Entre soi et face aux autres. La réunion hebdomadaire d Act-Up - article ; n°31 ; vol.8, pg 113-123
12 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Entre soi et face aux autres. La réunion hebdomadaire d'Act-Up - article ; n°31 ; vol.8, pg 113-123

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
12 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Politix - Année 1995 - Volume 8 - Numéro 31 - Pages 113-123
Entre sol et face aux autres. La réunion hebdomadaire d'Act-Up Paris.
Janine Barbot [113-123]
À partir d'une série d'observations ethnographiques, cet article analyse les différentes modalités d'apparition de contraintes de publicité dans un espace singulier : la réunion hebdomadaire de l'association de lutte contre le sida Act-Up Paris. Les conditions de recevabilité ou d'irrecevabilité de la parole sur soi, tout comme la présence d'un tiers, sous les formes stabilisées du nouveau, de l'espion et de la caméra, révèlent les contraintes qui encadrent les interventions dans cet espace à la fois public et entre soi. Tournés principalement vers la production de discours, on voit les intervenants se livrer à la mise en scène de ce qui constitue pour eux les exigences qui conditionnent l'accès à une large publicité. Le recours à la figure du journaliste, cet autre tiers absent mais convoqué, leur permet alors d'anticiper et de s'accommoder aux conditions de transport et de traduction de leur action auprès d'un public élargi.
«Between Ourselves» and In Front of Others. The Weekly Act-Up Paris Meeting.
Janine Barbot [113-123]
On the basis of a series of ethnographic observations, this article analyses the different ways in which publicity constraints appear in a singular space : the weekly meeting of Act-Up, the association fighting against AIDS. The conditions for the admissibility or inadmissibility of talking about oneself, just as for the presence of a third party, under the stabilised forms of the new, the spy and the camera, reveal the constraints which surround discussions in this space which is both public and «between ourselves». Mainly oriented towards the production of speeches, we see the speakers giving themselves over the staging of what they consider to be the requirements that allow access to wide publicity. Recourse to the stance of a journalist, this third party not present but invoked, allows them to anticipate and adapt to the conditions for conveying and translating their action to a wide public.
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1995
Nombre de lectures 37
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Janine Barbot
Entre soi et face aux autres. La réunion hebdomadaire d'Act-Up
In: Politix. Vol. 8, N°31. Troisième trimestre 1995. pp. 113-123.
Résumé
Entre sol et face aux autres. La réunion hebdomadaire d'Act-Up Paris.
Janine Barbot [113-123]
À partir d'une série d'observations ethnographiques, cet article analyse les différentes modalités d'apparition de contraintes de
publicité dans un espace singulier : la réunion hebdomadaire de l'association de lutte contre le sida Act-Up Paris. Les conditions
de recevabilité ou d'irrecevabilité de la parole sur soi, tout comme la présence d'un tiers, sous les formes stabilisées du nouveau,
de l'espion et de la caméra, révèlent les contraintes qui encadrent les interventions dans cet espace à la fois public et entre soi.
Tournés principalement vers la production de discours, on voit les intervenants se livrer à la mise en scène de ce qui constitue
pour eux les exigences qui conditionnent l'accès à une large publicité. Le recours à la figure du journaliste, cet autre tiers absent
mais convoqué, leur permet alors d'anticiper et de s'accommoder aux conditions de transport et de traduction de leur action
auprès d'un public élargi.
Abstract
«Between Ourselves» and In Front of Others. The Weekly Act-Up Paris Meeting.
Janine Barbot [113-123]
On the basis of a series of ethnographic observations, this article analyses the different ways in which publicity constraints
appear in a singular space : the weekly meeting of Act-Up, the association fighting against AIDS. The conditions for the
admissibility or inadmissibility of talking about oneself, just as for the presence of a third party, under the stabilised forms of the
new, the spy and the camera, reveal the constraints which surround discussions in this space which is both public and «between
ourselves». Mainly oriented towards the production of speeches, we see the speakers giving themselves over the staging of what
they consider to be the requirements that allow access to wide publicity. Recourse to the stance of a journalist, this third party not
present but invoked, allows them to anticipate and adapt to the conditions for conveying and translating their action to a wide
public.
Citer ce document / Cite this document :
Barbot Janine. Entre soi et face aux autres. La réunion hebdomadaire d'Act-Up. In: Politix. Vol. 8, N°31. Troisième trimestre
1995. pp. 113-123.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polix_0295-2319_1995_num_8_31_1920Entre soi et face aux autres
La réunion hebdomadaire d'Act-Up Paris
Janine Barbot
CERMES - EHESS
LE MARDI à partir de 20 heures, cent à deux cent personnes, membres ou non
membres de l'association de lutte contre le sida Act-Up Paris se réunissent dans
un amphithéâtre de l'École des Beaux-arts, pour participer à sa réunion
hebdomadaire. Comme dans tout lieu de discussion, prendre la parole est un
acte soumis à des contraintes. L'objectif de cet article n'est pas tant de thématiser le
fonctionnement d'Act-Up, dont les spécificités dans le panorama associatif français ont
déjà été pointées1 (son refus du salariat, de toute subvention étatique, ses pressions sur
les pouvoirs publics et ses actions fortement médiatisées) que d'analyser les différentes
modalités d'apparition des contraintes de publicité dans cet espace singulier que
constitue la réunion hebdomadaire.
Rendre visible — être visible — est une question centrale pour Act-Up. Créée en 1989
sur le modèle de l'association new-yorkaise (Aids Coalition To Unleash Power)2, elle a
littéralement adopté ses modes d'action : être présent auprès des instances publiques
pour faire connaître ses revendications et infléchir leurs décisions ; être présent dans les
médias, le plus souvent par des actions spectaculaires, pour exister et faire exister sa
cause. «Donner une véritable visibilité»3 au sida prend alors la forme de la dénonciation
sur la scène publique des «responsabilités politiques non assumées» (insuffisance des
fonds, de la prise en charge sociale et médicale) et des «attitudes morales qui font le jeu
du sida» (à l'égard des homosexuels, des toxicomanes). Dénonciation qui s'opère
toujours en tant que, et au nom des, séropositifs et malades du sida.
Des commissions spécialisées ont ainsi pour fonction de constituer des dossiers dans
différents domaines (prévention, traitements et recherches, accès aux soins, etc.). Ces
dossiers permettent d'établir l'existence d'un scandale, d'une injustice nécessitant
l'élaboration de stratégies de lobbying, d'actions publiques que les commissions
1. Les associations françaises de lutte contre le sida relèvent d'une diversité de situations : dans
leur composition, leur mode de fonctionnement et leurs vocations. Cf. Pollak (M.), Rosman (S.),
Les de lutte contre le sida. Éléments d'évaluation et de réflexion, Paris, EHESS, 1989 ;
Pollak (M.), «Constitution, diversification et échec de la généralisation d'une grande cause : le cas
de la lutte contre le sida«, Politix, 16, 1991 ; Adam (P.), «Expérience intime et action collective»,
Informations sociales. Sida, états des lieux, 32, 1993 ; Rosman (S.), -Entre engagement militant et
efficacité professionnelle : naissance et développement d'une association d'aide aux malades du
sida», Sciences sociales et santé, 12 (2), 1994. L'histoire du mouvement associatif est fréquemment
analysée en deux phases : la constitution dans l'urgence d'associations palliant le manque de
structures de prise en charge des personnes atteintes par le VIH, l'apparition de mouvements
essentiellement revendicatifs, principalement avec l'association Act-Up Paris. Cette dernière a fait
l'objet de peu d'investigations sociologiques en France. Elle apparaît le plus souvent dans un
•panorama associatif» qui pointe des particularités en référence à une typologie construite pour
toutes. Elle apparaît aussi, nous le verrons, dans un registre critique des fondements et des
modalités de la dénonciation publique, sa principale forme d'action.
2. Act-Up New-York a été créée en 1987 (Cf. Kramer (L.), Reports from the Holocaust . The Making
of an AIDS Activist, New- York, Saint Martin's Press, 1987) ; d'autres ont suivi aux États-Unis et en
Europe. Il n'existe cependant pas de fédération internationale, ni de label Act-Up : la constitution
d'une charte minimale commune est débattue épisodiquement et le plus souvent localement
lorsqu'une prise de position d'un autre Act-Up est contestée.
3. Act-Up Paris, Sida : combien de divisions ?, Éditions Dagorno, 1994. Ce livre a été écrit par
plusieurs de ses membres et approuvé par le vote en assemblée.
Politix, n°31 1995, pages 1 13 à 123 113 Janine Barbot
soumettent à l'épreuve de l'assemblée lors de la réunion hebdomadaire. L'assemblée
qui sanctionne par un vote chaque position publique, est présentée comme la clef-de-
voute de «l'injonction» démocratique d'Act-Up1. Le déroulement des réunions
hebdomadaires suit un ordre du jour fixé par avance, sur proposition des représentants
des commissions. Un premier intervenant, mime et explicite, en qualité de «facilitateur»,
le code gestuel à utiliser pour prendre la parole : lever la main pour faire connaître son
intention de parler, lever les deux mains croisées pour signifier la volonté
d'abandonner son tour, pointer l'index vers le bas pour demander à réagir en temps
réel après une intervention particulière. Si toute demande d'intervention peut donc être
inscrite sur une liste chronologique, garantissant un accès égalitaire à la prise de parole,
le facilitateur pourra cependant accorder exceptionnellement des «réponses directes»
ou encore signifier à un orateur qu'il est trop long, en levant les deux mains en forme
de T. Il est ainsi dépositaire des contraintes qui encadrent la prise de parole en réunion.
Ce sont ensuite les représentants des commissions qui introduisent un débat, suivi le
plus souvent d'un vote sur l'adoption d'une position de principe ou la réalisation
d'une action à l'encontre d'une cible déterminée : le «zap»2.
L'accès à la réunion est libre, en référence à l'exigence de transparence et de publicité
des débats, et aucune disposition spatiale n'est inst

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents