L institution militaire, le pouvoir et la société civile en Russie - article ; n°4 ; vol.61, pg 777-789
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L'institution militaire, le pouvoir et la société civile en Russie - article ; n°4 ; vol.61, pg 777-789

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Description

Politique étrangère - Année 1996 - Volume 61 - Numéro 4 - Pages 777-789
De tout temps, l'armée russe, puis soviétique, a tenu une place de choix dans l'histoire du pays. Aujourd'hui encore, un général — Alexandre Lebed — est à l'avant-scène politique. Ceci relance la question lancinante du rôle politique éventuel de l'armée en Russie. C'est aux relations — au demeurant compliquées — entre l'armée, le pouvoir et la société civile que le professeur russe, spécialiste de l'institution militaire, Iouri Fedorov, consacre cette étude. Rétrécie par la disparition de l'Empire, appauvrie par les restrictions budgétaires, désorganisée, l'armée russe a subi, depuis 1992, une réelle dépolitisation, et c'est contre son gré qu'elle a dû s'impliquer dans le conflit intérieur tchétchène. Toutefois, elle reste en majorité favorable à un régime autoritaire pour la Russie. Or, son importance numérique est telle qu'il ne peut y avoir de victoire électorale sans le soutien des militaires et celui de leurs ramilles. Aussi, le pouvoir politique doit-il tenir compte de leur état d'esprit, de leurs aspirations à un certain mieux-être, et même de l'attitude des élites militaires à l'égard des pays de la CEI et de l'Ouest, en matière de politique étrangère.
The Military Institution, Power and Civil Society in Russia, by Iouri E. Fedorov
The Russian, and later Soviet army, has always played a central role in the country's history. Even today, a general — Alexander Lebed — has acquired considerable political clout. Once again, this begs the troubling question of the potential political role of the army in Russia. Lt is these complicated relations between the army, the power and the civil society that the Russian professor, Iouri Fedorov, specialised in the study of the military institution, here analyses. Diminished by the disappearance of the Empire, made poorer by budgetary restrictions, the disorganized Russian army has, since 1992, undergone a real depoliticization and against its will got involved in the domestic Chechen conflict. However, in its majority, the army still supports an authority regime in Russia. Its size means that there cannot be an electoral victory without its support and that of its families. The political establishment must take into account its views, its quest for an improved standard of living and even the attitude of the military elite with respect to foreign policy towards the countries of the CIS and the West.
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1996
Nombre de lectures 47
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Fedorov
Tiraspolsky
L'institution militaire, le pouvoir et la société civile en Russie
In: Politique étrangère N°4 - 1996 - 61e année pp. 777-789.
Citer ce document / Cite this document :
Fedorov, Tiraspolsky. L'institution militaire, le pouvoir et la société civile en Russie. In: Politique étrangère N°4 - 1996 - 61e
année pp. 777-789.
doi : 10.3406/polit.1996.4583
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polit_0032-342X_1996_num_61_4_4583Résumé
De tout temps, l'armée russe, puis soviétique, a tenu une place de choix dans l'histoire du pays.
Aujourd'hui encore, un général — Alexandre Lebed — est à l'avant-scène politique. Ceci relance la
question lancinante du rôle politique éventuel de l'armée en Russie. C'est aux relations — au
demeurant compliquées — entre l'armée, le pouvoir et la société civile que le professeur russe,
spécialiste de l'institution militaire, Iouri Fedorov, consacre cette étude. Rétrécie par la disparition de
l'Empire, appauvrie par les restrictions budgétaires, désorganisée, l'armée russe a subi, depuis 1992,
une réelle dépolitisation, et c'est contre son gré qu'elle a dû s'impliquer dans le conflit intérieur
tchétchène. Toutefois, elle reste en majorité favorable à un régime autoritaire pour la Russie. Or, son
importance numérique est telle qu'il ne peut y avoir de victoire électorale sans le soutien des militaires
et celui de leurs ramilles. Aussi, le pouvoir politique doit-il tenir compte de leur état d'esprit, de leurs
aspirations à un certain mieux-être, et même de l'attitude des élites militaires à l'égard des pays de la
CEI et de l'Ouest, en matière de politique étrangère.
Abstract
The Military Institution, Power and Civil Society in Russia, by Iouri E. Fedorov
The Russian, and later Soviet army, has always played a central role in the country's history. Even
today, a general — Alexander Lebed — has acquired considerable political clout. Once again, this begs
the troubling question of the potential political role of the army in Russia. Lt is these complicated
relations between the army, the power and the civil society that the Russian professor, Iouri Fedorov,
specialised in the study of the military institution, here analyses. Diminished by the disappearance of the
Empire, made poorer by budgetary restrictions, the disorganized Russian army has, since 1992,
undergone a real depoliticization and against its will got involved in the domestic Chechen conflict.
However, in its majority, the army still supports an authority regime in Russia. Its size means that there
cannot be an electoral victory without its support and that of its families. The political establishment must
take into account its views, its quest for an improved standard of living and even the attitude of the
military elite with respect to foreign policy towards the countries of the CIS and the West.L'institution militaire, le pouvoir . ._ .-,-^r,™,*
louri E. FEDOROV * et xlla société .,.. civile ... en Russie ■-».**
« Si ce sont les tanks qui décident de l'issue d'un conflit politique, alors le com
mandant d'un régiment de tanks est Vhomme politique le plus important du pays.
S'il oriente son "argument politique" de 125 millimètres dans une direction, c'est
une politique ; dans une autre, c'est une autre ».
Lieutenant-général Alexandre Lebed,
C'est vexant pour l'Etat, Moscou, 1995, p. 443.
Cette phrase d'Alexandre Lebed exprime une vision, largement répandue en Russ
ie, du rôle de l'armée dans la vie politique du pays. Les événements des années 90
ont en effet montré que, lors de crises aiguës du pouvoir, l'attitude de l'élite mili
taire jouait un rôle déterminant. L'armée reste centralisée, à bien des égards auto
nome, peu liée aux élites régionales malgré une structure théoriquement capable,
en cas de besoin, d'exercer un contrôle sur tout le territoire. L'opinion des états-
majors influence de façon tangible la politique étrangère de la Russie et la défini
tion des intérêts stratégiques de l'Etat. Toutefois, on ne peut affirmer qu'en Russ
ie, l'armée soit une force politique dominante. En fait, les élites civile et militaire
entretiennent des relations très compliquées.
Traditions historiques et modèles
La question qui se pose aujourd'hui est de savoir dans quelle mesure les liens entre
les élites civile et militaire reproduisent des mécanismes hérités de l'Union sovié
tique, et au-delà, sont des survivances d'un passé vieux de deux siècles.
Au XVIIIe siècle, les régiments de la garde stationnés dans la capitale jouent un
rôle majeur lors de nombreux coups d'Etat portant les vainqueurs d'un conflit sur
le trône de la Russie. Notons qu'il ne s'agit pas de l'armée dans son ensemble, dis
persée dans les garnisons aux quatre coins du pays, mais de la garde, sorte de corps
prétorien de la monarchie russe. Au XIXe siècle, la situation change complète
ment. En effet, en 1825, l'insurrection des décembristes s'avère être l'ultime ingé
rence des militaires dans la vie politique. Par la suite, le régime impérial a su écar
ter les forces armées de la politique, et astreindre le corps des officiers à un esprit
de soumission inconditionnelle et de fidélité à la dynastie.
* Professeur de sciences politiques, MGIMO, ministère des Affaires étrangères de Russie.
::::" Ce texte a été traduit par Anita Tiraspolsky. 778 / POLITIQUE ÉTRANGÈRE
Sous le régime soviétique, la direction du PCUS n'a pas confiance en l'armée.
Un système efficace de double contrôle est mis en place avec l'aide de « dépar
tements spéciaux » et du contre-renseignement militaire relevant, d'une part, du
KGB et, de l'autre, d'organes politiques subordonnés à la direction centrale du
parti. Les répressions de masse des années 30 donnent une dure leçon aux offi
ciers et aux généraux, étouffant pour longtemps toute ambition politique. Leur
loyauté, surtout sous Staline, est également acquise par la place privilégiée que
ces officiers occupent dans la société soviétique et par les avantages matériels
octroyés et le prestige social en résultant.
Mais ce n'est là qu'un aspect du problème. En effet, les situations des officiers et
des généraux ainsi que des responsables militaires sont bien différentes sous le r
égime soviétique. Les cadres moyens et supérieurs de commandement, dont les
commandants des divisions et des corps d'armée, comme bien d'autres groupes
sociaux et professionnels, ne participent pratiquement pas à l'élaboration de la po
litique intérieure et extérieure. De plus, le régime, surtout sous Leonid Brejnev, a
une politique consciencieusement paternaliste et égalitariste visant à créer une so
ciété homogène animée de motivations et d'orientations identiques. En fait, seuls
quelques dizaines de responsables — les commandants des districts militaires et
ceux des groupes de force à l'étranger, les membres du collège du ministère de la
Défense, les chefs des départements les plus importants de l'état-major — fo
rment la mince couche de l'élite qui prend les décisions importantes.
Après la mort de Staline, la direction des armées a arbitré, à trois reprises, de
graves conflits survenus entre les dirigeants soviétiques. En 1953, le corps des
généraux supérieurs a joué un rôle décisif dans l'éviction de Lavrentie Beria et
dans la mise en place d'un contrôle politique sur les organes de sécurité. En
1957, le ministre de la Défense, Guéorguii Joukov, permet la victoire de
Khrouchtchev, soutenu par une majorité des élites du parti, sur ses adversaires
du groupe des « antipartis ». Enfin, en 1964, la démission forcée de Khroucht
chev n'est possible qu'avec la bienveillance de l'establishment militaire. Ainsi,
l'attitude de la direction des armées est l'un des facteurs décisifs, sinon le plus
important, qui ont déterminé l'issue de rivalités entre différents groupes des
hautes sphères de l'administration soviétique, notamment lorsqu'elles atte
ignaient un niveau critique. Ce n'est donc pas un hasard si Leonid Brejnev a
nommé ses fidèles — Andrei Gretchko et Dmitri Oustinov entré

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