Américanisation du monde ou mondialisation de l Amérique ? - article ; n°1 ; vol.64, pg 7-20
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Politique étrangère - Année 1999 - Volume 64 - Numéro 1 - Pages 7-20
Americanization of the World or Globalization of America ?, by Jean-Marie Guéhenno American power is founded primarily on a model of civilization, which prompts a comparison between Americanization and globalization : the latter is not felt to be a threat by the Americans who, on the contrary, consider it an extension on a global scale of the best of their political experience. This perception is shared by a significant section of the élites in developing countries, for whom it mingles with an American model of individual economie success. But this Americanization/globalization is also a severe shock to historical, memory-based communities and it is fragmenting socie-ties, making the work of political - including American — leaders more difficult. The Europeans, who are close to the Americans but more sensitive to the importance of memory-based communities, have a décisive role to play alongside the United States if globalization is to be enshrined in institutions that will give it legitimacy.
Pour Jean-Marie Guéhenno, la mondialisation marque le triomphe durable de l'Amérique. Le processus de globalisation est en fait une « américanisation du monde », c'est-à-dire une extension à l'échelle de la planète du « rêve américain ». Or, autant les Américains apprécient la mondialisation, autant celle-ci est rejetée par toutes les sociétés où la mémoire, plutôt que le contrat, est le fondement de l'identité et de la cohésion sociale. Les Etats- Unis ont donc de plus en plus de difficultés à faire passer leurs vues, d'autant que leur politique étrangère apparaît fragmentée. Selon l'auteur toutefois, les Européens, dans la mesure où ils s'efforcent de « réconcilier le contrat avec la mémoire », ont un rôle particulier à jouer aux côtés des Américains si l'on veut que la mondialisation n'aboutisse pas à des crispations identitaires et à la formation d'un monde divisé.
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1999
Nombre de lectures 638
Langue Français

Extrait

Guéhenno
Américanisation du monde ou mondialisation de l'Amérique ?
In: Politique étrangère N°1 - 1999 - 64e année pp. 7-20.
Résumé
Pour Jean-Marie Guéhenno, la mondialisation marque le triomphe durable de l'Amérique. Le processus de globalisation est en
fait une « américanisation du monde », c'est-à-dire une extension à l'échelle de la planète du « rêve américain ». Or, autant les
Américains apprécient la mondialisation, autant celle-ci est rejetée par toutes les sociétés où la mémoire, plutôt que le contrat,
est le fondement de l'identité et de la cohésion sociale. Les Etats- Unis ont donc de plus en plus de difficultés à faire passer leurs
vues, d'autant que leur politique étrangère apparaît fragmentée. Selon l'auteur toutefois, les Européens, dans la mesure où ils
s'efforcent de « réconcilier le contrat avec la mémoire », ont un rôle particulier à jouer aux côtés des Américains si l'on veut que
la mondialisation n'aboutisse pas à des crispations identitaires et à la formation d'un monde divisé.
Abstract
Americanization of the World or Globalization of America ?, by Jean-Marie Guéhenno
American power is founded primarily on a model of civilization, which prompts a comparison between Americanization and
globalization : the latter is not felt to be a threat by the Americans who, on the contrary, consider it an extension on a global scale
of the best of their political experience. This perception is shared by a significant section of the élites in developing countries, for
whom it mingles with an "American model" of individual economie success. But this Americanization/globalization is also a severe
shock to historical, memory-based communities and it is fragmenting socie-ties, making the work of political - including American
— leaders more difficult. The Europeans, who are close to the Americans but more sensitive to the importance of memory-based
communities, have a décisive role to play alongside the United States if globalization is to be enshrined in institutions that will
give it legitimacy.
Citer ce document / Cite this document :
Guéhenno. Américanisation du monde ou mondialisation de l'Amérique ?. In: Politique étrangère N°1 - 1999 - 64e année pp. 7-
20.
doi : 10.3406/polit.1999.4822
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polit_0032-342X_1999_num_64_1_4822POLITIQUE ÉTRANGÈRE 1/99
Américanisation du monde
Jean-Marie GUÉHENNO ou mondialisation
de l'Amérique ?
Pour Jean-Marie Guéhenno, la mondialisation marque le triomphe durable de
l'Amérique. Le processus de globalisation est en fait une « américanisation du
monde », c'est-à-dire une extension à l'échelle de la planète du « rêve américain ».
Or, autant les Américains apprécient la mondialisation, autant celle-ci est reje
tée par toutes les sociétés où la mémoire, plutôt que le contrat, est le fondement
de l'identité et de la cohésion sociale. Les Etats- Unis ont donc de plus en plus de
difficultés à faire passer leurs vues, d'autant que leur politique étrangère apparaît
fragmentée. Selon l'auteur toutefois, les Européens, dans la mesure où ils s'effo
rcent de « réconcilier le contrat avec la mémoire », ont un rôle particulier à jouer
aux côtés des Américains si l'on veut que la mondialisation n'aboutisse pas à des
crispations identitaires et à la formation d'un monde divisé.
Politique étrangère
Pierre Hassner observait récemment, dans un remarquable
article1 où il passe en revue les différents ouvrages américains
qui, depuis dix ans, ont fourni les références intellectuelles du
débat international, que, «si les États-Unis peinent à transformer le
monde selon leurs souhaits, ils sont sans rival aucun pour l'inte
rpréter».
Cette domination intellectuelle du débat international est comme
la touche finale d'une hégémonie qui serait à la fois militaire, éco
nomique, technologique, médiatique, culturelle et sociétale. Le
Pentagone, Wall Street, Microsoft, CNN, Hollywood et McDonald
seraient les différentes facettes d'un triomphe américain si absolu qu'il
a conduit Hubert Védrine, ministre français des Affaires étrangères, à
Jean-Marie Guéhenno est président du conseil d'administration de l'Institut des hautes études de défense
nationale (IHEDN).
1. «L'Amérique et le monde. Théorie et pratique», Études, octobre 1998. POLITIQUE ÉTRANGÈRE /
inventer un mot nouveau : superpuissance ne suffit plus, les États-
Unis sont désormais une «hyperpuissance».
Pourtant, le paradoxe relevé par Pierre Hassner demeure : le monde
s'américanise, mais le gouvernement américain a les plus grandes dif
ficultés à faire prévaloir ses vues ; ses alliés comme ses adversaires se
révèlent coriaces : Benyamin Nétanyahou, Keizo Obuchi aussi bien
que Slobodan Milosevic ou Saddam Hussein regardent CNN et boi
vent peut-être du coca-cola, cela ne les conduit pas à se plier aux
injonctions de Washington ; l'américanisation du monde ne signifie
pas que la puissance américaine règne sans partage. D'autant que les
résistances internes que le système américain offre à l'exercice de la
puissance ne sont pas moins fortes : Gulliver apparaît souvent empêt
ré, prisonnier des contrepoids multiples du système politique améric
ain, qui jouent d'autant plus efficacement que l'absence d'une grande
menace extérieure rend plus difficile la définition d'un consensus
bipartisan de politique étrangère, et moins populaires les engagements
militaires extérieurs : le peuple américain accepte difficilement que ses
soldats meurent pour des causes incertaines. Rien de moins impérial
donc que cet empire démocratique, d'autant moins porté à regarder
vers l'extérieur que cet « extérieur » lui apparaît souvent, et parfois non
sans raison, comme une imitation de l'Amérique. Pourquoi s'intéres
ser à la copie quand on vit dans l'original ?
Tant de puissance mêlée à tant de faiblesse pose la question de la
pérennité de la situation actuelle : l'apparent triomphe américain est-
il durable, et vivons-nous, à 2 000 ans d'intervalle, les commencements
d'un nouvel empire ? Ou traduit-il seulement un déséquilibre provi
soire, un « moment unipolaire », conséquence de l'effondrement sou
dain de l'URSS, destiné à prendre fin quand, dans une vingtaine
d'années, de nouvelles puissances - la Chine, l'Europe - se seront
affirmées : bipolaire, puis unipolaire, le monde redeviendrait enfin
multipolaire.
Comment aujourd'hui réfléchir sur la puissance américaine ? Si
l'Amérique est désormais en nous, dans nos têtes, pouvons-nous en
core prétendre être des observateurs extérieurs, et traiter la question
comme une question de politique étrangère ? Réfléchir sur la nature
de la puissance américaine, n'est-ce pas désormais réfléchir sur nous-
mêmes, sur ce que nous sommes et sur ce que nous voulons être ? Et AMÉRICANISATION OU MONDIALISATION ? / 9
la politique « étrangère » des États-Unis, dès lors que le monde entier
s'américanise, n'est-elle pas elle-même condamnée à devenir une
simple extension de sa politique intérieure, plutôt que l'expression
d'un intérêt national qui supposerait qu'il y ait, en face de l'Amérique,
d'autres nations assurées de leur propre identité et jouant leur partie
dans un jeu classique de puissances ? Le concept de système interna
tional a-t-il encore un sens ? La dénonciation américaine des «Rogue
States», des États criminels, ne traduit-elle pas cette disparition de la
«politique étrangère», remplacée par une simple politique de maint
ien de l'ordre ? Et le fait qu'un président des États-Unis puisse sans
dommage politique excessif décider unilatéralement de bombarder un
pays souverain, sur une base juridique incertaine, alors même qu'une
procédure de destitution est engagée contre lui, n'est-il pas une
confirmation de l'extraordinaire suprématie de l'Amérique, de son
indifférence au regard du monde ?
Pour r

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