Milagro
The Milagro beanfield war
de Robert RedfordF
FICHE FILM
fiche technique
U S A - 1987 - 2h
Réalisateur :
Robert Redford
Scénario :
David Ward
John Nichols
Musique :
Dave Grusin
Interprètes :
Ruben Bades
(Shérif Montoya)
Richard Bradford
(Ladd Devine)
Sonia Braga
(Ruby Archuleta)
Julie Carmen
(Nancy)
Résumé Critique
Milagro est un petit village du Nouveau C‘est le pot de terre contre le pot
Mexique qui s’étiole lentement. Un promo- d’affaire. Passant une nouvelle fois
teur, Devine, envisage l’établissement d’un derrière la caméra (il avait déjà réalisé
parc d’attractions. Les habitants compren- Des gens très ordinaires), I’acteur
nent que cette mesure ne Ieur rapportera Robert Redford a mis en scène Milagro.
rien jusqu’au jour où l’un d’eux utilise Côté paysans, son film, tout en soulignant
l’eau du chantier pour irriguer son champ une juste révolte, n’évite pas le folklore et
bientôt suivi par d’autres. Malgré l’envoi la sensiblerie. Côté promoteur, il montre
d’un policier aux moeurs brutales, la soli- un fricard soutenu par les autorités locales
darité de la population oblige Ie promoteur et dont le machiavélisme arrogant semble
à renoncer. avoir tout prévu.Sauf que le destin puisse
parfois préférer les haricots à l’oseille.
Jean-Paul Grousset
Le Cinéma
L E F R A N C E
1D O C U M E N T S
Redford s’est engagé dans ce film où il colline". Encore moins de dépucelages mérite de renouer avec une certaine tra-
defend ses idées écologistes à travers graveleux ou de porsuites pétaradantes. dition morale du cinéma américain.
une jolie fable. Malheureusement les Alors qu'y a-t-il ? Eh bien, "des gens Yves Alion
bons sentiments ne font pas toujours sans importance", pour reprendre le titre La Revue du Cinéma (juin 1988)
les grands films. du premier film de Redford. On sent que
Jean Tulard l’acteur-cinéaste aime ses contempo-
Dictionnaire du Cinéma rains et qu’il prend un plaisir presque Il y a dans Redford la racine "Ford". Ce
sensuel à les observer. La mise en jeu de mots-jeu de noms donne à pen-
scène, dès lors, consiste à nous faire ser, à rêver. On retrouve dans Milagro
Il ne faut pas en douter, cette "guerre du partager son regard. Un regard qui à le souffle du western : les paysages
champ de haricots de Milagro" n’a rien l’occasion porte loin : Milagro marque désolés et grandioses, les images très
de dérisoire. Certes, il ne s’agit pas de un retour aux grands espaces. C’est un composées, les cadrages travaillés qui
la guerre du Viêt-nam (ce qui nous chan- film qui respire. Sans être un western, il transforment la plus prosaïque réalité
ge un peu les idées). Mais la portée restitue une certaine magie un peu rurale en tableau de genre, la truculence
symbolique n’en est pas moins grande. oubliée et recueille quelques dépouilles d’une humanité exaltée, exultante et
Ce n’est pas un hasard si le village du encore fumantes, telle cette battue des à-côtés pittoresques qui frisent le
Nouveau-Mexique où se déroule le film organisée par le shérif pour retrouver burlesque...
s’appelle Milagro ("miracle" en espa- Joe. En outre, on a envie de parler de
gnol) : pour son second long métrage en "frontière". Mais cette fois-ci, la frontiè- S’il y a du Ford dans la composition for-
tant que réalisateur, Robert Redford re des pionniers, c’est celle du fric (les melle de ce conte Iyrique et drôlatique,
nous propose une fable. Ce qui lui promoteurs nous font penser à ceux de il y a du Capra dans le propos...
confère, entre autres, le pouvoir de faire Zabriskie point, le pamphlet d’Antonioni
parler les morts. Cela peut s’avérer fort contre la société de consommation). Sous Le style de Robert Redford est fondé sur
utile. Milagro est l’histoire d’un pauvre ses airs bonasses, le film provoque une des principes très classiques : la rigueur,
paysan, Joe, qui refuse malgré des véritable prise de conscience politique. I’équilibre, I’évidence esthétique (tou-
finances exangues de vendre sa terre à L’alliance entre les paysans, illettrés jours le modèle du western), mais le
un promoteur désirant transformer la pour la plupart, et un avocat journaliste, rythme et le mouvement ne sont pas
région en un immense parc de loisirs. ancien gauchiste ayant fait le choix ceux du cinéma d’aventures.
Pour conjurer le sort, Joe détourne l’eau d’une vie alternative, montre d’ailleurs
de la commune et irrigue son champ. que la ligne de partage des forces en Il y a une lenteur cérémonieuse dans le
Son geste s’avérant plutôt populaire, il présence perpétue les cassures idéolo- tempo qui communique un sentiment de
s’agit pour les autorités de lui faire giques et culturelles survenues dans la félicité et de plénitude. On apprécie la
rendre gorge sans pour autant procéder seconde moitié des années soixante. mélodie paisible des images, des pay-
à son arrestation. Délicat. Une fois encore Redford exprime sa foi sages et des visages. Très importants,
écologiste. Un mot qu’il convient les visages. Tous les regards sont lumi-
Bien sûr, la sympathie du spectateur se d’employer dans son sens le plus fort. neux et ardents dans ce film, y compris
porte sur les petits contre les puissants. L’écologie, ce n’est pas (seulement) la ceux des méchants.
C’est le syndrome d’Astérix, vieux défense des petits oiseaux. C’est (sur-
comme Mathusalem ou plutôt comme tout) la lutte pour que l’homme vive en Robert Redford nous gâte. Il nous fait
David et Goliath. harmonie avec son milieu. C’est rire, il nous touche, il fait mouche. Et il a
peut-être un autre nom de la dignité. la délicatesse de ne pas figurer dans
On le voit, Milagro va résolument à son film, refusant crânement le vedetta-
contre-courant du cinéma américain Milagro est-il un chef-d’œuvre ? Certes riat et la pression du box office.
actuel. Pas de vedettes (hormis pas. Il y manque ce petit quelque chose Gilbert Salachas
Christopher Walken dans un rôle secon- qui transcende l’ensemble. Peut-être Télérama n°2002
daire et au demeurant fort antipa- Redford a-t-il fait preuve d’une trop
thique). Pas d’adolescents non plus. grande froideur dans la mise en scène,
Au contraire : la population de peut-être n’a-t-il pas toujours su résister L’histoire de l’adaptation de Milagro au
Milagro est vieillissante et Joe dépri- à un esthétisme un peu hors de propos. cinéma est longue, aussi longue que la
me à l’idée "qu’il n’amènera pas ses Mais soyons-en sûrs, il s’agit de défauts légende dont elle s’inspire. Cinq ans
enfants cueillir des framboises sur la mineurs. Le film conserve l’immense d’attente pour qu’enfin soit publié le
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roman de John Nichols, plus de quatorze destiné à la formation et au perfection- d’acteur a trop souffert de la notoriété. Il
ans avant qu’il ne soit transposé en nement des réalisateurs indépendants. y a des choses que je n’ai pas pu faire,
images... "Le cinéma, comme l’environnement, est des compromis que je ne veux plus
un art qu’il faut défendre, protéger. Pas accepter."
Redford a dû attendre cinq intermi- un commerce."
nables années pour qu’enfin les droits A Santa Monica où il est né, Robert A quelques kilomètres de Chimayo, où a
du film lui soient concédés et encore Redford, enfant, flânait souvent dans les été tourné Milagro, Robert Redford a
trois ans pour que le film naisse sur un faubourgs. Il imaginait alors pouvoir fait l’acquisition de 220 acres de terrain.
écran. Sept scénari ont été écrits, le der- changer le monde. Dans le quartier Il y bâtira un jour une maison. En atten-
nier est co-signé par John Nichols, mexicain où l’ont souvent mené ses pas, dant, il contemple les photos qu’il en a
l’auteur, et David Wards, le scénariste les vieillards, sur le seuil des maisons, faites. Ce sont des pièces à conviction,
de L’Arnaque. avaient déjà ces airs de diables bienfai- ces poignées de terre qui échapperont
sants dont il s’est inspiré pour son film ; aux promoteurs, le symbole d’une lutte...
Des revenants sourient aux anges : qui des visages de héros villageois. De cette Milagro a coûté cher, beaucoup plus
pouvait avoir envie de tourner une chose époque, Redford dit encore : "Le cinéma cher que prévu. Pendant des mois, à
pareille ? dit Robert Redford. Quand je rme dégoûtait. J’y voyais des hommes cause des conditions climatiques, du
cherchais des financements pour et des femmes s’embrasser à pleine pointillisme du réalisateur qui s’ingé-
Milagro, mes interlocuteurs ressem- bouche. Pour moi, ce n ‘était pas la vie." niait à reconstruire des scènes qui
blaient à ce mort qui revient hanter le Vingt ans après, le petit gringo s’est n’existaient pas dans le scénario, le
village. Comme lui, ils souriaient. Et ils souvenu de son aversion pour les cli- tournage s’est étiré, pesant, sous le
disaient en secouant la tête : "Quelle chés. Pas plus que dans Les gens regard des chicanos qui balançaient
pitié, on ne peut rien faire pour vous. " comme les autres, il n’y a de star dans entre le plaisir d’être aux postes clés
En tournant Milagro, Redford, général Milagro. John Heard, Sonia Braga, (derrière la caméra), et le dépit d’être
illusoire d’une troupe de baladins dans Christopher Walken et Melanie Griffith écarté de la distribution (devant la
laquelle on chercherait en vain les se partagent les rôles secondaires. Les caméra).
valeurs sûres du box office américain, a principaux ont été sciemment distribués
eu le sentiment de remporter une à des comédiens de stature plus Pendant ce temps, la communauté mexi-
bataille. Un sentiment de paix, dit-il. modeste : Chick Vennera, qu’on n’avait caine se rend peureusement dans les
"Partout dans le monde, les gens arra- plus vu au cinéma depuis Yanks, le salles. La blondeur juvénile de
chent à d’autres gens, plus faibles, des Mexicain Carlos Riquelme qui tient ici l’acteur-réalisateur a fini par séduire. En
morceaux de leur vie, de leurs traditions. son premier rôl