Parcours de précarité et couverture sociale - article ; n°2 ; vol.3, pg 125-136
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Santé, Société et Solidarité - Année 2004 - Volume 3 - Numéro 2 - Pages 125-136
Today, in France, 10 percent of the population are living below the poverty line. In 20 years, social inequalities have increased in all spheres of life and have intensified in the areas of employment and work. The principles of social protection based on occupational income are making it necessary for an increasingly greater mass of people to rely on welfare mechanisms because they have been deprived of paid employment on a long-term basis and are no longer covered for social risks. These processes of switching over from a situation of rights accessible through work to a situation of welfare certainly affect the health coverage and the deterioration of physical and mental health. The latter is even often due to the working conditions previous to the job termination. Thus, an analysis of health conditions can enhance our understanding of a number of precarization processes. In 2002, a sociological survey of welfare recipients in poor health was conducted in the Somme département. Based on a case study, this article examines a number of processes of construction of medical unemployability, from paid employment to the different paths leading to welfare and, based on its uses, the mechanisms of managing disability either through the special industrial accidents/ occupational disease (IA/ OD) plan or by meeting the conditions for recognition as a disabled worker by the Commission technique d’orientation et de reclassement professionnel (Cotorep, technical commission of orientation and occupational reclassification).
Aujourd’hui, en France, 10% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. En vingt ans, les inégalités sociales se sont accrues dans tous les domaines de la vie et se sont renforcées aux marges de l’emploi et du travail. Les logiques de protection sociale assises sur le revenu professionnel refluent vers les dispositifs d’assistance une masse de plus en plus importante de gens privés durablement d’un emploi salarié et dont la couverture des risques sociaux n’est plus assurée. Ces processus de basculement d’une situation de droits ouverts par le travail à une situation d’assistance ne sont pas sans conséquence sur la couverture santé et la dégradation de la santé physique et mentale. Souvent même, celle-ci trouve sa source dans les conditions de travail antérieures à la rupture d’emploi. L’analyse des conditions de santé peut ainsi permettre de comprendre certains processus de précarisation. En 2002, une enquête sociologique a été menée dans le département de la Somme, auprès de bénéficiaires de minima sociaux en mauvaise santé. S’appuyant sur une étude de cas, l’article se propose d’examiner certains processus de construction de l’inaptitude professionnelle médicale, du travail salarié aux filières empruntées de l’assistance et, selon les usages qui sont faits, des dispositifs de prise en charge de l’invalidité, soit dans le régime spécial des accidents du travail/ maladie professionnelle (AT/ MP), soit au titre d’une reconnaissance de travailleur handicapé dont les conditions d’affiliation relèvent de la Commission technique d’orientation et de reclassement professionnel (Cotorep).
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Publié le 01 janvier 2004
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Langue Français

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P R O C E S S U S D E P R É C A R I S A T I O N
dossierInégalités sociales de santé
Parcours de précarité et couverture sociale
Nathalie FrigulFRANCE Sociologue au Centre de recherche sur les enjeux contemporains en santé publique (CRESP), Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), Université Paris 13
Aujourd’hui, en France, Résumé 10 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. En vingt ans, les inégalités sociales se sont accrues dans tous les domaines de la vie et se sont renfor-cées aux marges de l’emploi et du travail. Les logiques de protection sociale assises sur le revenu professionnel refluent vers les dispositifs d’assistance une masse de plus en plus importante de gens privés durablement d’un emploi salarié et dont la couverture des risques sociaux n’est plus assurée. Ces pro-cessus de basculement d’une situation de droits ouverts par le travail à une situation d’assistance ne sont pas sans conséquence sur la couverture santé et la dégradation de la santé physique et mentale. Souvent même, celle-ci trouve sa source dans les conditions de travail antérieures à la rupture d’emploi. L’analyse des conditions de santé peut ainsi permettre de comprendre cer-tains processus de précarisation. En 2002, une enquête sociologique a été menée dans le département de la Somme, auprès de bénéficiaires de minima sociaux en mau-vaise santé. S’appuyant sur une étude de cas, l’article se propose d’examiner certains processus de construction de l’inaptitude professionnelle médicale, du travail salarié aux filières empruntées de l’assistance et, selon les usages qui sont faits, des dispositifs de prise en charge de l’invalidité, soit dans le régime spécial des accidents du travail/ maladie professionnelle (AT/MP), soit au titre d’une reconnaissance de travailleur handi-capé dont les conditions d’affiliation relèvent de la Commission technique d’orientation et de reclassement professionnel (Cotorep).
Today, in France, 10 per-Abstract cent of the population are living below the poverty line. In 20 years, social inequalities have increased in all spheres of life and have intensified in the areas of employment and work. The principles of social protection based on occupational income are making it necessary for an increasingly greater mass of people to rely on welfare mechanisms because they have been deprived of paid employment on a long-term basis and are no longer covered for social risks. These proces-ses of switching over from a situation of rights accessible through work to a situation of wel-fare certainly affect the health coverage and the deterioration of physical and mental health. The latter is even often due to the working con-ditions previous to the job termination. Thus, an analysis of health conditions can enhance our understanding of a number of precarization processes. In 2002, a sociological survey of wel-fare recipients in poor health was conducted in the Sommedépartement. Based on a case study, this article examines a number of processes of construction of medical unemployability, from paid employment to the different paths leading to welfare and, based on its uses, the mecha-nisms of managing disability either through the special industrial accidents/occupational disease (IA/OD) plan or by meeting the con-ditions for recognition as a disabled worker by theCommission technique d’orientation et de reclassement professionnel(Cotorep, technical commission of orientation and occupational reclassification).
SANTÉ, SOCIÉTÉ ET SOLIDARITÉ
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n France, en 2000, l’indicateur de 1 pauvreté dite « administrative » lionsEen comptant celles à charge (conjoints et recensait 3 millions de personnes relevant de l’assistance, soit 5,5 mil-enfants); 1,7 million de ménages, soit 4,2 mil-lions d’individus, vivaient avec des ressources égales ou inférieures à 560 euros par mois, indicateur monétaire retenu comme seuil de pauvreté (Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale, 2002). Les situations d’isolement, de décrochage économique, de ruptures familiales se sont multipliées. Le chô-mage de masse vient toucher les catégories ouvrières les plus modestes, jusque là épar-gnées et protégées par le système de Sécurité sociale (CERC, 1993), ce que Castel (1995) a appelé « la déstabilisation du noyau stable ». Ces phénomènes se sont accompagnés d’un accroissement des inégalités sociales, dans tous les domaines de la vie sociale (Bihr et Pfefferkorn, 1995) dont les inégalités scolaires, de revenus et de patrimoines (Piketty, 1997 ; Dubet, 2000) et les inégalités de santé (Revue Prévenir, 1995; Haut comité de santé publique, 1998 ; Leclercet al.,Joubert2000 ; et al., 2001). À l’heure où le système français de protection sociale fait l’objet de réformes et que ses fondements de solidarité collective sont en question, il est utile de rappeler quelles sont les conditions de couverture sociale des plus pauvres et, dans ce cadre, quels méca-nismes supplétifs sont venus couvrir les situa-tions de chômage que les régimes traditionnels, sous l’effet des transformations productives, ne suffisent plus à couvrir. Les processus de bas-culement par palier, d’une situation de droits 2 ouverts par le travail salarié à l’assistance , ne
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sont pas sans conséquence sur la couverture maladie et sur les atteintes durables de la santé mentale et physique. À partir d’éléments d’analyse tirés de la littérature scientifique et d’une enquête sociologique menée par entre-tiens auprès d’acteurs d’insertion et de béné-ficiaires de minima sociaux, nous étudierons comment les processus d’altération de la santé liés aux conditions de travail peuvent être pris en compte, en cours d’emploi, lors de la rupture d’activité professionnelle puis dans une situation de pauvreté. Nous tenterons de démontrer, en ces différentes situations, comment se construisent les processus de précarisation, lesquels deviennent sources d’inégalités par des effets cumulatifs qui per-durent et mènent à l’incapacité de travail.
La construction sociale de l’inaptitude au travail
Le mythe du plein emploi et la croyance dans le progrès social inspiré par l’instauration de la Sécurité sociale en 1945 se sont effondrés, avec cette perceptive angoissante que le travail ne joue plus son rôle de « grand intégrateur » (Barel, 1990) et l’État-Providence, celui de pourvoyeur de garanties sociales contre l’incer-titude de l’avenir. C’est l’idée même des valeurs contenues dans le travail salarié qui s’effondre. De fait, la Sécurité sociale fran-çaise, fondée sur des techniques assurantielles essentiellement attachées au statut salarial et à 3 la garantie des revenus professionnels , reflue une masse de plus en plus importante de per-sonnes précarisées, se retrouvant sans travail, sans salaire et sans rattachement de couver-ture de risques. Alors que cette « nouvelle question sociale » (Rosanvallon, 1994) et les
1. En France, trois indicateurs sont retenus pour mesurer la pauvreté : l’indicateur monétaire qui retientcomme pauvres les ménages disposant de ressources inférieures ou égales au seuil de 50 % de la médianedes revenus mensuels, l’indicateur de pauvreté « administrative » perçu à partir du nombre de personnes relevant de la Solidarité nationale, donc vivant principalement de prestations non contributives communément appelées minima sociaux et enfin l’indicateur « conditions de vie » calculé par l’Insee (Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale, 2002). 2. La littérature scientifique distingue aujourd’hui deux types de minima sociaux. Une première génération de minima sociaux est constituée d’allocations catégorielles comme le « minimum vieillesse » (1941), l’Allocation adulte handicapé (1975), l’Allocation aux parents isolés (1976). À l’origine, le point commun à ces presta-tions monétaires non contributives, aidées par l’État, était la légitimité du retrait de l’activité professionnelle conférée à leurs bénéficiaires, soit du fait de l’âge, soit du fait d’incapacité physique ou mentale, soit enfin du fait de la charge d’enfants. Elles étaient destinées à des populations situées en dehors du marché du travail, reconnues dans l’incapacité de travailler et qui de ce fait échappaient à la logique d’assurance socio-professionnelle. La deuxième génération d’allocations instaurées à partir des années 80 s’adresse à présent à des populations valides, en capacité de travailler mais que le marché de l’emploi a rejetées durablement en les laissant sans moyens de subsistance et sans filet de protection sociale (Dupeyroux, 2001). Ces minima sociaux, dont le Revenu minimum d’insertion (RMI) est une figure emblématique, s’affichent comme une réponse politique et un moyen de pallier aux désordres économiques ou d’assurer un minimum de revenu d’existence quand les structures économiques ne sont plus en mesure de le faire. En 1979 est créée l’Allocation d’insertion (AI), puis viendra en 1984 et dans le prolongement de l’indemnisation du chômage, l’Allocation de solidarité spécifique (ASS) versée par l’Assedic pour le compte de l’État, enfin le RMI en 1988. Plus récemment, le nouveau dispositif RMA (Revenu minimum d’activité) dont les décrets sont parus le 29 mars 2004 vient réorganiser le RMI. Dans son principe, l’État versera aux entreprises qui embauchent une personne percevant le RMI le montant de son allocation auquel s’ajouteront des exonérations de charge.
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multiples formes d’incertitude et d’insécurité qu’annonce l’avenir pour des familles entières font l’objet d’investigations très diversifiées chez les sociologues (Rosanvallon, 1994; Castel, 1995; Donzelot, 1996; Farge et Laé, 2000), les modèles de compétition et de performance, dans un contexte de marché flexible, se ren-forcent. L’entreprise moderne vante ainsi les progrès technologiques et cognitifs réalisés dans les processus d’autonomisation de l’acti-vité de travail et des agents (procès automatisés, cellule flexible, etc.). Cette rationalité écono-mique repose sur le présupposé idéologique d’une prise de décision et d’une responsabi-lisation accrue des individus dans le monde de l’entreprise, comme dans les autres activités de la vie sociale, proposant des modèles de vie réussie, assis sur des choix et des projets professionnels ou personnels et sur l’intelli-gence de leur mise en œuvre. Les tenants de la pensée libérale construisent également un système de représentations autour de la vulnérabilité et la fragilité personnelle pour justifier la hiérarchisation des positions sociales et économiques et l’exclusion inéluctable du monde productif des personnes pénalisées par de faibles capacités de travail, soit pour des raisons de santé, d’âge, de sous-qualification, soit pour des raisons d’incompétence face aux nouvelles technologies et aux nouveaux défis que lance le monde moderne (Rifkin, 1995 ; Forrester, 1996). Cette perception de l’exclusion, qui consiste pour la penséeunique à expliquer l’employabilité et l’aptitude à partir de caractéristiques endogènes aux popu-lations concernées, tend également à repenser les cadres d’une analyse du risque de perte d’emploi et de couverture sociale comme une donnée individuelle et naturelle et non plus comme une donnée économique, inhérente à l’organisation du travail et de la production. La responsabilisation de la situation de préca-rité qui en découle est transférée de l’entreprise et de la collectivité à l’individu.
Un certain nombre d’études françaises en sciences humaines et sociales tendent à oppo-ser une toute autre lecture des modalités de construction des inaptitudes professionnelles et de santé. Elles mettent en évidence les liens entre intensification, flexibilisation du travail et précarisation professionnelle sur lesquelles se cristallisent et se développent de nouvelles formes de domination et d’inégalités sociales (Actes de la recherche en sciences sociales, 1996; Appay et Thébaud-Mony, 1997; Kergoatet al.,1998) et où la santé est mise à mal : hypersollicitation des hommes et des femmes au travail (Davezies, 1998) et proces-sus d’usure précoce au travail préparant l’exclusion (Roche, 1997 ; Thébaud-Mony et Frigul, 2001). Des analyses critiques ont pu montrer que les catégories d’âge et de santé mises à contribution pour définir l’employabilité et l’inaptitude n’étaient en rien naturelles mais renvoyaient à des constructions sociales (Lenoir, 1989 ; Dessorset al.,Marquié1991 ; et al.,1995) sur lesquelles s’appuyaient les acteurs sociaux pour légitimer, d’une part, les modes de division du travail et du place-ment, les modes corrélatifs de sélection de la main-d’œuvre dans le maintien ou la sortie de l’emploi et l’exclusion du travail (Découflé, 1990 ; Muller, 1991) et, d’autre part, les modes d’attribution des revenus de remplacement et des aides sociales suppléant la diminution et l’absence de ressources issues du travail salarié stable (Bouillaguet-Bernard et Outin, 1984 ; Frigul, 1997). Nos enquêtes sociologiques menées à partir de monographies sur la période 4 2001-2002 ont eu pour objet d’analyser plus étroitement la mobilité des parcours et des statuts précaires selon les filières emprun-tées du chômage ou de l’assistance, en lien avec l’étude des conditions de santé et des moyens dont disposaient les personnes dému-nies dans le recours et l’accès aux soins. Sur ce sujet, la littérature scientifique désigne les termes d’inégalités sociales tant au niveau
3. Dupeyroux (2001) a pu faire remarquer que comme d’autres systèmes « continentaux », le système français de Sécurité sociale n’avait pas pour objet fondamental l’élimination de la pauvreté, mais la garantie des revenus professionnels. De fait, s’exerçant ainsi, la Sécurité sociale entre en contradiction avec l’esprit d’universali-sation qui a prévalu à sa création en 1945. La protection sociale s’est ainsi construite selon une double logique des risques couverts (maladie, vieillesse, famille, chômage) : une logique d’assurance dérivée des droits ouverts par le travail, une logique d’aides sociales qui vient assurer non pas le maintien relatif d’un revenu salarial antérieur mais un certain niveau de ressources. Ce sont les minima sociaux destinés aux personnes qui n’ont pas suffisamment ouvert de droits pour bénéficier de prestations ou qui, pour des raisons diverses, ne sont plus attachées au travail. 4. Ces enquêtes ont été soutenues par le laboratoire de recherche SAS0, Sciences de l’éducation, Université de Picardie Jules Verne et le laboratoire de recherche du CRESP, Université de Bobigny, Inserm-Paris 13. Elles ont reçu un financement du service Insertion, Conseil général de la Somme. Les premiesr résultats ont été réinvestis dans un projet de recherche propre au CRESP qui a reçu le soutien de la MiRe-DREES dans le cadre d’un appel d’offres national sur « la Construction sociale du risque et la protection sociale » (2003).
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des histoires de santé que des parcours de soins : les populations précarisées, au chô-mage ou dans des situations de pauvreté, ne présentent pas de pathologies spécifiques mais sont, de façon générale, en moins bonne santé que le reste de la population. Les pathologies sont découvertes à un stade plus avancé, notamment en raison d’absence de couverture sociale, de retard et d’attente dans la prise en charge et le suivi (Leclercet al., 2000 ; Joubertet al.,2001). Les inaptitudes professionnelles déclarées et constatées médi-calement sont également fréquentes, témoi-gnant d’un état de santé dégradé et invalidant (Fatras et Goudet, 1993 ; Schaetzelet al., 1993).
Objets et méthodes d’enquête
Nos recherches se sont déroulées sur la ville d’Amiens, préfecture du département de la Somme, dans quatorze structures d’insertion sociale et/ou professionnelle ayant passé une convention avec le service d’Insertion du Conseil général qui administre les questions relatives au Revenu minimum d’insertion (RMI). Trente cinq personnes bénéficiaires de minima sociaux, généralement le RMI et fréquentant ces structures ont été concernées et interviewées dans le cadre d’entretiens col-lectifs. Quatorze allocataires ont participé à des entretiens individuels. Deux monographies ont été réalisées auprès de deux bénéficiaires du RMI, par récits de vie et observations directes dans les lieux de consultationsmédi-cales (cabinet médical, dentaire ou d’analyses biologiques) afin d’étudier les interactions entre personnels soignants et allocataires. L’étude ne prétend pas être représentative de l’ensemble de la population allocataire du RMI sur le secteur. Cependant, les profils de la population enquêtée rejoignent les
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statistiques démo graphiques établies par le Conseil général de la Somme à partir des recensements de la population amiénoise béné-ficiaire du RMI. Ainsi, sur les quatorze entre-tiens individuels effectués, nous comptons trois couples au RMI avec enfants à charge, quatre familles monoparentales toutes composées de mères isolées, trois personnes vivant seules locataires d’un logement, quatre personnes seules hébergées en famille ou en foyer. Deux personnes ont au plus 25 ans, l’une d’elle est chargée de famille. Quatre personnes ont entre 30 et 35 ans, deux ont entre 40 et 46 ans et six ont plus de 50 ans.
Les personnes enquêtées étaient affiliées au Régime général de l’assurance maladie par le biais de la Couverture maladie universelle (CMU), créée dans le cadre de la Loi française de lutte contre les exclusions. Entrée en vigueur en janvier 2000, la CMU permet un accès gra-tuit à une couverture santé, selon des clauses restrictives correspondant à des critères de résidence stable et régulière et de conditions de 5 ressources . Elle est accordée pour un an, réévaluée et renouvelable chaque année. Elle comprend deux volets, la CMU de base, qui remplace l’assurance personnelle, et la CMU complémentaire (CMUC), dont les allocataires du RMI bénéficient d’ailleurs d’office et qui prend en charge en plus la mutuelle, avec dis-6 pense d’avance de frais . C’est la lecture d’un de ces parcours de précarité que nous pro-posons, celui de Ghislain, illustratif de modes de gestion flexible de la main-d’œuvre dans le secteur tertiaire marchand, lesquels, sous couvert d’une autonomisation des moyens et objectifs de production, tendent à masquer les effets délétères des conditions de travail et des pressions temporelles sur la santé. Nous serons attentives à décrire les événements quipartici-pent à la construction sociale de l’incapacité au
5. D’autres conditions restreignent l’offre de service gratuit. Par exemple, l’avance de frais et la gratuité ne valent que pour des montants de soins et d’appareillages (lunettes, appareils dentaires, prothèses, etc.) plafonnés par la Sécurité sociale. Enfin, la CMUC, depuis trois ans, est l’objet de procédures de rigidification, à l’instar d’autres dispositifs d’aides aux plus démunis, comme les récentes tentatives de suppression de l’allocation de solidarité spécifique accordée aux chômeurs en fin de droits ou encore la réforme du RMI avec la création du dispositif RMA. En décembre 2002 et mai 2003, Médecins Sans Frontières a alerté, dans un communi-qué de presse, sur le recul historique que constituaient les nouvelles mesures de recours aux soins inscrites dans les lois de finances 2002 et 2003. Concernant la CMU, l’article 78 de la loi de finances 2003 allonge les délais d’ouverture de droits jusqu’à un mois, quand de nombreuses caisses d’assurance maladie étaient en mesure d’ouvrir des droits à une protection sociale complète en quelques jours, voire quelques heures. La période de référence considérée pour calculer les droits n’est plus établie sur les revenus des douze derniers mois, mais sur les revenus de l’année civile antérieure. Enfin, Médecins Sans Frontières et le Syndicat de la médecine générale ont dénoncé, comme un prélude au démantèlement de la loi de Couverture maladie universelle, les dispositions inscrites dans un projet de circulaire gouvernementale sur l’Aide médicale d’État (AME). Celles-ci, discriminatoires, imposent des procédures de contrôle (conditions de logement, identification) avant les soins. Elles visent les populations les plus précaires et les plus marginalisées en France, les personnes étrangères sans titre de séjour qui, ne pouvant bénéficier de la CMU, sont en majorité bénéficiaires de l’AME. 6. Fin septembre 2001, l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale relève que plus de 1,2 million de personnes bénéficient de la CMU de base et 4,6 millions de personnes de la CMU complémentaire (Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion, 2002), soit au total 10 % de la population française.
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travail et de ses modes de gestion à travers les dispositifs d’allocation chômage et d’assistance proposés, mais aussi lors de l’attribution de la CMU. Nous considérerons particulièrement les systèmes de réparation et de reclassement aux-quels Ghislain, compte tenu des incapacités constatées, pouvait prétendre soit au titre du régime spécial des accidents du travail et mala-dies professionnelles, soit au titre de l’invalidité 7 et du handicap dans le Régime général .
L’histoire de Ghislain : surcharge de travail, affections chroniques et entrée dans la précarité
Ghislain et Martine sont mariés depuis vingt ans. Ils ont la cinquantaine et sont parents d’une fille bientôt majeure qui va entrer en faculté. Martine a assisté à l’entretien mais s’est effacée devant la maladie de son mari. De son expérience professionnelle, on sait peu de choses : vendeuse jusqu’en 1990, un 8 contrat emploi solidarité (CES) en mairie de 1990 à 1994. Depuis, plus rien… Ghislain, quant à lui, avertissait en préalable à l’entre-tien:Oui, j’ai le RMI là, mais je ne considère pas que c’est une fin en soi… D’abord dans RMI, il y a le I d’Insertion.Ghislain a connu deux périodes d’affiliation au RMI. La première remonte à 1989, où il a obtenu le statut pen-dant un an. La deuxième inscription, toujours actuelle au moment de l’entretien (mars 2002), er remonte au 1 janvier 2001. Ghislain relie ces perturbations à la précarité professionnelle et financière des métiers exercés, ceux d’agent commercial ou de représentant, dont les condi-tions de réussite et de rémunération sont très aléatoires.
Les signes avant-coureurs
La première fois, en 1989, le RMI survient à la suite d’une rupture d’emploi, un licencie-ment pour faute grave. Sous l’effet de cet événement et d’un surmenage professionnel,
Ghislain fait une dépression nerveuse. Lors de l’entretien, il décrit les prémices et les symptômes :J’ai eu des difficultés de couple… je rentrais du boulot, j’étais agressif avec ma femme… je la cognais pas… non bien sûr mais… j’étais agressif. Quand je rentrais, elle savait si j’avais fait des affaires ou pas !… Ghislain relie cette dépression directement aux conditions de travail qui étaient les siennes: pressions temporelles et hiérarchiques liées à des objectifs et normes de production et de rentabilité :On vous demande un rendement… Je travaillais tout le temps.Ghislain se décrit comme quelqu’un d’irritable et d’anxieux, nerveux, soumis à une évaluation et un contrôle quasi permanents de son travail. Cette inquié-tude est commandée par les soucis d’argent que créent les conditions de rémunération de la profession représentant de commerce itiné-rant, dite VRP (voyageur représentant placier). Dans le meilleur des cas, le représentant béné-ficie d’un salaire minimal, généralement le 9 SMIC , charge à lui d’augmenter sa rému-nération en fonction des bénéfices qu’il rap-porte à l’entreprise. Très souvent, le VRP est placé en situation de quasi sous-traitance : il est payé à la commission et au pourcentage sur les affaires réalisées. C’est le cas de Ghislain, ce qui rend ses revenus mensuels très aléa-toires. Cela le met dans une position illusoire de travailleur indépendant et en réalité dans une situation de précarité et de dépendance continuelle par rapport à son donneur d’ordre. Sur un salaire de 1 300 à 1 500 euros (entre 9 000 et 10 000 francs nets à l’époque), il devait chaque mois faire l’avance de frais de déplacements qui s’élevaient environ à la moitié de son salaire :Quand on est représen-tant, on est payé à la commission… le fixe VRP, c’est un leurre… Je suis représentant depuis l’âge de 20 ans (…) Il est très dur d’épargner. On a des impératifs de rentabilité… On n’a ni le temps, ni les moyens d’aller chez le
7. La prise en charge des risques de santé est assurée, au plan national, par la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) mais renvoie, selon leur nature, à des modes de gestion distincts. Une première branche de la CNAMTS a pour rôle d’assurer les risques maladie, maternité, décès et invalidité quand celle-ci n’est pas d’origine professionnelle. La gestion d’une incapacité permanente qui trouve sa cause dans un accident du travail ou une maladie professionnelle renvoie à une branche distincte de la CNAMTS dotée d’un régime spécial. Ses compétences sont exercées par une commission des accidents du travail et des maladies professionnelles (AT/MP) créée par la loi du 25 juillet 1994 relative à la Sécurité sociale (art. L.221-4). Elle est, entre autres, chargée du recouvrement des contributions et cotisations patronales qui viennent exclusivement alimenter la branche AT/MP de la caisse ainsi que les actions d’indemnisation et de réparation (Dupeyroux, 2001). 8. Mesures des politiques de l’emploi visant la réinsertion de demandeurs d’emploi. Les associations agréées et les services publics qui utilisent ces mesures bénéficient d’aides et d’exonérations de charges. Le secteur marchand est exclu de ce dispositif, contrairement à ce que prévoit le RMA. 9. Le salaire minimum interprofessionnel de croissance (Smic) définit le salaire horaire minimum fixé par le Code du travail, en dessous duquel un employeur ne peut embaucher, sous peine d’être en infraction avec la législation.
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médecin…Ghislain en fait les frais. Surmené, il pratiquel’autodiagnostic, l’automédication, consomme des antidépresseurs et des analgé-siques quand il a mal à la tête. Il est encouragé par l’entourage familial qui semble également en faire un usage domestique, en dehors de toute vigilance médicale :J’étais bien conseillé. Ma mère se soignait à ça… ma sœur aussi. Ghislain a un médecin traitant, une mutuelle, mais dit ne pas avoir pu prendre un repos médical compte tenu de ses revenus trop précaires et de ses charges familiales. D’une certaine manière, cette négligence portée aux soins et la répétition de traitements inappro-priés, cumulées à des tensions et pressions professionnelles très fortes, ont participé à l’altération irréversible de sa santé.
Un congé, un repos, une distance par rap-port à son travail, une attention portée à sa santé physique et mentale auraient peut-être évité ce jour où, excédé, Ghislain a porté la main sur son patron. Ghislain reconnaît la gravité de son acte en même temps que son caractère pathologique :C’était une faute grave, hein ! je ne devais pas faire ça, même si c’était un geste de désespoir.Il en assume les conséquences, notamment la privation d’allocations chômage, puisqu’il est licencié pour faute grave, une circonstance que les Assedic (Caisse d’allocation chômage) ne prennent pas en charge. Ghislain dit avoir été un an en maladie pour dépression ner-veuse. Il attend trois mois avant d’acquérir le statut de RMI et obtient la carte de santé gratuite :À ce moment, il n’y avait pas la CMU…dira-t-il, comme pour souligner les bénéfices apportés depuis par la CMU. Par ailleurs, il suit une formation dans les espaces verts, puis un CES environnement qui semble lui apporter des satisfactions. Ghislain a pris de la distance par rapport à ses échecs profes-sionnels antérieurs. Il retrouve un emploidans une agence commerciale en 1990/1991, alterne des périodes de travail et de chômage mais il reste dans le circuit de l’emploi et du secteur de la vente et obtient enfin un contrat à durée indéterminée (CDI). Les rythmes de travail se sont alors accélérés et intensifiés. Ghislain pouvait prendre un rendez-vous à 20 heures ou même 22 heures, à la conve-nance du client. Il pouvait «manger» plusieurs centaines de kilomètres par jour, rester longtemps en déplacement, absent plusieurs nuits de suite du foyer :Pour aller plus vite,
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je roulais à 100 au lieu de 50 kilomètres/heure. À 10 heures du soir, je pouvais encore être chez un client. Ghislain fait du chiffre mais il ne ménage pas sa santé et surtout n’écoute pas les différents signaux que lui envoient un corps et un mental épuisés : des malaises, une fatigue, puis un accident de voiture, Ghislain s’est endormi au volant, heureuse-ment sans conséquence grave. Ce sont ses patrons qui le convaincront de se mettre en arrêt de travail :C’est mes patrons qui m’ont poussé à aller voir un médecin. Ils se sont aperçus que j’avais une activité pas possible… Quand j’ai eu mon accident, ils se sont dit : « Mr. P., c’est pas un gars qui dort comme ça… S’il dort, c’est qu’il a un problème…».Ils m’ont poussé à me mettre en arrêt de travail (…).
Perte du travail et incapacités
Les premiers signes d’une altération de la santé se sont fait sentir avant son accident de voiture : herpès cornéen et acné rosacée qui se sont chronicisés depuis. Ghislain garde des séquelles de ces affections mal soignées : une atteinte du nerf optique qui a fait baisser son acuité visuelle et qui l’oblige à des soins réguliers. De la conduite en voiture pendant des heures, il garde toujours un mal de dos terrible. Aujourd’hui, Ghislain pense que son évanouissement en voiture était probablement le premier signe d’une série de malaises car-diaques. En arrêt maladie depuis quelques jours, il fera deux infarctus à huit jours d’inter-valle. C’était en octobre 2000. Pose de stents, arrêt longue maladie, Ghislain sera licencié pour inaptitude au poste un an après son acci-dent cardio-vasculaire, sans que cette inaptitude soit déclarée à un quelconque moment comme une maladie professionnelle. Ensuite, chô-mage et RMI. Pour Martine, il est certain que les problèmes de cœur rencontrés par son mari sont quelque part liés au type de métier exercé. Celui-ci lui est aujourd’hui interdit, compte tenu des risques de cardiopathie et des inaptitudes physiques dont certaines se sont aggravées avec le temps. Ghislain concède que le tabac dont il était grand consommateur et qui lui est interdit main-tenant a aussi été un facteur déclenchant. Il complète le tableau médical, énumérant et décrivant les nombreuses affections dont il souffre aujourd’hui, séquelles anciennes d’un rythme de vie et de travail trop exigeant. À l’herpès chronique soigné depuis dix ans et
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l’acné rosacée s’ajoutent deux hernies derrière la moelle épinière qu’il est impossible d’opérer parce que trop risqué. Quant au diabète, d’après les médecins et de ce qu’en sait Ghislain, il pourrait être lié aux perfusions de glucose faites pendant la réanimation. Cepen-dant, Ghislain n’est pas insulino-dépendant. Il a recours à des médicaments pour stabiliser son taux de sucre. Enfin, il témoigne quesa force physique a beaucoup diminuéet exprime une fatigue générale. Il n’est plus question pour Ghislain aujourd’hui defaire VRP (…) à 50 ans, je n’ai pas de formation spéciale… qu’est-ce que je peux faire ?Ghislain avait 10 demandé une reconnaissance en Cotorep . Il a reçu une réponse au bout de dix-huit mois: son incapacité était reconnue mais à des niveaux lui interdisant de bénéficier d’une allocation. Ghislain a fait appel de cette déci-sion et demande une révision, argumentant que son diabète n’avait pas été pris en compte dans l’évaluation de l’incapacité :Ce que je demande, c’est l’AAH. C’est avoir 3 600 francs. Ça fait environ 500 euros.
Survivre La préoccupation de Ghislain réside princi-palement dans les moyens de faire vivre sa famille et d’obtenir des revenus suffisants pour permettre à sa fille de continuer ses études, d’envisager ensuite la possibilité de travailler à temps partiel et peut-être de refaire une formation, même à ses frais. Cette quête de ressources apparaît comme un casse-tête où Ghislain en vient à calculer quel dis-positif lui serait le plus profitable. Il compare sa situation présente munie de maigres ressources, à ce qu’il obtiendrait dans une autre situation d’aide sociale (comme la Cotorep) ou dans une situation de travail, notamment par rapport aux soins quotidiens et obliga-toires qu’il doit faire. Ghislain évalue les frais de soins mensuels entre 450 et 760 euros (médicaments, consultations, examens). Ici,
il reconnaît les bénéfices de la CMUC qui lui donne la gratuité totale des soins. Il se rap-pelle ces moments difficiles où, au chômage, il devait avancer les frais de soins, les tracas pour obtenir une carte de santé gratuite. Il s’inquiète aujourd’hui des frais énormes qu’il aurait selon lui à avancer si la CMUC lui était enlevée. De manière catégorique, Ghislain annonce que sa suppression conduirait à l’ar-rêt des soins. Certes, les frais liés à sa maladie cardio-vasculaire sont pris en charge à 100 %, mais il reste les frais annexes liés aux autres maladies chroniques. Pour l’heure, Ghislain attend la réponse de la Cotorep. Il perçoit 11 encore 84 euros d’allocation chômage (AUD) et un complément de RMI dont le montant s’élève environ à 600 euros. Le couple reçoit une aide au logement de 183 euros et leur fille bénéficie dune bourse scolaire pour une somme annuelle d’environ 190 euros. Ghislain ne pense plus exercer son métier de repré-sentant. Il aimerait maintenant, avec une reconnaissance en Cotorep, pouvoir retra-vailler à temps partiel, peut-être comme garde forestier.
L’altération de la santé, des processus anciens réactivés dans la situation de chômage
Le récit de Ghislain illustre le paradoxe pro-fessionnel auquel il est confronté. Le métier présente les attributs apparents d’une auto-nomisation du travail qui cache en fait un renforcement des procédures de contrôle (Appay, 1997). Trait caractéristique de la pro-fession, Ghislain a en effet toute latitude pour organiser son travail. Cependant, cette liberté est strictement encadrée par l’intensification et les contraintes de temps que règlent des rapports de concurrence et de compétition et qui pèsent de façon continue sur sa rémunéra-tion, puisque celle-ci est variable, selon les marchés qu’il a gagnés. Ces conditions de travail entraîneront par deux fois de graves
o 10. Commission technique d’orientation et de reclassement professionnel (L. n 75-534 du 30 juin 1975) créée dans chaque département français et à laquelle l’Agence nationale pour l’emploi apporte son concours. Elle est composée de personnalités qualifiées nommées sur proposition des organismes gestionnaires des centres de rééducation ou de travail protégé et des associations représentatives des travailleurs handicapés adultes ainsi que des organisations syndicales. Le président de la commission est désigné chaque année par le préfet. La Cotorep reconnaît la qualité de travailleur handicapé pour les personnes qui s’adressent à elle. Elle apprécie, au vu des examens médicaux, de pièces médicales et administratives, si les taux d’inca-pacité et l’état de santé de la personne justifient de l’attribution de l’Allocation adulte handicapé (AAH), d’allocations spécifiques et de la carte d’invalidité. La commission classe les travailleurs handicapés en différentes catégories selon leurs capacités professionnelles. Ces catégories déterminent également les possibilités d’indemnisation le montant des allocations versées. Ces classements font l’objet de réévaluations périodiques. Les décisions de la commission peuvent faire l’objet de recours devant la juridiction du contentieux technique. Le placement des personnes handicapées est un élément de la politique de l’emploi. er 11. Allocation unique dégressive : ancienne allocation d’assurance chômage remplacée au 1 janvier 2001 par l’ARE (Allocation d’aide au retour à l’emploi).
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événements de santé : une dépression ner-veuse et deux infarctus. On peut ici remarquer des processus conjoints de dégradation des conditions de travail et de la santé ainsi que des atteintes à la santé d’origine profession-nelle qui perdurent dans la situation de chô-mage. L’installation et la chronicisation des maladies sont caractéristiques de l’absence de prévention autant dans le cadre familial que dans le cadre professionnel antérieur. L’histoire de Ghislain désigne les angles morts du sys-tème des accidents du travail et des maladies professionnelles (Thébaud-Mony, 1991 ; Daubas-Letourneux et Thébaud-Mony, 2001), et plus largement les défaillances dans l’appli-cation des lois concernant la protection de l’emploi et de la santé au travail des salariés. Les visites en médecine du travail sont restées formelles et n’ont pas permis le dépistage pré-coce de la cardiopathie, notamment l’alerte de l’hypertension artérielle. Plus généralement, après l’accident de trajet, lors de la reprise d’emploi, aucune adaptation au poste, aucune reconversion dans l’entreprise n’ont été pro-posées ni envisagées comme le prévoit pour-12 tant la loi . À la suite de l’expertise médicale qui a jugé de l’impossibilité de reprendre l’activité après l’accident et de l’inaptitude au poste de travail, un licenciement a été prononcé pour raisons de santé, sans que les liens, pourtant avérés, entre le travail et les atteintes à la santé ne soient établis. L’accident de voiture survenu pendant le temps de tra-vail et la maladie vasculaire n’ont donné lieu à aucune tentative de déclaration ni de recon-naissance en accident du travail ou en maladie professionnelle. Ghislain lui-même dit n’avoir jamais pensé à cette possibilité. Dans ce cas précis, il se peut que l’interaction entre les élé-ments de santé personnels de Ghislain et son histoire professionnelle aient introduit une confusion et masqué la possibilité d’établir la part professionnelle que contenait l’étiologie
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de la maladie. Cette confusion est d’ailleurs caractéristique des cardiopathies pour lesquelles généralement les systèmes d’indemnisation et les employeurs vont chercher à mettre en évidence le rôle des caractéristiques indi-viduelles (antécédents génétiques, habitudes de vie, alcool, tabac, alimentation, etc.) avant de questionner le contexte socioéconomique dans lequel se développe la maladie, dont l’activité professionnelle et les conditions de travail. Il en va de même pour d’autres affections, comme la santé psychologique, les troubles musculo-squelettiques ou plus généralement les affec-tions du dos. C’est le cas de Ghislain : la con-sommation antérieure de tabac n’explique pas seule l’accident cardio-vasculaire ; la hernie discale liée pour une part aux postures de tra-vail ne bénéficie d’aucune déclaration ni recon-naissance professionnelle.
Les emplois dans les secteurs de la vente et du commerce sont maintenant interdits à Ghislain, en raison de l’insuffisance cardiaque qui l’affecte et demande repos et calme, besoins en contradiction avec les rythmes accélérés et la pression temporelle usuelle-ment exercés dans ces activités. La déclara-tion d’inaptitude professionnelle pour raisons médicales prononcée à l’égard de Ghislain est venue justifier son retrait de la sphère du tra-vail et son orientation vers un dispositif de traitement social du chômage. La reconnais-sance en Cotorep constitue un moyen légitime, aux yeux de Ghislain, de faire reconnaître des handicaps physiques non feints mais réelle-ment invalidants dans les gestes domestiques et quotidiens. Ce statut est objectivement plus acceptable que celui « d’assisté », parce que la personne a donné les preuves de son incapacité professionnelle. Pour Ghislain, la reconnaissance d’un handicap dispense de faire les preuves de sa compétitivité et de sa performance sur un marché de l’emploi de plus en plus concurrentiel. Il s’agit de se
12. Il faut rappeler ici le rôle du médecin et de l’expertise médicale. L’exclusion d’une procédure de recrutement ou le licenciement pour raison de santé ne peuvent être invoqués par l’employeur seul, tout comme celui-ci ne peut le faire en raison de l’appartenance sexuelle ou ethnique, de la situation familiale ou des convictions politiques, syndicales ou religieuses du salarié. Ces actes constituent des infractions pénales de discrimination. Selon le Code du travail, le licenciement pour raison de santé ou de handicap ne peut être éventuellement prononcé qu’à la suite d’une inaptitude médicalement constatée par le médecin du travail (art. L.122-45) et que lorsque l’ensemble des dispositions de protection et de préservation de l’emploi ont été épuisées. L’employeur se voit dans l’obligation, sur proposition du médecin et après avis des délégués du person-nel, d’envisager la possibilité du reclassement, voire de la mutation ou de la transformation, du poste de travail selon l’inaptitude constatée (art. L. 122-24-4). En cas d’impossibilité il est tenu d’en faire connaître les motifs (art. L.241-10-1). Ensuite, la nature de l’inaptitude prend une dimension importante. En cas de licenciement suite à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, quand l’employeur a prouvé l’impossibilité du reclassement, la loi prévoit le versement au salarié d’indemnités compensatrices et spéciales de licenciement. Dans tous les autres cas de licenciement fondés sur une inaptitude médicalement constatée, la législation du travail considère que la rupture du contrat de travail s’établit du fait du salarié, qui ne peut plus assurer son emploi, à cause de son état de santé.
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prouver à soi et aux siens que l’incapacité dont on souffre ne permet plus d’occuper un emploi standard. Cette légitimation apparaît d’autant plus nécessaire à construire que les effets de l’âge se font sentir ou que les rapports familiaux se sont modifiés. Cependant, compa-rativement au régime AT/MP, les bénéfices sociaux obtenus dans le régime Cotorep ne sont pas équivalents. Dans le cas d’atteintes à la santé générées dans l’exercice du travail, dont les effets subsistent même après l’arrêt de travail et qui ne sont pas reconnus par le système de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, la reconnais-sance du handicap qualifié par la Cotorep tend à masquer l’origine professionnelle de l’atteinte à la santé (Frigul, 1997). Celle-ci n’est pas recherchée pour fonder l’incapacité. Ensuite, la transformation d’une invalidité d’origine professionnelle en handicap a égale-ment des répercussions sur les conditions de réparation, lesquelles, au niveau de la recon-naissance du travail effectué, ne sont pas indifférentes. Pour une même affection, des inégalités de traitement peuvent s’observer selon le régime (AT/MP ou Cotorep) dont elle 13 dépendra .
L’inscription dans les filières de l’assistance et les modes de recouvrement de la couverture santé
Nous relevons plusieurs éléments constitutifs de l’histoire de Ghislain qui suggèrent des réflexions générales sur les processus collec-tifs de précarisation du travail, de la santé et des ressources ainsi que sur les formes parti-culières que prennent les inégalités sociales. Le cas de Ghislain s’apparente à ce que nous savons des parcours itératifs suivis par les demandeurs d’emploi entre différentes formes de statut de précarité, d’ouverture de droits et de systèmes d’allocation. L’évolution des réglementations et du marché du travail et notamment la rigidification de la couverture chômage (Daniel et Tuchszirer, 1999) condui-sent au transfert, par paliers successifs, d’une grande partie des chômeurs de longue durée vers l’assistance, et plus particulièrement vers
le RMI, faisant jouer à ce dispositif un rôle particulier de couverture chômage supplétive (Commissariat général au plan, 2000). Les personnes sont généralement inscrites dans des parcours de réinsertion instables qui ne lèvent pas les situations d’appauvrissement, compte tenu des formes et durées d’emplois auxquels elles accèdent (généralement des contrats aidés à temps partiel, délimités dans le temps et dans la possibilité de cumul), compte tenu également des formes de préca-rité reproductibles aux autres membres de la famille. Elles en viennent à calculer, comme le fait Ghislain, les formes d’insertion ou d’aide les plus rentables pour la famille, du point de vue des ressources, du point de vue de la reconnaissance sociale qui y est contenue ensuite. L’entrée de Ghislain dans le cycle de la précarité est ainsi caractérisée par des pas-sages alternés et réitérés dans les dispositifs du placement et de l’assistance (allocation chômage, formation de mise à niveau, CES « environnement », allocation chômage, RMI, demande en Cotorep). Cette période est éga-lement placée sous le signe d’une accélération des processus d’appauvrissement.
La demande d’ouverture de droits tout comme la préférence accordée dans l’usage des différentes allocations catégorielles font l’objet de stratégies qui intègrent souvent la dimension des ressources perçues et celle des modalités de recouvrement de la couver-ture sociale, compte tenu de la situation sociale et familiale vécue. Pour autant que les usagers soient suffisamment informés des conditions et critères d’obtention, les bénéfices tirés des filières empruntées peuvent être l’objet de calculs comparatifs. Les avantages perçus concernent à la fois les montants des alloca-tions versées et les formes de reconnaissance sociale qui peuvent y être contenues, dans des compromis acceptables et acceptés par rap-port à ce qui peut constituer, à leurs yeux, une norme de travail valorisée. Dans le cas de Ghislain, sa demande en Cotorep, ultime recours, fait entrer l’état de santé sur le devant de la scène. Pour lui qui a connu une activité professionnelle intense, l’acceptation du han-dicap, comme statut, n’est légitime que si
13. La rente d’invalidité allouée au titre d’une réparation d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle (Art. R.434-1 du Code de la Sécurité sociale) donne à la victime le droit à une rente calculée sur la base du salaire annuel, en référence aux barèmes forfaitaires en vigueur, multiplié par le taux d’incapacité. Celui-ci peut être réduit ou augmenté en fonction de la gravité de l’incapacité médicalement constatée. Cette indemnité est, néanmoins, supérieure à l’Allocation adultes handicapés (AAH) lorsque l’Incapacité partielle permanente (IPP) atteint 100 %. Elle n’est soumise à aucune condition de ressources, contrairement à l’AAH.
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celle-ci se fonde sur une indemnisation, qui porte alors le sceau d’une reconnaissance collective et sociale des préjudices subis. En même temps, la santé est placée dans un rap-port marchand ; Ghislain va tenter de mon-nayer ses incapacités contre une indemnité. Il a acquis une reconnaissance en Cotorep dont il conteste les faibles taux d’incapacité attribués qui lui interdisent une allocation. Les taux d’incapacité, dans la mesure où ils condi-tionnent des niveaux d’indemnisation sont le jeu de conflits multiples entre institutions et usagers. Par ricochet, les refus administratifs de financement renvoient les usagers vers d’autres dispositifs de l’aide sociale puisque ceux-là, refoulés par les décisions de la Cotorep, requerront d’autres prestations. On peut supposer que ces sollicitations sont aussi l’objet de tensions entre institutions qui, cha-cune, définiront leurs champs de compétence et leurs critères d’attribution. La Cotorep aura ainsi tendance à rigidifier ses conditions de reconnaissance et d’indemnisation quand le régime de solidarité pourra au contraire élargir le champ des handicaps observables et déclarables susceptibles de renvoyer les allo-cataires sur d’autres dispositifs financiers. L’allocataire est donc toujours soumis à l’in-jonction de répondre de sa situation et de prouver en quelque sorte les éléments de vulnérabilité et de fragilité sociale et profes-sionnelle qui le conduisent à solliciter une aide. La situation de son statut précaire et sa position dans la filière d’assistance sont en permanence examinées. De fait, le RMI est réévalué tous les trois mois, l’AAH tous les cinq ans. L’obtention de ressources supplé-mentaires, aussi maigres soient-elles, peu-vent exclure des dispositifs. De même les droits de CMUC sont réévalués tous les ans. Pour en bénéficier, le seuil des ressources est environ de 565 euros pour une personne seule, 843 euros pour deux personnes. Ce barème exclut de la couverture maladie universelle les travailleurs pauvres ou certains bénéficiaires de l’AAH. C’est bien l’inquiétude que formule Ghislain. Quelle garantie aura-t-il de conser-ver la CMUC s’il perçoit l’AAH ou même s’il retravaille à temps partiel ? Si la CMUC lui est supprimée, comment fera-t-il alors pour assumer les frais médicaux relatifs à ses mala-dies chroniques ?
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Conclusion : défaillances et évolution des régimes de réparation et d’indemnisation du risque invalidité dans les situations de chômage et de pauvreté
Plus fréquemment que les travailleurs salariés stables, les personnes en situation précaire sont soumises à des contraintes et contrôles administratifs qui les placent dans des rapports de domination peu négociables. La situation d’« assisté » met les intéressés en demeure de justifier régulièrement de leurs états pour bénéficier de subsides. Cette violence phy-sique et symbolique s’exerce de façon paroxys-tique à l’endroit des chômeurs quand il leur est dénié, comme il est fait souvent dans les procédures institutionnelles, une histoire antérieure, précédant la situation de chô-mage, une histoire professionnelle dont le développement expliquerait pourtant la sur-venue du chômage. L’expérience du travail comme celle du chômage sont vécues de façon privée et solitaire. L’intériorisation de l’échec professionnel et celle de conditions inégales d’existence par rapport à ceux qui tra-vaillent mènent les gens qui en font l’expé-rience à penser qu’ils sont, dans leur nature, dans leur chair, par leur rang ou leur âge, «inemployables», «inutiles au monde» (Castel, 1995). Ces perceptions s’accompagnent couramment de sentiments de dévalorisation, de frustrations sociales et de mésestime de soi. Il y a sans doute là une injure faite à leur digni-té d’homme, de femme, de travailleur et de travailleuse, à être ainsi jugés sur la place publique sur ce qu’ils ont droit, ce qu’ils méri-tent, ce dont ils sont encore capables, alors que la société n’a généralement pas reconnu l’effort de travail dont la santé porte les empreintes durables et souvent indélébiles. Dans ce domaine, force est à nouveau de constater les lacunes d’application des mesures législatives de prévention et de répa-ration des risques invalidité. Ces mesures, sous couvert d’une égalité juridique formelle, expriment des inégalités sociales de fait, tant au niveau du fondement et de la définition des incapacités constatées que de leurs traitements ou encore des conditions d’indemnisation, de reclassement et d’accès aux soins. Par exemple, le régime AT/MP ne couvre pas l’ensemble
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des affections qui pourraient relever de son champ. Notamment, il en exclut celles dont les origines sont multifactorielles, faisant intervenir des caractéristiques à la fois person-nelles et professionnelles. Dans les situations de chômage, il est encore plus difficile de prouver l’origine professionnelle d’une atteinte à la santé que le lien au travail est distendu. L’inaptitude de santé constatée sera plus volontiers constituée en référence aux seuls effets pathogènes du chômage. Détournée de son objectif originel, l’orientation en Cotorep est alors conseillée par défaut, comme unmode
de régulation sociale des affections profession-nelles non déclarables et non indemnisables, mais aussi des situations de pauvreté. Ces constats amènent à réfléchir sur les possibi-lités concrètes d’application, de correction et d’évolution aux niveaux prévention et répara-tion des différents régimes de couverture du risque invalidité, afin d’en faciliter l’accès aux chômeurs et aux plus démunis et de manière à faire prévaloir l’antériorité du travail et de l’atteinte professionnelle quand celle-ci est recevable, sur l’établissement et le classement stigmatisant du handicap et de la pauvreté.
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