinées, dont la police 5 se désintéresse voir le Silent Witness Project .
le cadre de la « guerre à la drogue » pour les États-Unis, voir : Balko, . On a observé plusieurs de ces nouveautésavantle  septembre  Masse et Bayon,  ; Wood, , sans oublier la répression policière dont a été l’objet le mouvement altermondialiste, la mouvance « anarco-autonome » et les Black Blocs, établis par les autorités comme des ennemis publics, potentiellement terroristes Can,  ; Cadocciani, . . Maud Cucci, «Femmes autoctones disparues et assassinées : le SPVM défaillant, conclut une étude », Radio-Canada,  janvier .
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Des recerces-actions ont été menées en partenariat avec les com-munautés tout particulièrement ciblées par les profilages, par exemple le Projet X réalisé en  avec des jeunes de  à  ans par l’association 6 À deux mains/Head et Hands, dans Notre-Dame-de-Grâce, à Montréal . Ce projet faisait suite à #MtlSansProfilage, créé par  jeunes du quartier Saint-Micel, toujours à Montréal, et qui a mené à la création d’une page sur les réseaux sociaux et à la publication d’un rapport qui fait état de jeunes ciblés par diverses pratiques policières surveillance, contrôle d’identité, fouille, arrestation, détention et d’interpellations sans fonde-ment juridique, vécues comme du arcèlement, ce qui entraîne du stress, de la peur, un sentiment de culpabilité et un effritement de la confiance envers le système judiciaire et policier Livingstone, Rutland et Alix  ; 7 voir aussi Livingstone, Meudec et Harim,  . Des partenariats entre universitaires et communautés profilées sont également à l’œuvre dans l’Observatoire sur les profilages de l’Université de Montréal dont sont membres les responsables de cet ouvrage. Quand la police tue, il n’est pas rare que des comités soient formés par des proces de la victime et des activistes solidaires, comme le Comité Vérité pour Adama, en France Boutros, , ou le Montréal-Nord Républik, fondé en  après la mort de Fredy Villanueva, à Montréal Hébert, . En plus d’onorer la mémoire de la victime, ces comités ont pour but d’exiger que la lumière soit faite sur le drame afin que leurs responsables soient déférés devant les tribunaux. Cette effervescence s’inscrit dans une longue istoire. Dans les années , aux États-Unis, par exemple, le Black Panter Party BPP était créé entre autres en réaction aux violences policières racistes. Dans son pro-gramme en dix points, l’organisation exigeait la fin immédiate de la brutalité policière et des meurtres de personnes noires ainsi que de l’emprisonnement de masse. En plus de l’autodéfense armée, le BPP aurait développé lecop watc, une pratique desousveillance de la police – du bas vers le aut, contrairement à lasurveillance du aut vers le bas – où des patrouilles se formaient dans les quartiers, équipées d’un bloc-notes, d’un appareil poto ou même d’une caméra Super Mire, .
. Le nom de l’auteure du rapport est Racelle, coordonnatrice de À deux mains/ Head et Hands. . En plus du trio de rédaction, l’équipe de travail comprenait Zakarya Youness Abidou, Walter Guillaume, Rita Harim, Radney Jean-Claude, Marc-Kendy Milien et Larry Rémé.
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Dans les années , à Montréal, Paul Déjean, du Bureau de la com-munauté crétienne des Haïtiens de Montréal BCHM, se mobilisait avec d’autres contre les agressions de la police ciblant de jeunes Noirs dans des parcs. En , le Centre communautaire noir déposait un rapport dans le cadre de la consultation publique sur le Service de police de la Communauté urbaine de Montréal SPCUM pour en dénoncer les « tac-tiques de guérilla » Rutland, . La même année, l’Association pour les droits des gais du Québec ADGQ sollicitait des témoignages d’omo-sexuels arcelés ou même piégés par la police ; ce mandat a été repris, il y a quelques années, par le collectif Cruise Control Lénart, . Plusieurs initiatives existent aussi aux États-Unis, dont Say Her Name et Incite !, qui documentent et dénoncent les violences policières contre les femmes et les personnesqueerracisées. L’exaspération populaire contre la violence policière s’exprime aussi dans l’art, notamment par la musique punk et le ip-op. Il ne s’agit ici que de quelques exemples de communautés défavorisées, marginalisées, stigmatisées et de leurs alliés qui réagissent à la violence policière dont elles sont la cible. Alors que la rue se mobilise contre les violences policières et les « bavures », y compris par des actes de sabotage et de vandalisme ou des émeutes Berto,  ; Dupuis-Déri,  ; voir notamment le dossier « Se protéger de la police, se protéger sans la police », o Mouvement, , la recerce universitaire évolue, qui propose, n d’analyser de manière critique le travail de la police. Ce livre s’inscrit dans cette lignée, en traitant des profilages policiers racial, social et politique dans différents espaces nationaux la France, le Québec et l’Argentine, et en adoptant une perspective intersectionnelle qui rend visible l’imbrica-tion des rapports sociaux de catégories socialement constituées comme la classe, la race, le sexe et l’âge.
Bref survol des études universitaires sur la police
La science politique, qui est la discipline des deux responsables decet ouvrage, s’intéresse très peu à la police. En , aux États-Unis, Jeffrey C. Isaac, de l’Université de l’Indiana, à Bloomington, déplorait qu’en dix ans, il n’y ait pas eu plus de cinq articles traitant de la police qui aient été publiés dans les trois revues les plus importantes de la discipline American Political Science Review,American Journal of Political Science,
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heJournal of Politics. Il notait alors que les manuels d’introduction à la vie politique aux États-Unis du premier cycle universitaire n’ont presque jamais de section sur la brutalité policière ou sur l’incarcération de masse, en suggérant qu’un intérêt plus grand envers la police mènerait des politologues à déceler un « dysfonctionnement politique dans la démocratie aux États-Unis » Isaac,  : . Deux ans plus tard, Joe Soss et Vesla Weaver ont partagé ce constat, qui remettait en cause une des certitudes de la science politique aux États-Unis : plus les citoyens ont d’interactions avec l’État, plus ils sont bien intégrés socialement et plus les institutions sont « démocratiques ». Or c’est tout le contraire qui est vrai quand on parle de la police et des prisons. Dans des villes comme Ferguson, où des émeutes ont éclaté en  après que la police a tué l’Afro-Américain Micael Brown, les pratiques policières d’extorsion extractive policing contribuent à  % du budget municipal, qui se tra-duisent par une moyenne de trois mandats d’arrêt par foyer Soss et Weaver,  : . Même une discipline plutôt conservatrice comme la science politique peut être rattrapée par les événements et les mobilisations populaires. C’est ainsi que la revuePerspectives on Politics, dans laquelle Jeffrey C. Isaac avait publié, en , ses propos critiques, a lancé, en , un appel de textes pour un dossier spécial sur le mouvement Black Lives Matter. En France et au Québec, l’intérêt des universitaires pour la police reste aussi l’exception en sciences umaines et sociales, si l’on excepte la criminologie, mais il y a proportionnellement plus de recerces menées par les spécia-8 listes sur les pratiques policières .
. Sans pouvoir nommer tous ces spécialistes ou prétendre à l’exaustivité sur les sujets de recerce, notons, pour la France, des études istoriques et pilosopiques sur l’origine de la police L’Heuillet,  et des enquêtes en sociologie politique sur le rapport de la police à l’« ordre social » Fabre, , y compris cez les futurs membres des forces policières « disciplinés à discipliner » au cours de leur formation De Bellaing, . Des études portent plus spécifiquement sur les pratiques policières face aux foules manifestantes Fillieule,  et les cangements d’approces selon l’époque et le contexte Masse et Bayon,  ; Fillieule, , en portant parfois une attention particulière à la répression Codaccioni,  ; Can, . D’autres encore ont examiné le rapport entre la police française et son istoire coloniale Blancard  ou les femmes, qu’elles soient elles-mêmes policières ou les cibles des interventions policières Darley, Gautier, . Des spécialistes de la police ont aussi traité de profilage et de déviance des forces de l’ordre Jobard et de Maillard,  ; Rocé, . D’autres, enfin, ont étudié la police en tant profession et organisation Monjardet,  ou des unités en particulier, comme la Brigade anticriminalité BAC, mettant en lumière des pratiques prédatrices à forte connotation
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Les universitaires qui étudient la police, que ce soit en science poli-tique, en sociologie, en criminologie ou en antropologie entre autres, peuvent coisir de s’inscrire dans des perspectives plus ou moins critiques, et de mener leurs recerces avec la police ou avec les individus qui en 9 sont la cible . Ces différentes approces donnent lieu à des accusations, de part et d’autre, d’être trop indulgente envers la police ou les mobilisa-tions sociales, ou encore de manquer de rigueur et d’objectivité. Un consensus existe tout de même sur l’idée d’une police « démocratique » dans les régimes libéraux-républicains : celle-ci devrait être redevable à la société civile et aux lois plutôt qu’au pouvoir politique, elle devrait respecter et protéger les droits de la personne et n’avoir recours à la force qu’en cas de nécessité, et de manière proportionnelle à la menace Hinton et Newburn,  ; Bayley,  ; Joneset al., . Quant à cet ouvrage, il s’inscrit explicitement dans le camp des études critiques de la police, ouCritical Studies in PolicingouDemocratic Policing[Manning, ], qui est notamment marqué par une forte pré-10 sence de femmes de différentes disciplines . Ce camp n’est peut-être pas aussi « émergeant » que le prétend l’Association for Political and Legal Antropology , mais son apport critique paraît d’autant plus impor-tant qu’il est en pase avec les préoccupations et les mobilisations popu-laires qui ont émergé, ces dernières années, à la suite de violences
raciste Fassin, , l’impunité policière Pregnolato, , etc. Au Québec, en plus des travaux notables de Jean-Paul Brodeur sur la profession et l’institution policières Brodeur, , notons une étude sur les interventions policières se soldant par la mort de civils et sur la possibilité de désarmer la police Dubé et Beaucesne, , des études sur les enjeux de contrôle de la police Bourgault et Gow, , sur le rapport de la police aux femmes Beaucesne, , sur de possibles manipulations de rapports d’enquête, afin d’éviter que celles-ci se résolvent Tremblay , sur les transformations de l’attitude des policiers envers le code de déontologie Alain, , sur la marcandisation des services policiers Mulone, , sur l’intégration de la police canadienne dans des opérations internatio-nales de maintien de la paix Tanner, , sur la police face aux femmes dans les mani-festations Pérusse-Roy et Mulone,  et sur les caméras corporelles pour les policiers en service Boivin et D’Elia, . D’autres ont travaillé sur les profilages et les déviances policières Armony, Bellot, Eid, Livingstone, Maynard, Niemi, Rutland, Sylvestre, etc.. . À noter que la police surveille des universitaires et même des associations univer-sitaires comme l’a fait la Gendarmerie royale du Canada GRC à l’égard de l’Association canadienne de science politique, de la Canadian Historical Association, de la Canadian Economics Association, de la Canadian Sociology and Antropology Association et de la Canadian Peace Researc and Education Association Hewitt, . . Comme on le constatera en consultant les tables des revuesLien social et Politiqueso o n ,  etMouvementsn ,  et la liste des membres de l’Observatoire des profi-lages; alors que, traditionnellement, l’étude de la police était une casse gardée masculine.
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