Concurrence entre assureurs, entre prestataires et monopole naturel
16 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Concurrence entre assureurs, entre prestataires et monopole naturel

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
16 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

L'étude des systèmes de santé des pays ayant fait une large place à la concurrence sur la fonction d'assurance-maladie (Singapour, Chili, voire États-Unis) suggère qu'une telle approche recèle un risque important d'inéquité. En revanche, les expériences de managed care aux États-Unis et de fundholding au Royaume-Uni montrent qu'il est possible de rationaliser l'offre de soins sans nécessairement dégrader la qualité des prestations. Est-il concevable d'améliorer l'efficacité du processus de production des soins via l'introduction de mécanismes concurrentiels, sans renoncer à un financement socialisé des dépenses ? L'Allemagne et les Pays-Bas tentent actuellement d'emprunter cette voie. Les expériences qui semblent les plus efficaces reposent sur un régulateur aux compétences multiples : il lui revient de garantir la qualité des prestations, par l'élaboration de critères standardisés et de veiller à ce que les profits réalisés par les agents en concurrence, assureurs ou groupements médicaux, résultent d'une rationalisation du processus productif et non de phénomènes d'autosélection des patients selon leur niveau de risque. Éviter cet écueil exige une réflexion profonde quant au niveau de la couverture que peuvent ou doivent garantir les agents, et au mode de rémunération des agents en concurrence. Dans le cas des expériences américaine et britannique, impliquer fortement les médecins dans la gestion du risque s'est avéré efficace, même si cette gestion suppose des compétences supplémentaires, notamment en matière de traitement de l'information.

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 30
Langue Français

Extrait

SANTÉ
Concurrence entre assureurs,
entre prestataires
et monopole naturel
Une revue des expériences étrangères en
matière de santé
Agnès L’étude des systèmes de santé des pays ayant fait une large place à la concurrence
Bocognano, sur la fonction d’assurance-maladie (Singapour, Chili, voire États-Unis) suggère
qu’une telle approche recèle un risque important d’inéquité. En revanche, lesAgnès
expériences de managed care aux États-Unis et de fundholding au Royaume-UniCouffinhal,
montrent qu’il est possible de rationaliser l’offre de soins sans nécessairementMichel
dégrader la qualité des prestations. Est-il concevable d’améliorer l’efficacitéGrignon,
du processus de production des soins via l’introduction de mécanismesRonan Mahieu
concurrentiels, sans renoncer à un financement socialisé des dépenses ?et Dominique
L’Allemagne et les Pays-Bas tentent actuellement d’emprunter cette voie.Polton*
La comparaison de ces diverses expériences montre la nécessité de l’émergence
d’un régulateur aux compétences multiples : il lui revient de garantir la qualité
des prestations, par l’élaboration de critères standardisés et de veiller à ce que
les profits réalisés par les agents en concurrence, assureurs ou groupements
médicaux, résultent d’une rationalisation du processus productif et non de
phénomènes de sélection des patients selon leur niveau de risque. Éviter
cet écueil exige une réflexion profonde quant au niveau de la couverture que
peuvent ou doivent garantir les agents, et quant au mode de rémunération
* Agnès Bocognano, des agents en concurrence. Enfin, au vu des convergences entre les systèmes
Agnès Couffinhal, Michel
Grignon et Dominique américain et britannique, il semble souhaitable d’impliquer fortement les
Polton appartiennent au
médecins dans la gestion du risque, même si cette gestion suppose des compétencesCredes et Ronan Mahieu
à l’Insee. supplémentaires, notamment en matière de traitement de l’information.
ans de nombreux pays développés, les dépen- dépenses de santé est significativement supérieur à
Dses de santé croissent à un rythme supérieur à celui du PIB sur longue période, même si l’écart
celui du PIB, accréditant l’hypothèse que la santé tend à diminuer : de 3,1 points dans les années 60, il
serait un bien supérieur (Newhouse, 1977). En est, en moyenne, de 1,5 point sur la période
France, elles sont passées, entre 1970 et 1997, de 1990-1997 (OCDE, 1998).
Les noms et dates entre 5,8 % du PIB à 9,9 %. Sur le groupe de pays
parenthèses renvoient à – Allemagne, États-Unis, France, Pays-Bas et Outre l’effet-richesse, plusieurs facteurs sont sus-la bibliographie en fin
Royaume-Uni –, le taux de croissance annuel des ceptibles d’expliquer cette tendance. Tout d’abord,d’article.
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 328, 1999-8 21grâce aux gains importants d’espérance de vie réa de continuité) et sur les coûts (actes redondants).-
lisés ces dernières décennies, la population vieillit. De plus, le caractère incertain de la maladie, et de
Toutefois, cet argument demeure controversé : si son traitement, et les asymétries d’information – en
les années d’espérance de vie gagnées sont des faveur de l’assuré (aléa moral) ou en faveur des
années de vie en bonne santé, rien ne dit qu’une producteurs (rentes informationnelles) – peuvent
population vieillissante soit plus consommatrice de engendrer des comportements opportunistes de la
soins. Les spécificités du progrès technique dans le part de certains acteurs.
domaine de la santé sont également invoquées.
Bien souvent, les avancées technologiques en Les évolutions récentes du système de santé améri-
matière médicale conduisent davantage à une prise cain confirment l’existence simultanée de gains
en charge de pathologies qui, auparavant, n’étaient potentiels en matière d’organisation des soins et
pas traitées, qu’à des économies de facteurs d’une tendance à la croissance des dépenses. Les
(Weisbrod, 1991). Le volume des soins dispensés organismes de managed care ont obtenu des résul-
tend alors à s’accroître . Certes, la généralisation de tats ponctuels, parfois considérables, en termes de
la vaccination, en diminuant la prévalence de réduction des coûts (cf. infra). Par un fort effet de
pathologies particulièrement coûteuses et endémi structure, l’extension progressive de leurs métho- -
ques comme la tuberculose, a eu un effet modéra des à l’ensemble du système de santé américain a-
teur sur les dépenses. A contrario, l’utilisation de permis de stabiliser, dans un contexte de croissance
techniques de plus en plus pointues (imagerie économique forte, la part des dépenses de santé
médicale, etc.) pour soigner des pathologies graves dans le PIB entre 1993 et 1997. Ce constat montre-
(cancers, sida) a un impact d’autant plus inflation rait que les assureurs seraient parvenus à expro- -
niste que ces nouveaux traitements coûteux prier les offreurs de soins de leurs rentes.
accroissent la probabilité de survie du malade, sans Cependant, aujourd’hui, une fois ces gains ponc-
forcément le mener à la guérison. tuels obtenus, de nombreuses compagnies d’assu-
rance-santé ont des difficultés financières, ce qui
illustre leur relative incapacité à enrayer la crois-
Une croissance inéluctable sance des dépenses. Cette dernière est tirée par le
des dépenses de santé développement de technologies coûteuses et par la
volonté des assurés d’en profiter, même lorsqu’ils
Ces facteurs laissent présager, sur le long terme, sont financièrement incités à modérer leur consom-
une croissance inévitable de la part des dépenses de mation.
santé dans la richesse. Cependant, les différences
de ce taux de croissance entre les pays (du simple
au double entre l’Angleterre et les États-Unis) ne
Graphiquepeuvent s’expliquer par les écarts, en termes de
Dépenses de santédéveloppement économique, de rythme de vieillis-
sement et de diffusion du progrès technique
(cf. graphique).
En % du PIB
16On ne cherche pas à porter un jugement normatif
quant au niveau optimal, en termes d’efficacité États-Unis
14allocative, des dépenses de santé. Les très fortes
différences en niveau peuvent résulter de préféren-
12ces collectives plus ou moins affirmées pour la
santé par rapport à d’autres consommations dont le
10financement est partiellement socialisé : éducation,
logement, etc. On fera cependant l’hypothèse, Allemagne
8 Pays-Basqu’au-delà de ces préférences, les modes d’organi-
sation des systèmes de santé, tant du point de vue
France
6de la production des soins que de l’assurance des
Royaume-Uni
patients, concourent à la forte variabilité de la part
4des dépenses de santé dans la richesse.
2Les systèmes de soins juxtaposent des types de
1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995producteurs différents (médecine ambulatoire ou
hospitalière, générale ou spécialisée) sans forcé-
ment assurer une bonne coordination des actes, ce
qui pèse à la fois sur la qualité des soins (manque Source : Écosanté-OCDE.
22 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 328, 1999-8En France, les instruments utilisés pour maîtriser thérapeutiques modernes) qu’humain (capacité à
les dépenses de santé semblent insuffisants, voire prendre en compte les besoins individualisés des
peu efficaces (Mougeot, 1998). On s’intéresse de malades). En effet, l’efficacité productive peut être
plus en plus à des modes alternatifs d’organisation acquise au prix d’une qualité globalement insuffi-
des soins, comme les réseaux et filières préconisés sante ;
par les ordonnances de juin 1996, ou de l’assu-
rance-maladie. En particulier, les formules de mise - enfin, l’équité dans l’accès aux soins, point sans
en concurrence sont souvent présentées comme doute le plus délicat à garantir dans une logique
une solution alternative, si les réseaux de soins, d’efficacité productive. Équité s’entend ici comme
dans

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents