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INSTITUT D'ETUDES POLITIQUES DE TOULOUSE
LE PROCESSUS D'INSTITUTIONNALISATION DE LA TORTURE PAR L'ADMINISTRATION BUSH DE 2001 à 2008
 MÉMOIRE PRÉSENTÉ COMME EXIGENCE PARTIELLE DE LA MAÎTRISE EN SCIENCE POLITIQUE
PAR GERY DESMARQUEST AOÛT 2010
MAITRE DE MEMOIRE WENDA MASTOR
TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION PREMIÈRE PARTIE DU DISCOURS AUX FAITS: LA MISE EN PLACE D'UN OUTIL CENTRAL DANS LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME  CHAPITRE 1 LA TORTURE DANS LA STRATEGIE DE GUERRE CONTRE LE TERRORISME
1. Guerre préemptive, éradication des menaces et rôle du renseignement 1.1 L'état d'exception 1.2 La traque des terroristes et l'éradication des menaces 1.3 « After 9/11, the gloves come off »
2. Une politique de lutte contre le terrorisme aux ramifications internationales 2.1 Des politiques qui bénéficient de cadres d'actions existants 2.2 « L'extraordinary rendition program » 2.3 La « toile d'araignée »: un programme d'actions établi en réseau
CHAPITRE II L'ADMINISTRATION DE LA PRATIQUE TORTIONNAIRE
1. Optimisation de la recherche de renseignement par une pratique encadrée de la torture 1.1 Encadrement médical des pratiques tortionnaires 1.2 Encadrement administratif des pratiques tortionnaires 1.3 Traitement des détenus lors de leurs transferts
2. De militaires à tortionnaires: les agents d'exécution de la prise de décision 2.1 L'administration de la torture à Guantanamo 2.2 L'administration des terrains d'intervention: l'Irak et l'Afghanistan
DEUXIÈME PARTIE DES MEMORANDUMS A ABOU GHRAIB: LE PASSAGE D'UNE LEGITIMITE INTERNE DES PRATIQUES TORTIONNAIRES A UN DISCOURS DE LEGITIMATION EXTERNE CHAPITRE 1 DES PRATIQUES LEGITIMEES ET IMPOSEES PAR UN CERCLE REDUIT D'ACTEURS GOUVERNEMENTAUX 1. Le monopole de la décision par un cercle restreint 1.1 Rôle et influence des conseillers juridiques dans la prise de décision 1.2 Le noeud décisionnel: la collaboration entre les agences clés 1.3 La fermeture du cercle décisionnel et la marginalisation d'acteurs rivaux au sein de l'administration
2. La tentative de légitimation juridique de la torture par l'administration 2.1 Le statut des combattants talibans et d'Al-Qaïda selon les Conventions de Genève 2.2 Le statut des combattants talibans et d'Al-Qaïda selon l'administration 2.3 La redéfinition juridique de la torture
CHAPITRE II DES PRATIQUES SOIGNEUSEMENT DISSIMULEES DESORMAIS RENDUES PUBLIQUES: UNE DIFFICILE LEGITIMATION EXTERNE DE LA TORTURE
1. L'administration face aux allégations de torture: de la condamnation de la torture à l'argumentaire de la bombe à retardement 1.1 La condamnation des « bad apples » 1.2 Le débat sur l'utilisation de la torture passe du cadre interne de l'administration à la place publique
2. La perte d'autorité de l'administration et la réaffirmation des pouvoirs du Congrès: un coup d'arrêt porté au programme secret de détention et d'interrogation? 2.1 L'abandon de la légitimation de la torture 2.2 Des secrets bien gardés 2.1.3 La nécessité du leaning»«fotward-92 2.1 ,4 Une fenêtre d'opportunité pour la poursuite d'agendas personnels 94 2.2 La pensée groupale et les pressions constantes en faveur du conformisme 95
CONCLUSION
ANNEXES
BIBLIOGRAPHIE
INTRODUCTION
Les attentats du 11 septembre ouvre une nouvelle ère dans les relations internationales. Les attaques du World Trade Center vont conforter des personnages clés de l'administration Bush dans leur vision des Etats-Unis et du monde. Ses hommes qui entourent le président, ses conseillers, ceux en place à la vice-présidence, au département de la Défense et à celui de la Justice, sont convaincus que les Etats-Unis doivent affirmés leur puissance dans le monde, notamment par la force militaire, pour prévenir les menaces qui pèsent sur la sécurité nationale et sur celle du monde. Seul un pré-sident doté de grandes marges de manœuvre pour mener la politique extérieure de la nation peut, pensent-ils, permettre aux Etats-Unis d'affirmer ce rôle de superpuissance.
Les évènements terroristes du 11 septembre 2001 confirment à leurs yeux l'existence de me-naces capables de faire régner la « terreur ». Cette perception qu'un danger imminent venu de l'exté-rieur menace la nation imprègne la politique qui va être mise en place afin de réagir aux attaques terroristes. Puisque la menace est omniprésente, les Etats-Unis doivent adopter un comportement offensif plutôt qu'une stratégie défensive qui aurait selon eux affaiblit la place et la sécurité du pays. Cette politique visant à éliminer les menaces qui pèsent sur les Etats-Unis est qualifiée de cette ex-pression vague, aux contours indéfinissables, qu'est « la guerre contre le terrorisme » et qui nécessi-terait des prérogatives de la part du président tout aussi large. Cette conviction que l'exécutif doit avoir les mains libres pour mener le plus efficacement possible la « traque des terroristes » est ren-forcée par la situation d'urgence qui suit le 11 septembre.
Les responsables de l'administration ne veulent en aucun cas risquer une attaque tout aussi foudroyante, voire plus meurtrière encore, et ils se sentent investis profondément d'une mission, celle d'éviter à tout prix une nouvelle attaque en faisant constamment la traque aux terroristes. Le 11 septembre leur donne des opportunités sans précédant pour mener cette mission, à savoir le soutien sans faille de l'opinion publique américaine, meurtrie par le bilan tragique des attentats, celui du Congrès prêt à s'en remettre à l'exécutif dans la lutte antiterroriste, et celle de dirigeants du monde entier qui, non seulement ont un sentiment d'empathie envers les Etats-Unis, mais sont aussi sou-vent ou ont été confronté à la menace terroriste, aux menaces des terrorismes islamistes en particu-lier.
Prendre des mesures exceptionnelles permettant au président, et au gouvernement dans son ensemble, d'avoir les mains libres pour mener cette « nouvelle forme de guerre » telle est la mé-thode qui doit accompagner la politique étrangère volontariste menée par les Etats-Unis. Parmi ces outils de politique publique qu'il faut libérer pour mener la guerre contre le terrorisme, le renseigne-ment est primordial. Face à un ennemi qui n'a pas de territoire donné et qui a des ramifications dans plusieurs Etats, le renseignement s'impose comme un outil central. Face aux menaces terroristes ju-gées imminentes, une très grande liberté opérationnelle est accordée à la CIA dont les limites bu-reaucratiques et légales sont jugées responsables de l'échec qui a mené au 11 septembre.
Parmi les responsables tous désignés de cet échec dans la prévention de la menace terroriste, l'invasion du pouvoir législatif sur les prérogatives présidentielles en terme de sécurité nationale de-puis les scandales du Watergate et de l'Irangate, et les limites juridiques imposées au renseignement sont autant de verrous à la libre action de l'exécutif que les responsables de l'administration en-tendent bien faire tomber.
Pour se faire, l'administration américaine peut compter sur certains de ses conseillers spécia-lisés dans les pouvoirs constitutionnels du président et acquis à l'idée d'une politique ferme menée par le « commandant en chef » des armées et aux dirigeants de la CIA pressés de démontrer que, malgré les attaques contre le World Trade Center, leur activité de renseignement est incontournable pour lutter contr le terrorisme. Les premiers seront ainsi chargés de repousser les limites du juridi-quement possible, et les seconds d'appliquer des méthodes de renseignement renforcées capables de démanteler les réseaux terroristes. Face aux menaces terroristes, la nécessité de protéger le territoire et les intérêts américains imposent une ligne dur, volontaire, et des pratiques d'interrogatoire des suspects qui ne s'embarrassent pas des limites imposées par le droit. C'est dans ce contexte qu'émerge la pratique tortionnaire vue comme une des solutions au problème terroriste. Etant donné la prohibition stricte de ces pratiques dans le droit international et américain, l'enjeu est de redéfinir la notion, d'encadrer et de rationaliser les techniques pour mener à une quête des informations la plus rapide et la plus efficace.
L'encadrement juridique et administratif de la torture vise aussi à éviter que la « guerre contre le terrorisme » ne soit bloquée dès son commencement par les gardes fous juridiques contre la torture. Car les Etats-Unis ont interdit le recours à la torture et aux traitements cruels, inhumains
et dégradants, tant par la ratification de traités internationaux que par la prohibition de telles pra-tiques dans le droit interne.
En droit international, les Etats-Unis sont notamment signataires le 10 décembre 1948 de la Déclaration universelle des droits de l'homme qui reconnaît, dans son article 2, que tout individu a le droit « à la vie, à la liberté, et à la sureté de sa personne », et prévoit dans son article 9 que « [nul] ne peut être arbitrairement arrêté, détenu ou exilé », et enfin dans son article 5 que nul ne peut « être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ».
Les Etats-Unis sont aussi signataires des Conventions de Genève qui régule les droits des personnes en situation de conflit armé, en particulier dans un conflit armé qualifié d'international. Ainsi, l'article 17 de la Troisième Convention affirme qu'un prisonnier de guerre ne pourra être sou-mis à aucune « torture physique ou morale ni aucune contrainte ». L'article 3 commun à toutes les Conventions de Genève stipule qu'une personne qui ne participe pas ou plus aux hostilités ne peut, entre autre, être soumis à la torture ni à des traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Les Etats-Unis ont en outre ratifié la Convention contre la torture et autres peines ou traite-ments cruels, inhumains ou dégradants. La torture y est définit comme « tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne aux fins notamment d'obtenir d'elle ou d'une tierce personne des renseignements ou des aveux, de la punir d'un acte qu'elle ou une tierce personne a commis ou est soupçonnée d'avoir com-mis, de l'intimider ou de faire pression sur elle ou d'intimider ou de faire pression sur une tierce per-sonne, ou pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu'elle soit, lorsqu'une telle douleur ou de telles souffrances sont infligées par un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou ta-cite. »2 Cependant, si les Etats-Unis acceptent cette définition, ils apportent des réserves sur celle concer-nant les « traitements cruels, inhumains ou dégradants » abordés dans d'autres articles de la conven-tion. Ces réserves stipulent que la définition des traitements cruels, inhumains ou dégradants doit être conforme à celle qui est mentionnée dans la constitution américaine. De plus, les réserves des Etats-Unis sur le traité porte également sur les douleurs ou souffrances psychologiques qui doivent être prolongées et infligées volontairement, causées par l'utilisation ou la menace d'utiliser des pro-duits illicites, la menace de mort ou la menace sur l'intégrité physique d'une tierce personne.
2Article 1 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants de l'ONU
En droit interne, la définition des traitements cruels, inhumains ou dégradants mentionnée plus haut se trouve dans le Cinquième, le Huitième et le Treizième amendements de la constitution qui interdisent la détention illégale, les peines cruelles à l'intérieur des Etats-Unis et l'application de lois par les Etats fédérés qui puissent réduire les privilèges et immunités du citoyen américain. Enfin, laLoi sur les crimes de guerre par l'administration Clinton, qui vise à punir de adoptée crimes de guerre les fonctionnaires américains qui se rendraient coupables d'actes de guerre, contientLa loi fédérale anti-torture de 1994 qui encadre les peines qu'encourent les individus se rendant coupable d'acte de torture.
Au regard de ces définitions juridiques, il semble difficile d'affirmer que le « waterboar-ding », c'est à dire la simulation de noyade, ou l'exploitation de phobies du détenu, telle que l'utilisa-tion de chiens sur le point de mordre, ne constituent pas des actes infligeant une souffrance aigüe physique ou mentale (et prolongée dans ce dernier cas). Ces techniques comme bien d'autres seront pourtant utilisées par les agents de l'Etat avec l'accord du département de la Justice certifiant qu'il ne s'agit pas là de torture. En « bricolant juridiquement » les définitions, et notamment les réserves faîtes par les Etats-Unis à la Convention contre la torture, les conseillers juridiques vont élaborer une définition extrêmement restreinte de la torture, permettant l'utilisation de violences physiques et psychologiques sur les ter-roristes présumés.
A partir de contournements hasardeux des normes internationales et internes concernant la torture et les traitements, cruels, inhumains ou dégradants, l'administration américaine va mettre sur pied durant plusieurs années de présidence Bush un véritable système tortionnaire, avec ses normes, ses procédures rationalisées, ses chaînes de décision et d'exécution, ainsi que son encadrement ad-ministratif et médical.
C'est cette utilisation rationalisée et institutionnalisée de la torture, et, avant cela, sa légiti-mation par les conseillers juridiques et les décideurs du gouvernement, qui fera l'objet de ce mé-moire. Ces pratiques tortionnaires, délibérément choisies malgré leur illégalité manifeste, s'ins-crivent dans une politique plus large de « guerre contre le terrorisme ». Pour comprendre la mise en place de l'outil public central que constitue la pratique de la torture, il s'agit ainsi dans un premier temps de resituer son exécution et son encadrement dans le contexte plus général de « guerre contre le terrorisme », avant d'étudier comment elle fut décidée et légitimée, puis abandonnée.
PREMIERE PARTIE
Du discours aux faits:  la mise en place d'un outil central dans «  la guerre contre la terreur »     
11 septembre 2001. A 8h47, heure locale, un premier Boeing 767 de la compagnie American Airlines s'écrase sur la tour nord du World Trade Center, à New York, avec à son bord 92 passagers et membres d'équipage. Seize minutes plus tard, un autre Boeing 767, de la United Airlines, vient percuter la tour sud du World Trade Center. Une demi-heure plus tard c'est au tour du Pentagone d'être frappé par un Boeing 725. Un quatrième avion détourné par des terroristes s'écrase dans une mine à ciel ouvert désaffectée en Pennsylvanie. Le bilan de cette attaque terroriste sans précédent avoisine les trois mille morts. C'est de loin l'attaque la plus meurtrière contre les Etats-Unis sur son propre sol.
Les américains découvrent avec effroi que le territoire des Etats-Unis n'est pas le sanctuaire qu'ils croyaient être et qu'une organisation terroriste dont la plupart ignorait l'existence jusqu'alors, Al-Qaïda, est capable de faire des milliers de victimes innocentes en une seule journée. Pour le gouvernement américain, et pour l'immense majorité des Américains, les attentats du 11 septembre constituent une déclaration de guerre contre les Etats-Unis. Pour mener ce combat, le gouvernement Bush peut compter sur le soutien unanime des citoyens américains mais aussi sur un nombre sans précédent d'alliés sur la scène internationale. Du Mexique à la Chine, en passant par la Russie, les chefs d'Etat condamnent ces attentats et témoignent de leur soutien au côté des Etats-Unis. Le 12 septembre, la résolution 1368 du Conseil de Sécurité de l'ONU condamne l'attaque terroriste définie comme « une agression armée » et considérée comme « une menace à la paix et à la sécurité », et elle demande à tous les Etats de s'associer pour poursuivre ses auteurs et pour prévenir tout acte de terrorisme à venir. Ce soutien au gouvernement Bush, à l'intérieur et à l'extérieur du territoire national américain, est d'autant plus grand que l'ennemi est invisible et la menace plus effrayante.
Mais alors que l'administration Bush va tout faire pour rayer de son vocabulaire le terme « torture », préférant de beaucoup les termes de « positions de stress », « waterboarding » ou « interrogatoires musclés » qui seront utilisés par la suite, des journalistes et des universitaires
américains se saisissent les premiers de la question de la torture, non pour la dénoncer mais pour envisager son utilisation afin de faire parler les terroristes. C'est ainsi que début novembre 2001 paraît dans Newsweek un article intitulé « Time to think about torture » ou qu'un professeur de droit du nom de Dershowitz3préconise le recours à la torture sous autorisation d'un juge. Le débat sur la torture est ainsi lancé bien avant les révélations de 2004 sur les pratiques d'agents de l'Etat, membres de l'armée ou du renseignement. Pour le gouvernement en revanche, on ne saurait évoquer ouvertement l'hypothèse de la torture. Cela constituerait de trop graves, explicites et explicitées violations du droit international. Par ailleurs, de 2002 à 2004, de torture il en sera finalement très peu question dans les médias américains.
Pourtant la torture sera bien utilisée par l'administration américaine, et pas seulement par des « mauvaises pommes » (desbad apples) pour reprendre les termes du Secrétaire à la défense, Donald Rumsfeld. Elle fut non seulement utilisée, mais aussi légitimée, et même encadrée. En réalité, elle a pris un rôle central comme moyen dans la « guerre contre le terrorisme », un outil de politique publique jugé comme nécessaire par les plus hauts responsables de l'administration Bush.
Chapitre 1 La torture dans la stratégie de « guerre contre le terrorisme »
Parce que la torture va servir d'outil à la politique antiterroriste de l'administration Bush, il faut énoncer dans un premier temps les grandes lignes de cette stratégie, les déterminants de la « guerre contre le terrorisme », partir des objectifs, puis des moyens énoncés pour y parvenir, pour remonter finalement à la pratique institutionnalisée de la torture.
1. Guerre préemptive, éradication des menaces et rôle du renseignement
1.1L'état d'exception
Il existe un préalable à la stratégie adoptée par l'administration Bush dans le cadre de la « guerre contre le terrorisme » adoptée au lendemain des attaques du 11 septembre. Arguant que les Etats-Unis sont en guerre, l'administration Bush demande en effet dès les premiers jours qui
3Alan M. Dershowitz,Warrent: a response to professor StraussTorture , New York Law School, Law Review Vol. 48
suivirent les attaques du 11 septembre 2001 une concentration du pouvoir à son profit, c'est-à-dire au profit de l'exécutif et au détriment des pouvoirs législatif et judiciaire. De cette concentration des pouvoirs dépendent les mesures d'exception qui pourront être prises par la suite à l'abri des regards du législatif et du judiciaire ou avec leur consentement tacite. Sans cela, les « transferts spéciaux » de prisonniers (extraordinary renditions), les tribunaux militaires extraordinaires, l'extension des possibilités pour les services de renseignement d'avoir accès à des données privées, les mémorandums limitant les droits des détenus et ceux autorisant des pratiques considérées comme de la torture au regard des conventions internationales n'auraient pas été possibles.
La première, et fondamentale, brèche à l'équilibre des pouvoirs fut votée le 14 septembre 2009 par le Congrès à une écrasante majorité et fut adoptée le 18 septembre 2001. L'« Authorization for Use of Military Force Against Terrorist » (AUMF) autorise le Président à promulguer des directives non soumises à l'approbation du Congrès, afin qu'il puisse « utiliser toute la force nécessaire et appropriée contre les terroristes » responsables des attaques du 11 septembre ou qui projetteraient de frapper de nouveau les intérêts américains. Ce document constitue l'autorisation donnée au gouvernement d'agir contre les talibans en Afghanistan mais pas seulement, ce pays n'étant pas même mentionné. Parmi les directives ainsi adoptées par le Président et légitimées par cette résolution se trouve, par exemple, le décret édicté le 13 novembre 2001 permettant de juger des personnes suspectées de participation ou de soutien à des mouvements terroristes devant des commissions militaires. Il stipulait qu'étant donné « un état d'urgence extraordinaire » toute personne étrangère que le Président ou ses représentants estimaient participer à des actions terroristes pourrait être jugée par une commission militaire sans examen préalable par le Congrès ou des tribunaux. Les règles encadrant ces commissions seraient dictées par le Département de la défense et, si les suspects devaient être traités humainement et jugés par un procès équitable, les règles de droit classique ne pouvaient cependant, selon le décret, s'appliquer normalement.
La résolution du 18 septembre étendait également les pouvoirs des services de renseignement en termes d'écoutes à l'étranger. Cette extension des pouvoirs des services de renseignement sera complétée par le « USA Patriot Act » adopté le 26 octobre 2001. Notamment, cette loi réduit considérablement le contrôle judiciaire sur les enquêtes menées par les services de renseignement aux Etats-Unis, en particulier le FBI, et elle restreint la liberté d'expression en attentant en particulier à la confidentialité des données de la presse.
Les mesures d'exception ainsi édictées et le déséquilibre des pouvoirs au profit du président qui en résulte sont sans égale dans l'histoire des Etats-Unis. Cette approche juridique de
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