La géographie des langues - article ; n°215 ; vol.38, pg 427-438
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Description

Annales de Géographie - Année 1929 - Volume 38 - Numéro 215 - Pages 427-438
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1929
Nombre de lectures 47
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Albert Demangeon
La géographie des langues
In: Annales de Géographie. 1929, t. 38, n°215. pp. 427-438.
Citer ce document / Cite this document :
Demangeon Albert. La géographie des langues. In: Annales de Géographie. 1929, t. 38, n°215. pp. 427-438.
doi : 10.3406/geo.1929.9889
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/geo_0003-4010_1929_num_38_215_9889427
LA GÉOGRAPHIE DES LANGUES
Si les conditions naturelles exercent leur puissante influence sur
les modes de groupement des hommes, certaines propriétés de l'intell
igence humaine, comme le langage, agissent d'une manière aussi forte
et aussi directe pour déterminer la forme et la vie de ces groupes. Instru
ment des relations entre les hommes, le langage leur fournit un prin
cipe d'association ; les hommes ont tendance à s'assembler selon leurs
affinités de langage, et souvent aussi, quand ils sont déjà groupés, à
se servir de la même langue.
Aussi loin qu'on remonte dans le passé, on voit que la vie des
langues nous donne une image de la répartition géographique des
groupes humains, de leurs déplacements, de leurs migrations. Essen
tiellement mobiles, les hommes transplantent avec eux leur langage
et l'enracinent ailleurs. Bien des mots, survivances de langues dispa
rues, nous instruisent sur d'anciens mouvements humains. L'exten
sion des langues peut nous donner la mesure de la puissance d'expandes peuples qui les parlent. La communauté de- langue crée entre
les hommes un lien étroit : elle est presque toujours à la base d'une
nationalité. Cette notion de nationalité aboutit, chez ceux qui en ont
conscience, à la volonté de s'unir dans les mêmes cadres politiques et
à s'y organiser : elle est le germe de beaucoup d'États. Malheureuse
ment, quand les langues sont nombreuses dans un pays, le morcelle
ment linguistique donne une multiplicité de petits États : cet émiette- politique brise toute tendance aux relations générales. L'isol
ement politique, conséquence de l'isolement linguistique, risque d'en
traîner l'isolement économique.
La géographie des langues apparaît comme une science néces
saire à l'étude des groupements humains, c'est-à-dire de la géographie
humaine. Dans cette étude, c'est le linguiste qui doit d'abord guider le
géographe. Or jamais, peut-être, école linguistique ne s'est montrée
moins confinée dans ses horizons, plus ouverte et plus universelle d'es
prit que l'école française, dont Mr Meillet est l'un des maîtres. C'est son
livre remarquable sur Les Langues dans V Europe nouvelle qui nous a
inspiré ces lignes et fourni les faits démonstratifs. En outre, c'est au
travail inestimable de Mr Tesnière, formant appendice à l'ouvrage
de Mr Meillet, travail fondé sur une énorme documentation et sur une
critique impeccable, que nous avons emprunté toute la matière, imposs
ible à trouver ailleurs, d'une statistique des langues de l'Europe1.
1 . A. Meillet, Les langues dans V Europe nouvelle, avec un appendice de L. Tesnière,
sur la Statistique des de l'Europe, une carte en couleurs, Paris, Payot, 1928, in-8°,
xii + 495 p. Prix, 60 fr. 428 ANNALES DE GÉOORAPHIE
I. — Les langues et les groupements humains
Les langues, indices d'anciennes civilisations. — Dans les langues
actuelles de l'Europe, on remarque des mots qui ne s'expliquent par
aucune langue connue. Ce sont des témoins de langues disparues, nous
révélant ainsi d'antiques civilisations, d'antiques groupements
d'hommes, qu'aucun autre indice ne nous indiquerait. Les noms de
Seine, de Loire et de Garonne appartiennent à une langue autrefois
parlée dans le pays avant l'introduction des langues indo-euro
péennes. Il y a même, dans l'Ouest des Pyrénées, un groupe d'hommes
qui parlent le basque, langue qui, par sa structure, diffère profondé
ment des langues indo-européennes et qui semble apparentée à la
langue des anciens Ibères. « La grammaire basque est compliquée, et
on l'a souvent comparée à celle des anciennes langues américaines,
mais sans que ceci implique un commencement de preuve de pa
renté1.»
Les langues actuellement parlées en Europe appartiennent,
presque toutes, à un même groupe linguistique ; elles proviennent
des transformations d'une même langue, dite indo-européenne,
inconnue parce qu'il n'en reste aucune trace écrite, parlée à l'époque
préhistorique depuis l'Atlantique jusqu'à l'Inde et depuis la Scan
dinavie jusqu'à la Méditerranée. Nous savons qu'un idiome de ce
groupe était parlé en Cappadoce vers le milieu du second millénaire
avant Jésus-Christ, et que la nation celtique, parlant elle aussi une
langue indo-européenne, dominait dans l'Europe occidentale vers
le milieu du premier millénaire avant Jésus-Christ. Ces faits per
mettent d'affirmer l'existence d'une antique civilisation apportée en
Asie antérieure et en Europe par des populations dont nous ne savons
rien, si ce n'est qu'elles parlaient une même langue. « II s'est agi pro
bablement de chefs et d'aventuriers qui sont allés organiser à leur
manière toute l'Europe et une partie de l'Asie.... Il n'y a pas lieu de
croire que, à l'époque préhistorique où elles avaient une langue com
mune, les populations de langue indo-européenne aient eu un gouver
nement commun. L'ancienne unité linguistique indo-européenne
reposait sur une unité de civilisation, non sur une unité politique2. »
La langue peut être considérée comme le critérium d'une commun
auté de civilisation, comme le principe générateur de certains grou
pements humains. Il n'en est pas de même de la race, notion qui se
définit par des traits physiques, mais compliquée et embrouillée par
la multitude des croisements au cours des siècles. On ne connaît pas de
race pure à l'époque actuelle. On ne peut pas établir un lien nécessaire
1. A. Meillet, p. 9.
2. A. MEII.LBT, p. 10-16, 60, 84. GÉOGRAPHIE DES LANGUES 429 LA
entre la parenté de race et la parenté de civilisation/ L'anglais est
parlé par un groupe d'hommes où se mélangent des éléments franco-
normands, Scandinaves, germaniques, celtiques et anticeltiques. De
même, rien n'est moins homogène que la population française. « Les
.types caractéristiques de l'Europe, le type dolichocéphale blond, le
type alpin, le type méditerranéen ne sont nullement bornée par les
limites qui séparent les types linguistiques... Jamais en Europe des
différences de race n'ont été un obstacle & l'unité parfaite de langue.
Presque tous les peuples d'Europe ont changé de langue une ,pu plu
sieurs fois ; tous se sont montrés capables d'apprendre les langues les
uns des autres1. »
L'extension des langues, mesure de la puissance d'expansion des
peuples. — Les langues fournissent des instruments de relations d'au
tant plus efficaces et puissants qu'elles sont mieux construites et que,
par leur structure même, elles expriment plus de notions communes à
un grand nombre d'hommes. Quand elles s'écrivent, elles se fixent, et
quand elles sont ainsi fixées, elles offrent solidité et sécurité ; elles sont
comme des monnaies de bon aloi qui circulent au loin, assurant des
échanges étendus. Il y a ainsi des langues de grand prestige, de meil
leur métal que d'autres, capables d'extensions et de conquêtes,- con
férant une force particulière aux groupes humains qui les parlent.
« Ainsi, malgré la domination des Francs, le germanique n'a pas pré
valu sur le latin en Gaule parce que le latin était la langue d'une civi
lisation plus avancée.... Le commerce, qui ne confère pas de prestige,
est un moyen faible d'expansion des tangues. Le phénicien ne s'est
pas répandu comme le grec parce qu'il n'a pas été, comme le grec, le
porteur d'une civilisation originale*. »
C'est comme véhicule de la civilisation romaine que le latin a
triomphé des autres langues de l'Italie, puis des autres langues des
pays de la Méditerranée. Il a progressé, soutenu par les colonies et par
les routes romaines, défendu aussi par sa valeur propre. « Pour s'éten
dre, il faut qu'une langue serve d'organe à une civilisation supérieur

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