Le style canadien et la politique étrangère - article ; n°2 ; vol.38, pg 131-148
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Description

Politique étrangère - Année 1973 - Volume 38 - Numéro 2 - Pages 131-148
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1973
Nombre de lectures 49
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Louis Balthazar
Le style canadien et la politique étrangère
In: Politique étrangère N°2 - 1973 - 38e année pp. 131-148.
Citer ce document / Cite this document :
Balthazar Louis. Le style canadien et la politique étrangère. In: Politique étrangère N°2 - 1973 - 38e année pp. 131-148.
doi : 10.3406/polit.1973.5930
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polit_0032-342X_1973_num_38_2_5930LE STYLE CANADIEN
ET LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE
par Louis BALTHAZAR*
Parmi les facteurs qui conditionnent la politique étrangère d'un
Etat, on s'accorde généralement pour inclure ce qu'on a appelé le
style national. Stanley Hoffmann a déjà démontré la validité de l'ana
lyse stylistique dans son ouvrage Gulliver empêtré (1). Sans repren
dre cette démonstration, on peut émettre tout simplement l'hypothèse
de base qu'il existe au niveau des collectivités un certain style ou une
façon de percevoir le monde et de réagir à l'endroit du système in
ternational. Ce style peut évoluer et même subir des mutations pro
fondes mais, comme il s'enracine dans des expériences historiques
traumatisantes, il tend habituellement à persister pour plusieurs gé
nérations. La politique étrangère d'un Etat ne peut qu'être considé
rablement affectée par les composantes de ce style. Bien sûr, cette
influence ne jouera pas également sur toutes les décisions d'ordre
international. Qu'un Etat entre en guerre contre un voisin pour dé
fendre des frontières menacées, cela ne ressort guère des structures
mentales des gouvernants ou de la population. Il est des situations
qui commandent partout des réactions à peu près semblables. En
revanche, il y a d'autres conjonctures — et la politique internatio
nale en est tissée — qui peuvent susciter toute une gamme de ré
ponses suivant l'image qu'on se fait de la réalité. Par exemple, ce
n'est pas la nature même du système international qui appelait les
Etats-Unis à ne pas se joindre à la Société des Nations. C'est bien
plutôt la façon dont les Américains percevaient ce système.
Je voudrais tenter ici de dégager sommairement quelques traits
du style canadien tel qu'il a pu se manifester dans la politique étran
gère du Canada. Je m'attacherai d'abord à définir ce style en fonc-
* Département de science politique, Université Laval.
(1) Stanley Hoffmann, Gulliver empêtré. Essai sur la politique étrangère des
Etats-Unis. Paris, Editions du Seuil, 1971. Voir en particulier pp. 135-142. 132 BALTHAZAR
tion des expériences historiques et des comportements des Canadiens
de langue anglaise puisque ce sont eux, presque exclusivement, qui
ont conçu et exécuté la politique étrangère du pays jusqu'à une pé
riode toute récente. Les Canadiens français, pour des raisons que je
tenterai d'esquisser plus loin, n'ont participé que très rarement à
l'élaboration de la politique extérieure en tant que collectivité. Quand
ils l'ont fait à titre d'individus, comme par exemple dans le cas des
Premiers Ministres francophones, ils ont dû adopter le style de leurs
compatriotes de langue anglaise.
Le présent article voudrait aussi indiquer comment ce style a f
açonné des attitudes particulières à l'endroit de l'Europe et enfin rele
ver les facteurs d'une évolution possible.
L'expérience historique des Canadiens anglais
Historiquement, l'existence du Canada comme entité politique
tient à la volonté d'un groupe de colons d'Amérique du Nord de
demeurer fidèles à la Couronne britannique. Cette volonté a été tr
aditionnellement interprétée en fonction d'un clivage idéologique en
tre les Révolutionnaires américains et les Loyalistes. Des études ré
centes ont remis en cause cette interprétation. Il semble bien qu'il
n'y avait pas de véritable aristocratie dans les colonies américaines
avant la Révolution (2) et qu'il faille chercher les causes du Loyalis
me dans des facteurs plutôt contingents comme la sécurité de l'em
ploi, la géographie, des inimitiés personnelles, etc (3). Bien plus,
Révolutionnaires et Loyalistes partageaient une même fidélité
au libéralisme de John Locke. Si les premiers s'inspiraient du phi
losophe anglais pour justifier leur lutte contre la « tyrannie » de
George III, les seconds s'appuyaient encore sur Locke en s'opposant
(2) Voir Bernard Bailyn, The Origins of American Politics. New York, Random
House, 1967.
(3) « Aux considérations politiques et économiques vinrent s'ajouter de nom
breux facteurs, tels la situation géographique, les hasards de la guerre avec ses
avances et replis de troupes, parfois des questions de politique locale ou des
rivalités entre clans. Beaucoup, comme le révèlent les pétitions loyalistes, chan
gèrent ainsi de camp au cours de la lutte et, souvent, des familles se trouvèrent
divisées. Bref, tout concourt à démontrer que nous n'avons pas affaire à une
révolution où une classe s'opposerait à une autre ■». Kenneth McRae, « Structure
historique du Canada » in Louis Hartz, Les Enfants de l'Europe. Paris, Editions
du Seuil, 1968, p. 240. CANADA 133
à une rébellion que, selon eux, des abus passagers ne justifiaient
pas (4).
Les Loyalistes avaient mal misé. Ils ont perdu. Les Révolutionn
aires n'ont pas manqué de le leur rappeler en les chassant de la
terre natale et en ne leur laissant d'autre choix que de trouver refuge
dans les territoires demeurés sous la tutelle britannique.
Ainsi l'histoire canadienne-anglaise débute sous le signe de l'échec.
Des libéraux américains se voient éloignés de leur milieu naturel
et doivent se trouver, pour légitimer leur existence collective, un
mythe différent de celui de leurs frères qui ont créé la nation amér
icaine. Ils se tourneront désormais vers la Couronne britannique
pour oublier leur défaite et même se féliciter d'avoir échappé à la
République.
A l'endroit des nouveaux Républicains, ils entretiendront une att
itude quasi schizophrenique. Ils ne pourront jamais détester ceux avec
qui ils avaient vécu l'expérience coloniale et le nouveau libéralisme
américain. Mais leur fierté les invitera sans cesse à se définir en
opposition à ceux qui les ont refoulés vers le Nord. Profondément
ils demeureront des Américains mais symboliquement ils s'affirme
ront toujours avant tout comme des Britanniques. Le pays qu'ils fon
deront, ce sera l'Amérique britannique du Nord. Leur drapeau sera
l'Union Jack et leur hymne dit national le « God Save the King ».
Des emigrants se joindront à eux en grand nombre et modifieront
dans une certaine mesure la structure sociale du Canada. Mais, pas
plus qu'aux Etats-Unis, le mythe collectif ne sera remis en question.
John Diefenbaker, petit fils d'émigrant, n'est-il pas un des plus
loyaux sujets de la Reine du Canada ?
Le style canadien sera donc profondément marqué par un amé
ricanisme parfois latent mais toujours présent et par le refus d'adhé
rer comme les Américains à un idéal national. Voyons maintenant
comment la politique étrangère du Canada peut se définir en fonc
tion de ces deux courants.
Un certain style américain
Le Professeur Louis Hartz, dans un brillant ouvrage
(4) Voir David V.J. Bell, « The Loyalist Tradition in Canada », Journal oj
Canadian Studies, May 1970. 134 BALTHAZAR
intitulé The Liberal Tradition in America (5), caractérise l'expérien
ce américaine par la conscience d'avoir échappé à la dialectique eu
ropéenne des idéologies et par l'établissement d'un libéralisme pur,
libéré de la confrontation aux autres idéologies. Au Canada aussi, en
dépit de certains courants élitistes et socialistes apparentés à des
phénomènes britanniques, le libéralisme remporte une victoire fa
cile (6).
La politique étrangère du Canada, comme celle des Etats-Unis,
sera profondément marquée par la bonne conscience libérale du
Nord-Américain. Retenons trois traits propres à ce style : le moral
isme, l'isolationnisme et le messianisme.
On l'a déjà constaté à plusieurs reprises, la pol

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