Chine : la double voie vers l'économie de marché - article ; n°2 ; vol.61, pg 337-351

Fan Gang

Description

Politique étrangère - Année 1996 - Volume 61 - Numéro 2 - Pages 337-351
La Chine a amorcé à la fin des années 70 une réforme économique suivant l'« approche progressive », qui se caractérise par un « système à deux voies ». Elle ne repose pas sur une véritable volonté de réforme. Elle est une réponse aux « crises » économiques. Jusqu'ici, son principal résultat est le développement d'un nouveau secteur non étatique, axé sur le marché, qui se compose de sociétés anonymes, de co-entreprises avec des investissements étrangers et d'industries rurales semi-privées détenues par les collectivités (EMV). La réforme des entreprises étatiques a été longtemps retardée ; mais la croissance du secteur non étatique est en train d'en modifier les conditions, et l'ancien système devient progressivement de moins en moins profitable et perd en importance.
Dual-Track Transition to Market-Oriented Reform, by Fan Gang
China bas been undertaking an « incremental approach » to économie reform since the late I970's, characterized by a « Dual-track System ». The reform policy does not corne from a genuine will of reform. It is an answer to economie « crises ». It starts with the growth of « new track », a new economie sector, without immediate reform of the « old track » in the early stage of the reform. The major achievement of the reform so far in China is the dynamic development of a new market-oriente d non-state sector which consists of share-holding corporate, joint-venture with foreign investment, and semi-private community-owned rural industries (TVEs). The reform of the state enterprise bas been post-poned for a long time ; but the growth of the non-state sector is changing the conditions for the reform of public sector and the old System is becoming less and less profitable and prevalent.
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: POLITIQUE_ETRANGERE
• Publié le: 01 janvier 1996
• Nombre de lectures: 79
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Gang Fan
Benoît Kremer
Chine : la double voie vers l'économie de marché
In: Politique étrangère N°2 - 1996 - 61e année pp. 337-351.
Résumé
La Chine a amorcé à la fin des années 70 une réforme économique suivant l'« approche progressive », qui se caractérise par un
« système à deux voies ». Elle ne repose pas sur une véritable volonté de réforme. Elle est une réponse aux « crises »
économiques. Jusqu'ici, son principal résultat est le développement d'un nouveau secteur non étatique, axé sur le marché, qui se
compose de sociétés anonymes, de co-entreprises avec des investissements étrangers et d'industries rurales semi-privées
détenues par les collectivités (EMV). La réforme des entreprises étatiques a été longtemps retardée ; mais la croissance du
secteur non étatique est en train d'en modifier les conditions, et l'ancien système devient progressivement de moins en moins
profitable et perd en importance.
Abstract
Dual-Track Transition to Market-Oriented Reform, by Fan Gang
China bas been undertaking an « incremental approach » to économie reform since the late I970's, characterized by a « Dual-
track System ». The reform policy does not corne from a genuine will of reform. It is an answer to economie « crises ». It starts
with the growth of « new track », a new economie sector, without immediate reform of the « old track » in the early stage of the
reform. The major achievement of the reform so far in China is the dynamic development of a new market-oriente d non-state
sector which consists of share-holding corporate, joint-venture with foreign investment, and semi-private community-owned rural
industries (TVEs). The reform of the state enterprise bas been post-poned for a long time ; but the growth of the non-state sector
is changing the conditions for the reform of public sector and the old System is becoming less and less profitable and prevalent.
Citer ce document / Cite this document :
Fan Gang, Kremer Benoît. Chine : la double voie vers l'économie de marché. In: Politique étrangère N°2 - 1996 - 61e année pp.
337-351.
doi : 10.3406/polit.1996.4538
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polit_0032-342X_1996_num_61_2_4538POLITIQUE ÉTRANGÈRE / 337
FAN ^a^.^ Gang* * Chine : la double voie
., r . , ** vers I économie de marche
Depuis quelques années, la Chine étonne le monde par sa croissance forte
et durable et par l'évolution sans heurts de ses institutions vers une éco
nomie de marché. Il y a deux ans, la mise en place d'une sorte d'écono
mie de marché (dite « économie socialiste de marché ») a été officiellement fixée
comme objectif de la réforme économique par le Parti communiste au pouvoir.
Pour beaucoup, cette évolution peut sembler déroutante : le régime politique
reste le même, le secteur étatique continue à dominer l'économie, mais en même
temps, les entreprises hors plan prospèrent un peu partout et le marché com
mence à s'instaurer dans la plupart des domaines de l'économie.
Après avoir examiné quelques traits essentiels du processus de restructuration
économique des quinze dernières années, cet article tentera d'expliquer les carac
téristiques les plus fondamentales de la réforme progressive de la Chine vers
l'économie de marché, et les problèmes que cette progressivité posera aux réfor
mateurs futurs.
L'« approche progressive » de la réforme : la « transition à deux voies »
La nature de la « réforme progressive »
Le « système à deux voies » a été utilisé pour la première fois dans la réforme
des prix : il consiste à préserver l'ancien système et à développer en parallèle le
nouveau, qui gagne progressivement en importance et finit par remplacer l'an
cien. Cette approche a été largement utilisée dans la plupart des domaines de
réforme, notamment la « réforme urbaine », mais aussi celles du commerce exté
rieur, du travail, du logement, de la sécurité sociale et, surtout, de la propriété.
Le passage de l'économie planifiée à l'économie de marché par le biais de la
« transition à deux voies » est caractéristique de la « réforme progressive » chi
noise (dite aussi « graduelle ») : il s'agit, dans un premier temps, de développer
le nouveau système (ou ses éléments ou secteurs) aux côtés de l'ancien, provi
soirement préservé de toute réforme fondamentale ; puis, si les choses se passent
bien, de réformer l'ancien système lorsque des circonstances plus favorables se
présentent, suite au développement des nouvelles composantes de l'économie.
Cette stratégie n'est peut-être pas justifiée si l'on vise à supprimer les « déperdit
ions d'efficacité » ou à réduire les « coûts de mise en oeuvre » de la réforme ;
;:" Professeur d'économie, Institut de hautes études, Académie chinoise des sciences sociales, Institut
national de recherche en économie, Fondation chinoise pour la réforme.
:;::" Ce texte a été traduit par Benoît Kremer. 338 / POLITIQUE ÉTRANGÈRE
elle peut l'être si l'on cherche à réduire les coûts des conflits politiques qu'une
réforme peut engendrer dans la réalité.
Par nature, réformer l'économie, c'est redistribuer les ressources entre divers
groupes d'intérêts. En général, cette opération ne conduit pas à une amélioration
au sens de Pareto, puisqu'elle peut détériorer la situation de certains groupes ou
individus. Un programme d'« indemnisation » bien conçu peut aider à rallier les
opposants à la réforme en raison des pertes qu'ils sont susceptibles de subir. Ce
pendant, l'efficacité du « théorème de l'indemnisation » est limitée en pratique :
tout d'abord, si l'on envisage le « revenu relatif », l'« indemnisation intégrale »
n'apporte aucune amélioration parce qu'elle ne modifie en rien le revenu relatif.
Ensuite, dans la réalité dynamique, il n'est guère possible de considérer comme i
ndemnisations les « avantages de la réforme » qui s'étendent sur une période extr
êmement longue au cours de laquelle les individus se contentent de payer le coût
des « intrants » du processus de production des nouvelles institutions écono
miques en attendant les « extrants » à venir.
En général, la réforme de l'ancien système se heurte toujours aux résistances des
groupes d'intérêts qu'elle risque de léser. De ce point de vue, les diverses ap
proches de la réforme ne sont que des manières différentes de traiter la résistance
au changement. Les approches « progressives » [North 1990] consistent à déve
lopper d'abord le nouveau dispositif institutionnel sans supprimer sur le champ
l'ancien système, l'objectif étant de réduire la résistance venant des groupes per
dants dont les intérêts restent préservés au moins pendant quelque temps avant
que certaines conditions ne changent. C'est ce que l'on appelle la « transition à
deux voies » : lorsqu'il est trop difficile d'abandonner l'« ancienne voie », il vaut
mieux développer d'abord la « nouvelle voie » parallèlement à l'ancienne. A l'op
posé, l'approche « radicale » consiste à éliminer coûte que coûte l'ancien système,
quel que soit le prix à payer pour vaincre la résistance de certains groupes d'intér
êt. Une réforme radicale peut réussir aux conditions (nécessaires) suivantes : que
la majorité de la société accepte un objectif de réforme bien défini ; et que les
groupes favorables à la réforme soient suffisamment forts pour permettre à leur
programme radical de survivre aux conflits politiques.
Une économie où ces conditions ne sont pas remplies peut choisir l'approche
« progressive ». Elle risque de subir des déperditions d'efficacité plus grandes et
de payer plus cher pour mener à bien tous ses programmes de réforme, parce que
l'ancien système y est maintenu pendant un temps avant de finir par être tran<