Faut-il brûler la psychanalyse ( II )
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• En effet Florence • Parce que de même que les ouvrages de psychanalyse sont faits pour être lus, et non pas pour être entassés, empilés, arrangés, alignés dans des rayonnages de bibliothèque, nos idées sont faites pour être dites, publiées, discutées, proposées, sans quoi elles n’existent pas.
• Parce que internet est la circulation, le mouvement, et qu’il vaut mieux que nos idées soient vivantes que prises dans une gangue de silence.
• Parce que de même que l’action soutient la décision et la valide, j’écris (et je ne crois pas qu’il puisse en être autrement, ici, je suppose que le subjectif rejoint l’objectif, ou plutôt que le singulier de mon geste rejoint le collectif du geste d’écrire) et je ne peux écrire que dans un geste qui soit continu, qui ne s’arrête pas parce que les gestes du quotidien viennent s’entrecroiser avec lui. Seulement il y a un lieu naturel pour cela, qui est un espace où l’on est prié de laisser son nom au vestiaire et où la parole circule.
• Parce que la
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Langue Français

Extrait

Faut-il brûler la psychanalyse ?
Ne travaillant pas pour le nouvel observateur, je peux néanmoins intervenir différemment: bruler une psychanalyse alors que les gens ne savent pas se servir d'allumettes car ne savent pas de quoi ils parlent. Dans cet article paru à l'époque, je n'y ai aperçu que quelques traces de psychanalyse, le reste étant psychiatre, psychologue, autisme: quel est le rapport avec la psychanalyse ? Qu'ils soient psychiatres, psychologues, parents, se sont-ils allongés sur un divan et savent-ils de quoi ils parlent ?
Suivre Marie-therese
Marie-therese Milcent• En effet les journalistes se croient de plus en plus autorisés à parler de psychanalyse en utilisant des termes qui circulent sans en connaître ni le sens ni la portée. Le Pb est que le plus grand nombre y croit... parceque c'est "écrit"...
Suivre Florence
Florence Gaillard• Les gens ont du mal à se faire leur propre opinion, ils ne savent pas, ne connaissent pas.
Dans cet article il en va de la psychanalyse, mais pour le reste c'est le même procédé. Que vient faire la psychanalyse au milieu de psychologues, psychiatres: en gros, pourquoi met-on un divan au milieu d'une mer agitée ? J'ai commencé une psychanalyse, je suis allée me faire ma propre opinion: pas celle de ce que je vois d'écrit, pas celle de ce que j'entends, mais la mienne. Et pourtant: si j'avais écouté les langues qui ne s'informent pas, j'aurai du arrêter. Grand bien m'en a pris, j'ai continué, je continue, mais quand je lis des absurdités et que la majeur partie des gens vont croire qu'un bateau se déplace sur des rails et bien je crois qu'il serait temps qu'ils réagissent et ouvrent les yeux.
Suivre Elisabeth
Elisabeth Darchis• Bien d'accord. Parler sans connaitre... c'est du vent? de l'envie? de la peur? .... ou alors ce sont ceux qui n'ont pas résolu leur transfert qui attaquent la psychanalyse? Mon parcours psychanalytique et beaucoup d'analysés pourraient mieux en parler, que tous ces écrits qui méconnaissent la psychanalyse.
Suivre Florence
Florence Gaillard• Bonjour Elisabeth, alors parlons-en!!!!
En effet, il y a de la peur et l'autre coté de la peur, de l'envie. Sachant de quoi est faite la psychanalyse, et sachant que ce transfert est sans arrêt en action, tant que l'on n'a pas été du coté de l'inconscient, on pourrait dire que ces transferts ne sont pas résolus. Les gens parlent de la psychanalyse sans la connaitre ou rechercher de quoi elle est faite, mais tous les sujets sont également abordés sans connaissance préalable.
Les gens devraient plus aller se rendre compte par eux-mêmes et ils seraient juste agréablement surpris.
http://autourdeflorence.fr
Frans Tassigny• J'ai relayé cet article : " Pour ne plus avoir honte d’être « Psy » …Faut-il brûler la psychanalyse ?"http://fr.calameo.com/books/0013433887744c6433145, j'ai eu 23 lectures et 3 téléchargements. Si je l'ai couplé avec un autre c'est d'une part pour enrichir la faiblesse des "journalistes avec leurs titres ronflants" mais qui sont des coquilles vides et d'autre part pour faire (par la m^me occasion) connaître les commentaires de E.Roudinesco qui eux tiennent la route.
Suivre Françoise
Françoise Zannier• Les gros titres ça fait vendre… La presse grand public et dite d'information n'est pas vraiment une référence pour se faire une opinion sur la psychanalyse ou sur tout autre sujet. Il vaut mieux le savoir. En outre la psychanalyse n'est pas qu'une praxis, très loin de là. Autrement dit ce n'est pas parce que quelqu'un a fait une cure, qu'il (ou elle) connaît "la psychanalyse". Il (ou elle) connait tout au plus la manière de travailler de son psy et les effets sur lui (ou elle) du travail effectué.
Autrement dit, il faut surtout lire Freud et bien d'autres, étudier les théories et les écrits psychanalytiques (histoires de cas notamment) pour se faire une opinion. La théorie est essentielle en effet. Sans elle, tout le reste s'écroule comme un château de cartes. Il n'y a pas de pratique sans théorie. Pas d'action sans concepts pour diriger l'action.
En tout état de cause, le Nouvel Obs voulait sans doute évoquer la "chasse aux sorcières" à laquelle on assiste depuis quelque temps. Mais cela ne sert à rien car la psychanalyse n'est pas simplement un ensemble de théories et d'écoles. C'est une institution…
Je renvoie les lecteurs à 2 articles pour plus d'explications :
http://www.psychologue--paris.fr/actualites/du-scientisme-en-psychologie-et-psychanalyse-0 015.htm, d'une part et d'autre part,
http://www.psychologue--paris.fr/actualites/autisme-0010.htm
Bonne journée à toutes et à tous
Suivre Florence
Florence Gaillard• Bonjour Françoise,
Etudier, lire est un fait pour commencer et je dis bien, commencer à comprendre. Mais la psychanalyse est vécue et intégrée un minimum dans l'amplitude du patient, quand il est sur le divan: sans cure au préalable la psychanalyse ne peut être perçue.
Elle est une entité à elle entière et ne peut être parlée, expliquée, écrite que si on s'est allongé sur un divan: là, l'inconscient prend toute son ampleur.
Ensuite il y a ceux qui vont juste suivre une cure, une thérapie et la psychanalyse, il ne s'y intéresseront pas au delà, ne la liront pas, car ça n'est pas dans leur intérêt.
Et puis, il y a tout ceux et j'en rencontre beaucoup, sous prétexte de connaitre le nom de Freud, ou des mots comme transfert, inconscient et autres, sous prétexte d'avoir lu, savent ce qu'est la psychanalyse.
La psychanalyse disait Freud c'est aider à ce que le patient se comprenne, mais pour ça et pour savoir de quoi retourne la psychanalyse, il faut s'allonger sur un divan, sans quoi la lecture ne sert à rien.
http://autourdeflorence.fr
Suivre Françoise
Françoise Zannier• Bonjour Florence,
Je ne partage pas votre avis, ni celui de Freud en tous points. On apprend et on comprend beaucoup en lisant, non seulement sur la psychanalyse en général, mais aussi sur la pratique de la cure. On peut en effet aller bien au-delà d'une analyse personnelle ou d'une formation théorique et pratique dans une seule obédience psychanalytique, en étudiant plusieurs auteurs. On découvre notamment que l'auto-analyse qu'a pratiquée Freud à l'origine, a été par la suite développée et défendue par des analystes comme Karen Horney et d'autres. Autrement dit qu'il y a d'autres possibilités d'avoir une pratique psychanalytique, que celle consistant à aller s'allonger sur un divan. Autrement dit encore, que Freud ne craignait pas ses propres contradictions puisqu'il s'est
bien auto-analysé et non pas allongé sur un divan, avant de poser la cure princeps comme une exigence sine qua non. On apprend aussi que le précurseur de l'inconscient freudien, c'est Janet. Les idées subconscientes et le refoulement n'ont pas été découverts par Freud. Par conséquent vous ouvrez un vaste sujet, mais cela ne permet pas de trancher et chacun(e) peut avoir une opinion différente.
Bien à vous
Suivre Florence
Florence Gaillard• En effet que ce soit Janet, Breuer, Charcot,Fliess ou encore Ferenczi ils ont contribué au développement de la psychanalyse. Le sujet n'est pas si vaste que ça: la cure psychanalytique ne peut démarrer que lorsqu'il y a l'approche du refoulé et l'attache au médecin, soit le transfert. Autrement dit on ne peut parler de psychanalyse qu' à ce moment là.
Ensuite, surgit un autre problème: les soi-disants psychanalystes ou thérapeutes qui professent des thérapies à tendance "psychanalytiques" car ils ont lu et savent: problème car quand le transfert se produit, ne savent pas de quoi il s'agit.
Pour vous Françoise si vous trouvez un sens dans vos lectures, tant mieux. Mais cette traversée est simple: être allongée sur un divan, dire tout ce qui nous passe par la tête, chaque idée incidente. Le transfert est nécessaire car c'est le levier de la cure et c'est ce qui permettra de faire tomber nos résistances.
Sans mots, sans transfert, la psychanalyse n'est pas.
Suivre Françoise
Françoise Zannier• La psychanalyse ne se résume pas à la pratique de la cure et il est faux de dire qu'on ne peut parler de psychanalyse que lors de la cure. Encore une fois, l'essentiel ce n'est pas la pratique mais la théorie car il n'y a pas de pratique sans théorie.
La psychanalyse est un ensemble de théories avant d'être un ensemble de pratiques : Jung, Abraham, Klein, Searles, Bleger, Winnicott, Pankow, Horney, Lacan, Anzieu, Kaës,
....et tant d'autres, le sujet est très vaste. On ne peut pas bien connaître ni juger les pratiques sans connaître les théories.
Pour prendre un exemple, quand vous achetez un manteau par exemple, l'enfilez-vous et partez-vous avec sur le champ en vous disant que vous éprouverez sa qualité de manteau à l'usage, ou bien vous renseignez-vous sur ses qualités, origine, matière, prix etc… avant de l'acheter ? On ne peut pas séparer les choses des mots qui les expliquent et dire que seules les choses comptent, pas les mots. Les mots sont faits pour expliquer les choses, c'est cela qui est vrai et pas l'inverse.
C'est pourquoi pour se faire une idée de ce qu'est ou plutôt de ce que sont les théories et pratiques psychanalytiques, il n'y a pas mieux que les livres. Les livres sont des mémoires auxiliaires contenant l'ensemble des connaissances acquises dans une discipline. C'est pourquoi il y a bien plus de choses à découvrir dans des livres que dans la tête d'une ou de quelques personnes. C'est aussi pourquoi quand on fait de la recherche, on travaille beaucoup avec et dans les livres. On s'amuse d'ailleurs parfois à dire qu'il faut avoir tout lu du sujet dont on traite. Ce qui ne veut pas dire qu'on ne fait que cela, bien évidemment.
Ayant une formation de chercheur, j'ai étudié la psychanalyse dans le cadre de mon cursus et de ma thèse - et aussi au département de Psychanalyse de Jacques Lacan - preuve s'il en est que la connaissance de la psychanalyse, ça ne s'apprend ni ne se passe pas que sur le divan. Je vous rappelle aussi que le pôle clinique de la psychologie s'est construit en grande partie en référence à la psychanalyse. Or c'est bien d'un enseignement universitaire dont il s'agit et non pas de la cure. Les références psychanalytiques sont utilisées aussi bien en psychopathologie, que dans le test de Rorschach, les entretiens cliniques ou encore le psychodrame. Tout le paradigme du psychisme c'est à la psychanalyse qu'on le doit.
Par conséquent dire qu'il n'y a de psychanalyse que dans la cure, c'est vraiment faire erreur car cela ne recouvre au mieux qu'une vérité partielle.
Suivre Florence
Florence Gaillard• Je dirai que je suis une femme de terrain. Je n'ai pas de formation de chercheur, je cherche moi-même,je lis, je m'informe: je lis, apprends la psychanalyse et je suis sur un divan.
Oui les livres sont bien, mais ne me disent pas comment je vais ressentir les choses, un pays, un divan.
Je vois des reportages sur le monde entier, mais une fois dans le pays, ça n'a rien à voir et allongée sur un divan, je suis désolée mais les maux ne sont guère traduisibles, car il faut aller là où les livres ne vont pas, pour un jour pouvoir enfin comprendre et se comprendre.
Suivre Aloys
Aloys Ligault• Bonjour, Je crois que l'on peut distinguer d'une part la pratique psychanalytique 'clinique' qui certes s'appuie sur des recherches théoriques mais consiste essentiellement en une experience - et d'autre part une littérature d'inspiration psychanalytique (qui touche au domaine de la critique littéraire, artistique, ou aux 'cultural studies') qui certes s'inspire de concepts fondamentaux de la psychanalyse mais dont l'elaboration ne passe pas par une cure analytique. Il me semble que cette distinction pourrait resumer les termes du debat? Bien à vous, Aloys
Frans Tassigny• On appelle critique psychanalytique une recherche qui détient un savoir qui dévoile et articule le langage caché de l’inconscient et reconstruit l’oeuvre pour tendre vers une philosophie vécue et pratiquée qui n’est autre que la vie elle-même.
Suivre Florence
Florence Gaillard• Bonsoir Aloys, je dirai que le sens de la psychanalyse prend toute son ampleur lorsque l'on vit cette expérience: c'est un peu comme une recette de gâteau que l'on aurait sous les yeux, mais qu'au fond on ne savourerait ou pas, que lorsque celui-ci aurait été fait. Vivre ou traverser une psychanalyse est un tel feu d'artifice qui éclate dans tous les sens, que même en temps que psychanalysante, j'ai du mal à la mettre en mots, mais je m'y efforce car c'est une aventure tellement vertigineuse, qu'elle ne m'a pas laissée indifférente, mais ton résumé me convient bien.
Bonsoir Frans, c'est un résumé assez vrai, allez trouver et pratiquer enfin cette vie.
Frans Tassigny• En effet Florence · Parce que de même que les ouvrages de psychanalyse sont faits pour être lus, et non pas pour être entassés, empilés, arrangés, alignés dans des rayonnages de bibliothèque, nos idées sont faites pour être dites, publiées, discutées, proposées, sans quoi elles n’existent pas. · Parce que internet est la circulation, le mouvement, et qu’il vaut mieux que nos idées soient vivantes que prises dans une gangue de silence. · Parce que de même que l’action soutient la décision et la valide, j’écris (et je ne crois pas qu’il puisse en être autrement, ici, je suppose que le subjectif rejoint l’objectif, ou plutôt que le singulier de mon geste rejoint le collectif du geste d’écrire) et je ne peux écrire que dans un geste qui soit continu, qui ne s’arrête pas parce que les gestes du quotidien viennent s’entrecroiser avec lui. Seulement il y a un lieu naturel pour cela, qui est un espace où l’on est prié de laisser son nom au vestiaire et où la parole circule. · Parce que la dynamique de la publication soutient la dynamique de l’écriture, la confirme, la corrobore
AJOUT D
E LA R
Faut-il brûler la psychanalyse ?
EDACTION
Jacqueline de Linares, journaliste et coauteur avec Eric Aeschimann du dossier que publie le "Nouvel Obs" ce jeudi 19 avril, explique, dans la vidéo ci-dessous, pourquoi ce nouveau feu sur la psychanalyse.
Appel aux psychanalystes d'Elisabeth Roudinesco et Alain Badiou
La psychanalyste et le philosophe, coauteurs de "Jacques Lacan, passé présent" (Seuil), sonnent l’alarme: la psychanalyse s’est coupée de la société. Mais, plus que jamais, il faut défendre sa dimension libératrice.
A la fin de l'un ouvrage que vous avez écrit ensemble, vous lancez un appel pour sauver la psychanalyse. Que se passe-t-il de si grave?
Alain Badiou.La psychanalyse est, avec le darwinisme et le marxisme, l’une des révolutions majeures de notre temps. Dans les trois cas, il ne s’agit ni de sciences exactes, ni de croyances philosophiques ou religieuses, mais de "pensées": matérialistes, liées à des pratiques, elles ont changé notre vision du monde et subissent le même type de critiques. Les attaques contre la psychanalyse doivent être donc comprises dans le cadre d’une crise globale de l’intellectualité. Une crise qui, si l’on veut la résumer, se caractérise par la tentative de remplacer le "sujet" par l’individu. Qu’est-ce que le "sujet"? C’est l’être humain compris comme un réseau de capacités qui lui permettent de penser, créer, partager, agir collectivement, aller au-delà de ses singularités, ce qui est la condition de la liberté. Bien sûr, le sujet est porté par l’individu et ses singularités –un corps, une identité, une position sociale, des pulsions – mais ne s’y réduit pas. Etre sujet, c’est circuler entre la singularité et l’universalité, et c’est sur cet écart que la psychanalyse fonde son action: elle aide l’individu à devenir pleinement un sujet. En cela, c’est une discipline émancipatrice avant d’être thérapeutique.
Cette dimension est-elle vraiment menacée?
A. Badiou.Aujourd’hui, on nous dit qu’être un individu suffit largement. C’est le discours du libéralisme soi-disant démocratique et libéral, mais qui produit des individus malléables, soumis, enfermés, incapables d’actions communes: des individus privés de la capacité d’être sujet. Car le capitalisme n’a que faire des sujets: seul l’intéresse l’appétit animal des individus. Mais c’est aussi le discours de la neurologie, qui veut réduire l’individu à sa dimension neuronale. Se moquant des savants qui, au XIXe siècle, croyaient pouvoir déduire les caractères d’un individu de la forme du crâne, Hegel disait que, pour eux, "l’esprit est un os". Aujourd’hui, la neurologie dit: "L’homme est un gros sac de neurones." Ce n’est pas mieux! Nous avons affaire à un nouveau scientisme, asservi cette fois au déploiement du capital. Dans le champ du psychisme, seule la psychanalyse, je crois, est en mesure de nous en préserver. Mais –c’est là le deuxième volet de notre appel– je n’ai pas le sentiment que les psychanalystes, pris dans leurs querelles intestines, fassent ce qu’il faut pour se défendre. Ils doivent trouver le moyen de satisfaire la nouvelle demande qui leur est adressée sans céder à ce néo-positivisme. Ils sont immobiles, à eux de faire un pas en avant.
Elisabeth Roudinesco, vous qui défendez la psychanalyse depuis longtemps, comment en est-on arrivé là?
Elisabeth Roudinesco.D’abord, la psychanalyse, comme formation de psychopathologie, est enseignée dans les départements de psychologie, laquelle n’est pas prête à prendre en charge l’inconscient et n’a pas la culture liée à sa compréhension.
Dominée par les sciences médicales, la psychologie obéit à des évaluations qui n’ont rien à voir avec les sciences humaines. Autrefois, pour devenir psychanalyste, il fallait une formation clinique et une solide culture philosophique, historique et littéraire. En inscrivant la psychanalyse dans une logique de professionnalisation, on a détruit sa transmission comme pensée. Par ailleurs, il y a trente ans, l’essentiel des psychanalystes étaient psychiatres, et donc cliniciens de l’âme; aujourd’hui, ils sont psychologues. La psychiatrie s’est ralliée aux thérapies cognitivistes et comportementalistes (TCC) qui renvoient à une conception de l’homme réduit à ses neurones. Bien sûr, les pathologies peuvent avoir une dimension organique. Mais, même là, le médicament ne suffit pas: il faut aussi prendre en compte la part subjective du patient.
Quelle est la part de responsabilité des psychanalystes eux-mêmes?
E. Roudinesco.Ils ne produisent plus d’œuvre théorique. Leurs sociétés fonctionnent comme des corporations professionnelles. Condamner l’homoparentalité, la procréation assistée ou la toute-puissance des mères contre la fonction paternelle, c’est grave: les psychanalystes n’ont pas à s’instaurer en gendarmes de la bonne conduite au nom du complexe d’Œdipe. Ils font des diagnostics en direct dans les médias et ont abandonné la question politique: majoritairement, ils sont des esthètes sceptiques désengagés de la société. Surtout, ils prétendent soigner les souffrances sur un modèle ancien. Or, les pathologies ont changé. La psychanalyse est née de la névrose et de l’hystérie, deux symptômes propres aux sociétés marquées par la frustration sexuelle. Aujourd’hui, ce qui fait souffrir, c’est la relation à soi: on le voit avec l’importance accordée au narcissisme et aux perversions. Au temps de Freud, les patients étaient de grands bourgeois, qui avaient le temps et l’argent, ce que n’a pas le nouveau public, moins élitiste.
Comment s’adapter, alors?
E. Roudinesco.Le "pas en avant" dont parle Alain Badiou serait de se mettre à l’écoute de cette nouvelle demande. Je crois possible, dans le cadre de la psychanalyse, de mener des thérapies courtes avec des séances longues, comme le faisait Freud, et où l’on parle aux gens avec empathie. L’analyse classique serait réservée à ceux qui le veulent. Tout le monde n’a pas envie d’explorer le tréfonds de son inconscient. Nous ne sommes plus en 1900, la psychanalyse est passée dans la culture et les gens savent qu’ils ont un inconscient. Leur demande n’est plus de le découvrir, mais souvent de résoudre une situation concrète. La nouvelle génération de praticiens devra le faire, faute de quoi elle n’aura plus de patients. C’est à elle que nous nous adressons.[...]
Propos recueillis par Eric Aeschimann
http://tempsreel.nouvelobs.com/le-dossier-de-l-obs/20120418.OBS6476/faut-il-bruler-la-psyc hanalyse.html
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