Penthésilée (Banville)
2 pages
Français

Penthésilée (Banville)

-

Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres
2 pages
Français
Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres

Description

Théodore de Banville — Les ExilésPenthésiléeQuand son âme se fut tristement exhaléePar la blessure ouverte, et quand Penthésilée,Une dernière fois se tournant vers les cieux,Eut fermé pour jamais ses yeux audacieux,Des guerriers, soutenant son front pâle et ...

Informations

Publié par
Nombre de lectures 86
Langue Français

Extrait

Théodore de BanvilleLes Exilés Penthésilée
Quand son âme se fut tristement exhalée Par la blessure ouverte, et quand Penthésilée, Une dernière fois se tournant vers les cieux, Eut fermé pour jamais ses yeux audacieux, Des guerriers, soutenant son front pâle et tranquille, L'apportèrent alors sous les tentes d'Achille. On détacha son casque au panache mouvant Qui tout à l'heure encor frissonnait sous le vent, Et puis on dénoua la cuirasse et l'armure, Et, comme on voit le cœur d'une grenade mûre, La blessure apparut, dans la blanche pâleur De son sein délicat et fier comme une fleur. La haine et la fureur crispaient encor sa bouche, Et sur ses bras hardis, comme un fleuve farouche Se précipite avec d'indomptables élans, Tombaient ses noirs cheveux, hérissés et sanglants. Le divin meurtrier regarda sa victime. Et, tout à coup sentant dans son cœur magnanime
Une douleur amère, il admira longtemps Cette guerrière morte aux beaux cheveux flottants Dont nul époux n'avait mérité les caresses, Et sa beauté pareille à celle des Déesses. Puis il pleura. Longtemps, au bruit de ses sanglots, Ses larmes de ses yeux brûlants en larges flots Ruisselèrent, et, comme un lys pur qui frissonne, Il baignait de ses pleurs le front de l'amazone. Tous ceux qui sur leurs nefs, jeunes et pleins de jours, Pour abattre Ilios environné de tours L'avaient accompagné, fendant la mer stérile, Frémissaient dans leurs cœurs, à voir pleurer Achille. Mais seul Thersite, louche et boiteux et tortu Et chauve, et n'ayant plus sur son crâne pointu Que des cheveux épars comme des herbes folles, Outragea le héros par ces dures paroles : Cette femme a tué les meilleurs de nos chefs, Dit-il, puis les ayant chassés jusqu'à leurs nefs, Envoya chez Aidès, les perçant de ses flèches, Des Achéens nombreux comme des feuilles sèches Que le vent enveloppe en son tourbillon fou ; Toi cependant, chacun le voit, cœur lâche et mou, Qui te plains et gémis comme le cerf qui brame, Tu pleures cette femme avec des pleurs de femme ! À ces mots, regardant le railleur insensé, Achille s'éveilla, comme un lion blessé Sur le sable sanglant qu'un vent brûlant balaie, Dont un insecte affreux vient tourmenter la plaie,
Et, voyant près de lui ce bouffon sans vertu, Il le frappa du poing sur son crâne pointu. Thersite expira. Car le poing fermé d'Achille Avait fait cent morceaux de son crâne débile, De même que l'argile informe cuite au four Est fracassée avec un grand bruit à l'entour, Alors que le potier, justement pris de rage Et fâché d'avoir mal réussi son ouvrage, En se ruant dessus brise un vase tout neuf. Il tomba lourdement, assommé comme un bœuf, Et, regardant encor la guerrière sans armes, Achille aux pieds légers versait toujours des larmes.
12 octobre 1872.
  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents