Polémique et comique dans trois harangues de la Satyre Ménippée - article ; n°1 ; vol.36, pg 111-128
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1984 - Volume 36 - Numéro 1 - Pages 111-128
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1984
Nombre de lectures 46
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Nicole Cazauran
Polémique et comique dans trois harangues de la "Satyre
Ménippée"
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1984, N°36. pp. 111-128.
Citer ce document / Cite this document :
Cazauran Nicole. Polémique et comique dans trois harangues de la "Satyre Ménippée". In: Cahiers de l'Association
internationale des études francaises, 1984, N°36. pp. 111-128.
doi : 10.3406/caief.1984.1925
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1984_num_36_1_1925ET COMIQUE DANS POLEMIQUE
TROIS HARANGUES
DE LA SATYRE MENIPPEE
Communication de №* Nicole CAZAURAN
(E.N.S., Paris)
au XXXVe Congrès de l'Association, le 21 juillet 1983.
Dans - l'économie de cette journée vouée au pamphlet,
certains, m'a-t-on dit, se sont demandé s'il convenait de par
ler d'un texte explicitement intitulé Satire. Selon moi, c'est le
contraire qui eût été inconvenant. Certes, dès 1594, on prit
soin de justifier le titre. Mais le prétendu imprimeur qui s'en
chargea dans un « discours » préféra au sens latin de mél
ange, de « farce », l'étymologie fantaisiste qui évoquait les
Satyres du théâtre grec avec leur liberté de propos : à l'en
croire, la satire tient toute dans cette liberté, dans « l'esprit de
mesdisance » qui prétend attaquer « tout le monde impu
nément » (1). Pareil discours n'en montre pas moins qu'un
tel titre n'allait pas de soi pour les premiers lecteurs. Pour
eux, avant d'être « satire » et à défaut d'être « pamphlet »
puisque le mot n'existait pas encore, la Ménippée était à
coup sûr un « libelle » parmi tant d'autres, surgissant à son
(1) Voir l'édition de 1594, s. 1. (cote BN Lb36 450) : « Discours de
l'imprimeur sur l'explication du mot de Higuiero d'Infierno et d'autres
choses qu'il a apprises de l'auteur», p. 254-255 et La Satyre Ménippée,
éd. Ch. Read, Paris, Flammarion, 1892, p. 11-13. Sur les deux etymologies
de satire et leur fortune au XVI* siècle, voir J.W. Jolliffe, « Satyre :
Satura (...) — a study in confusion», B.H.R., 1956, p. 85-95. 1 12 NICOLE CAZAURAN
heure dans la multitude des textes polémiques qui se mêlaient
aux luttes armées et qui avaient en commun leur lien précis
avec l'actualité (2), la volonté d'agir sur l'opinion et un parti
pris clairement affirmé. Aujourd'hui, on peut dire d'emblée
que la Satyre Ménippêe est le plus célèbre pamphlet de notre
XVIe siècle.
Précisément parce qu'il s'agit d'un de ces textes écrits dans
l'instant et pour l'instant, il n'est pas facile à distance d'en
saisir exactement le relief. On se borne d'ordinaire, et depuis
longtemps, à noter la verve et l'éclat de l'ensemble : les chefs
de la Ligue et leurs partisans sont partout attaqués et tournés
en ridicule pour qu'Henri IV apparaisse sans conteste comme
le Roi légitime et bien digne de l'être. Mais à y regarder de
plus près, on verrait mieux la diversité, la subtilité de cette
alliance entre comique et polémique.
J'ai choisi de m'arrêter aux trois harangues du début : celles
du lieutenant-général, le duc de Mayenne, de l'archevêque de
Lyon, Pierre d'Epinac, et du recteur de l'Université de Paris,
Guillaume Rose. Pour mieux attaquer, chacune a sa rhétori
que propre, mais leurs auteurs — Rapin et Pithou, selon la
tradition — ont choisi d'user d'un même et très simple artifice.
Cet artifice, c'est de faire dire à l'orateur, tout crûment et
sans détour, ce qu'il aurait intérêt à cacher. La naïveté était
d'autant plus incongrue que le public de 1594 ne pouvait
ignorer les savantes intrigues, les habiles propos qui s'étaient
croisés pendant l'assemblée des Etats et dont nous trouvons
l'exact reflet dans les correspondances diplomatiques ou dans
les procès verbaux des séances. Ici, s'il arrive aux orateurs
de proclamer qu'ils parlent « avec vérité », qu'ils se confes
sent « librement », ce n'est pas pour conforter une belle appa
rence qu'ils entendraient se donner, c'est pour avouer ing
énument ce que jamais dans la réalité ils n'auraient avoué :
(2) Caractère propre du pamphlet : voir Y. Avril, « Le Pamphlet : essai
de définition et analyse de quelques-uns de ses procédés », Le Pamphlet,
Etudes littéraires XI, août 1978. POLÉMIQUE ET COMIQUE DANS LA SATYRE MÉNIPPÉE 113
« J'ay cent fois violé ma foy », dit le duc de Mayenne, et
l'archevêque de Lyon : « je (...) n'ay jamais fait grande
conscience (...) de coucher avec ma sœur » (3).
Le procédé n'était pas nouveau. Il pouvait, sur le théâtre,
faire le ressort de monologues comiques, tout comme il pou
vait dans les luttes politiques et religieuses servir contre un
adversaire bien réel. Il y avait longtemps qu'il avait sa place
dans les petits vers satiriques qui ont foisonné pendant les
guerres de religion, et notamment dans ceux qui visaient la
Ligue et ses instigateurs. En 1590, la « Confession générale
des principaux pilliers de l'Union » faisait ainsi se succéder
des aveux en forme de huitains et l'archevêque de Lyon y
disait déjà : « Je suis nay à l'inceste... » (4).
Mais dans la Ménippée, le jeu se complique, se prolonge,
et, au lieu que la raillerie et le rire provoqué soient pareill
ement fugitifs, ils s'y chargent d'agressivité et d'indignation.
L'auteur, ou plutôt celui qui tient ce rôle dans les premières
pages, annonce d'abord, sur le mode ironique, que son « som
maire » des Etats est « comme un élixir et quinte-essence
tirée et abstraicte non seulement des harangues mais aussi
des intentions et prétentions des principaux personnages qui
jouèrent sur cest eschaffaud » (5). L'opposition syntaxique,
avec son renchérissement, suffit à faire entendre qu'il y avait
loin des unes aux autres et pour que la parole traduise la pen
sée, il faudra l'alchimie de discours imaginaires qui auront
quasi l'ordonnance et l'ampleur des discours réellement tenus.
La scène politique va se peupler d'acteurs qui, au lieu de
(3) Les références renvoient à l'édition Read (voir note 1) et, entre
parenthèses, au texte de l'édition qu'il croit première et qu'il a suivie —
pas toujours exactement (B.N., Rés. Lb35 449 ; texte et orthographe ont
été vérifiés et, au besoin, rétablis d'après cet exemplaire) : p. 71 (f. 14 v°) ;
p. 128 (f. 30 v°) ; p. 82 (f. 18 r°) ; p. 129 (f. 30 v°).
(4) Confession « drôle et bien faite », dit PEstoile dans son Journal...
pour le règne de Henri IV en février 1590 (éd. R.L. Lefèvre, Paris, Gall
imard, 1948, t. I, p. 37) mais, malgré son annonce, il ne l'insère pas, et
le texte ne se trouve pas dans le recueil manuscrit des pièces qu'il a copiées.
Il est cité en note dans l'édition de 1677 de la Satyre Ménippée (Ratisbonne,
Kerner, p. 107) et, auparavant, dans diverses notes manuscrites (voir, par
exemple, datées de 1650 : B.N., ms. F. fr. 15536, f. 108 v°).
(5) P. 31-32 (f. 3 r°). NICOLE CAZAURAN 114
jouer masqués en protestant de leur concorde et de leur
dévouement au bien commun, jouent à visage découvert en
exposant sans fard leurs dissenssions et l'égoïsme de leurs
ambitions, faisant rire à leurs dépens par ce qu'ils disent eux-
mêmes, comme ils feraient dans une farce ou une comédie.
Seulement on ne laisse jamais oublier au lecteur qu'il n'est
pas au théâtre, et que le spectacle représenté est celui même
qui vient de se dérouler à Paris. Tirant parti du fait que les
personnages en cause ne sont pas fictifs, mais réels et connus
de tous, le texte se donne pour la traduction d'une vérité que
nul ne pourra mettre en doute. Peu importe que les histo
riens débattent de la fidélité des portraits ainsi dessinés et
prennent soin de les corriger : il suffisait à la polémique que
les contemporains ne puissent s'y tromper et retrouvent chacun
à sa place et dans son rôle, parlant un langage dont la naïve

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