Le pastiche dans l œuvre de Charles Nodier - article ; n°1 ; vol.12, pg 67-77
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1960 - Volume 12 - Numéro 1 - Pages 67-77
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1960
Nombre de lectures 50
Langue Français

Extrait

Professeur Albert Kies
Le pastiche dans l'œuvre de Charles Nodier
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1960, N°12. pp. 67-77.
Citer ce document / Cite this document :
Kies Albert. Le pastiche dans l'œuvre de Charles Nodier. In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises,
1960, N°12. pp. 67-77.
doi : 10.3406/caief.1960.2165
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1960_num_12_1_2165IMITATION ET PASTICHE
DANS L'ŒUVRE DE
CHARLES NODIER
Communication de M. Albert KIES
(Louvain)
au XV Congrès de l'Association, le 22 juillet 1959
Au chapitre XI des Questions de Littérature légale, à
propos de la traduction de Daphnis et Chloé par P.-L. Cour
ier, Nodier affirme qu'il est relativement facile de pasti
cher le style d'un écrivain. La raison en est, selon lui, que
« la forme du style est une espèce de mécanisme qui se
réduit à quelques moyens, entre lesquels les auteurs se
décident suivant leurs penchants et leurs facultés », alors
que « la conception d'un plan est le résultat d'une manière
expresse de sentir les rapports des choses », manière dont il
est « à peu près impossible de deviner le secret » (1). Dans
l'Histoire du Roi de Bohême et de ses sept châteaux, Nodier
prétend même que toute la littérature n'est qu'un pasti
che (2). En affirmant que rien de nouveau ne s'est dit
sous le soleil depuis qu'il y a des hommes, et qui écrivent,
Nodier plaidait en faveur de son œuvre. Ses écrits de jeu
nesse sont avant tout des exercices de style au cours des
quels il s'évertue, de son propre aveu, à imiter ses modèles.
Le manuscrit 13.014 de l'Arsenal renferme, entre au
tres, une Description d'une nuit orageuse dans le style des
anciens bardes, le Mariage d'un jaune, où l'imitation du
style classique se double d'une intention satirique, la Créat
ion, « narration sacrée » imitée d'Hésiode, une Patenôtre
(1) Paris, Crapelet, 1828, p. 91.
(2)Delangle, 1830, p. 23-27. 68 ALBERT KIES
de Gnide, imitation libre de l'oraison dominicale, et des
vers anacréontiques. La Description n'ajoute rien de bien
neuf à ce que nous savons de l'ossianisme de Nodier, fait
de thèmes et d'accessoires obligés : nuit, orages, montagnes,
éclairs, sapins, bruyères, fantômes, chênes, oiseaux funè
bres, hurlements des chiens et du vent. L'apprenti-pasti
cheur y mêle maladroitement quelques emprunts à l'anti
quité classique — dont une naïade qui fuit dans son antre
tapissé de mousse — à de nombreux détails qui nous rap
pellent que Nodier, à cette époque, s'occupait surtout d'his
toire naturelle et qu'il devait entrer en littérature en 1798
avec une Dissertation sur l'usage de l'antenne dans les
insectes.
Lorsque paraîtront, en 1804, Les Essais d'un jeune
Barde (3), le jeune écrivain n'a pas renoncé à se recom
mander de ses modèles. Nous y trouvons un Chant funèbre
au tombeau d'un chef Scandinave, la traduction en vers et
en prose de la première partie du Cantique des Cantiques, la
Violette de Gœthe, des Pensées de Shakespeare, le Sui
cide et les pèlerins « imitation de l'allemand ». Deux ans
après paraissent les Tristes (4). Le recueil renferme une
nouvelle Werthérie qui ne cherche ni ne réussit à faire
oublier l'ancienne, Ophelia, « traduction d'une complainte
anglaise », le Jugement dernier de Schiller et Les Méditat
ions du Cloître, qui sont une copie de Chateaubriand.
Dans le "Parnasse du Jour de 1802 (5), Nodier avait
jugé Chateaubriand sans indulgence. C'est vers la même
époque sans doute qu'il entreprit une parodie d'Atala dont
un fragment nous est conservé (6). Nodier s'y est plu à
accentuer ce qu'il avait appelé le style « hébraïque » et
« sauvage » d'Atala. Sa parodie consiste surtout à mêler
des comparaisons bibliques à quelques noms exotiques et
(3) Paris, Cavanagh ; Besançon, Déis, an XII.
(4)Demonville, 1806.
(5) Cité par J. Larat, Tradition et exotisme dans l'œuvre de Charles
Nodier, Paris, Champion, 1923, p. 345.
(6) Ms. Besançon 1417, (f. 93-95) publié, avec quelques erreurs de copie,
par Larat, o.c, p. 345-347. ALBERT KIES 69
à truffer le tout d'airs empruntés à des chansons à la mode :
Chactas a d'assez beaux yeux, ne serait point volage,
Chactas a l'esprit joyeux :
Nous ferions un très bon ménage.
J'aime Chactas avec ardeur,
Chactas est maître de mon cœur,
Mais, hélas ! Chactas entre nous,
Ne sera jamais mon époux.
Après avoir parodié Atala et condamné son auteur,
Nodier en vint à éprouver pour Chateaubriand une admir
ation des plus vives qui éclata, dès 1806, dans la préface
des Tristes. Mais Nodier fit mieux qu'exalter le « triste et
sublime René ». Dans les Méditations du Cloître (7), il
s'inspire du Génie du Christianisme dont il épouse les idées
et dont il imite curieusement le style.
Le nom de Chateaubriand figurera avec beaucoup d'au
tres — ceux de Bernardin de Saint-Pierre, de Ballanche,
de Sénancour, de Benjamin Constant, pour ne citer que les
plus célèbres — dans les Prolégomènes des Apothéoses
de Pythagore, publiées en 1808 (8). Nodier y pastichait —
mais ne faudrait-il pas parler de plagiat ? — une œuvre peu
connue d'un écrivain fort oublié : Sylvain Maréchal.
Sylvain Maréchal avait raconté en six volumes les voya
ges de Pythagore (9), influencé d'ailleurs par les Voyages
du Jeune Anach arsis de l'abbé Barthélémy. Le tome VI
comprenait les lois de Pythagore, réparties en 3.506 arti
cles. En 1800, Maréchal publiait une Histoire universelle
en style lapidaire (10). Dans sa préface, il prétend qu'il
faut ramener l'histoire au point d'où elle est partie en réta
blissant le style lapidaire « et qu'un espace donné oblige
enfin à une parcimonie de mots qui fera ressortir les cho-
(7) Les Tristes, o.c, p. 85-104.
(8) Un vol. in-4° de LXII p., tiré à 17 exemplaires.
(9) Paris, Deterville, an VII. 6 vol. in-8°.
(10)Impr. de Crapelet, 1800, in-8° de 20-CLXXXVII p. 70 ALBERT KIES
ses » (11). Maréchal continuait en affirmant que le style
lapidaire tient le milieu entre la poésie et la prose et que
chaque ligne d'une page écrite dans ce genre doit former
un sens complet (12). Suivaient, encadrées d'un triple filet
et composées en majuscules, des sentences de ce genre :
Et vous artistes
Imitez Protogènes
II ne voulut point
Souiller son pinceau
En reproduisant les scènes sanglantes
De la vie d'Alexandre (13).
Nodier appliqua aux lois de Pythagore les procédés
stylistiques de l'Histoire universelle en style lapidaire. Telle
« loi de Pythagore » :
Crotoniates ! conservez la mémoire de Charilaus, roi de
Sparte, pour vous garder de choisir des magistrats qui lui re
ssemblent : il n'avait pas le courage d'être méchant avec les mé
chants (14).
devient chez Nodier :
Crotoniates
Gardez-vous des magistrats
Tels que Charilaus
Roi de Sparte
II ne fut pas méchant avec les méchants (15).
A la fin de l'année 1811, Nodier annonce assez mysté
rieusement à son ami Weiss l'envoi d'une « page inédite
du nouveau manuscrit de La Bruyère ou bien un pastiche
(11) Préface, p. 1.
(12) Ibid., p. 12.
(13)p. XLIII.
(14) Voyages, o.c., p. 66-67.
(15) Apothéoses, o.c, p. LV. ALBERT KIES 71
de M. de Milon qui prétend avoir découvert ce manuscrit
parmi beaucoup d'autres » (16). Il ajoute :
« J'ai à ton service, dans le même genre, des vers de La Fon
taine qu'il a bien voulu me communiquer pour mon édition et
dont je n'ai pas fait usage, soit parce qu'ils n'avaient pas de
rapport au genre de la fable, soit que j'ai pu douter de
leur authenticité. Je te prie de ne rien avancer de ce doute en
imprimant le passage que je t'adresse.
Nodier, on le sait, achève vers cette époque une édition des
Fables de La Fontaine, avec un nouveau commentaire li
ttéraire et grammatical, à laquelle il travaille assidûment
et qui ne paraîtra qu'en 1818. Weiss ayant cru deviner qui
était l'auteur de ces pastiches, Nodier jugea bon de le
d

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