Aspects pragmatiques de la référence temporelle : indétermination, ordre temporel et inférence - article ; n°112 ; vol.27, pg 39-54
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Aspects pragmatiques de la référence temporelle : indétermination, ordre temporel et inférence - article ; n°112 ; vol.27, pg 39-54

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Description

Langages - Année 1993 - Volume 27 - Numéro 112 - Pages 39-54
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1993
Nombre de lectures 28
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jacques Moeschler
Aspects pragmatiques de la référence temporelle :
indétermination, ordre temporel et inférence
In: Langages, 27e année, n°112, 1993. pp. 39-54.
Abstract
This paper argues for a radical pragmatic and inferential approach of temporal reference assignment. It shows first that temporal
expressions allowing the calculation of temporal reference are undetermined and must be non-literally interpreted and second
that it is possible to formulate, via the notion of causality, a
coreferential solution to the sequencing problem.
Citer ce document / Cite this document :
Moeschler Jacques. Aspects pragmatiques de la référence temporelle : indétermination, ordre temporel et inférence. In:
Langages, 27e année, n°112, 1993. pp. 39-54.
doi : 10.3406/lgge.1993.1660
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lgge_0458-726X_1993_num_27_112_1660Jacques MOESCHLER
Département de linguistique
Université de Genève
ASPECTS PRAGMATIQUES
DE LA RÉFÉRENCE TEMPORELLE :
indétermination, ordre temporel et inference
1. Qu'est-ce que la référence temporelle ?
Partons d'exemples pour tenter de définir ce que peut être la référence
temporelle d'une phrase :
(1) John Kennedy a été assassiné en 1963.
(2) Hier, j'ai rencontré la femme de ma vie.
(3) Zut, il commence à pleuvoir.
(4) Je te téléphonerai demain.
Notons tout d'abord que nous pourrions, en suivant la tradition de la sémantique
formelle, définir la référence temporelle en termes des conditions de vérité des
phrases, à savoir des conditions que doit satisfaire une phrase pour être vraie.
Ainsi, d'un point de vue véri-conditionnel, (1) est vraie si et seulement si John
Kennedy a été assassiné dans le courant de l'année 1963, et fausse autrement ; (2)
est vraie si et seulement si le locuteur a rencontré une femme (qu'il nomme la
femme de sa vie) le jour précédent son énonciation, et fausse autrement ; (3) est
vraie si et seulement si son énonciation est concomitante avec le début de la pluie,
et fausse autrement ; enfin (4) est vraie si et seulement si le locuteur téléphone à son
interlocuteur le lendemain de son énonciation, et fausse autrement. Cette analyse
permet déjà de mettre au jour deux propriétés de la référence temporelle.
(i) Tout d'abord, il y a une asymétrie importante, dans la définition véri-
conditionnelle, entre la référence temporelle passée et la référence temporelle
future. En effet, une phrase au futur ou exprimant une
future est vraie si et seulement si son contenu propositionnel est satisfait, i.e. si ce
que dit son contenu propositionnel est vérifié à l'instant t; ultérieur à t0. En
revanche, une phrase au passé ou à référence temporelle passée a pour condition
de satisfaction la satisfaction de son contenu propositionnel, i.e. le fait que son
contenu propositionnel est vérifié au moment de renonciation.
(ii) En second lieu, les définitions véri-conditionnelles donnent les conditions
de vérité de la phrase, mais ne disent que peu de choses de la référence
temporelle de la phrase. Or, de même que l'assignation de referents est nécessaire
pour interpréter complètement une phrase (et a fortiori lui assigner une valeur de
vérité), on peut faire l'hypothèse qu'il est nécessaire qu'à une phrase tensée soit
assignée sa référence temporelle. En d'autres termes, la valeur de vérité d'une
phrase est fonction de sa référence temporelle.
Mais l'analyse sémantique véri-conditionnelle ne rend pas compte d'un fait
fondamental : la référence temporelle consiste en un segment de la réalité, un
39 commun entre les énoncés (1), (2) et (4). Bien que la référence temporelle soit à
chaque fois spécifiée par une expression temporelle (en 1963, hier, demain), il y a
une différence importante entre ce que signifient ces expressions temporelles et
l'instant qui est visé dans la phrase. En effet, en (3), il est dit que John Kennedy a
été assassiné dans l'année 1963, mais il est communiqué que son assassinat a eu
heu un jour particulier de 1963 (le 22 novembre). Prenons maintenant (5), qui est
apparemment plus littéral que (1) du point de vue de la référence temporelle :
(5) John Kennedy a été assassiné le 22 novembre 1963.
En (5), si le jour de l'assassinat de Kennedy est spécifié, la référence temporelle
n'en demeure pas moins vague : l'assassinat a eu heu à une heure et à une minute
particulières. La référence temporelle de (1) et de (5) est donc un instant particul
ier, et celui-ci peut être désigné, de manière calendaire, soit de manière vague
comme en (3), soit de manière plus précise comme en (5), soit encore de manière
littérale comme en (6) :
(6) John Kennedy a été assassiné le 22 novembre 1963 à 12 heures 30.
Si donc un événement ponctuel peut être approché de manière plus ou moins
précise du point de vue de sa référence temporelle (en 1963, le 22 novembre 1963,
le 22 novembre 1963 à 12 heures 30), on peut se demander quels sont les facteurs
qui déterminent ces variations. Avant de formuler une hypothèse, notons que le
caractère approximatif de la référence temporelle ne rend pas l'énoncé littéral
ement faux, contrairement à d'autres faits d'approximation bien décrits par Sper-
ber & Wilson (1986a). Quelqu'un qui énonce (7) alors que sa fiche de salaire
indique qu'il gagne 9978 francs 25 cts, produit un énoncé littéralement faux :
(7) Je gagne dix mille francs par mois.
En effet, 9 978.25 francs n'implique pas 10 000 francs, alors que, du point de vue
de la référence temporelle, si un événement a eu heu le 22 novembre 1963 à
15 h 50, alors il a eu lieu le 22 novembre 1963, de même qu'il a eu lieu en 1963.
Je ferai l'hypothèse suivante : la référence temporelle d'une phrase est soit
identique, soit incluse, soit inclusive par rapport à la signification littérale de
l'expression temporelle dont elle tire sa référence. Nous avons vu que l'identité
de référence de la phrase et de l'expression temporelle correspondait à
un cas particulier, celui de l'usage httéral. La plupart du temps, la référence
temporelle de la phrase est incluse (comme partie de) dans la référence temporelle
de l'expression temporelle 1. Cependant, un grand nombre d'emplois d'expres-
1. On peut faire l'hypothèse que la relation qui existe, en tout cas au plan calendaire, entre une
expression temporelle et une autre expression temporelle de rang calendaire inférieur, est le résultat
du principe d'identification de Fauconnier (1984) : au déclencheur (expression calendaire superor
donnée) correspond la cible (terme calendaire de rang inférieur). On pourrait ainsi comprendre
l'interprétation jour de l'année pour la mention de l'année, et envisager un connecteur (une
fonction) pragmatique du type :
année - f — > jour de l'année.
L'avantage d'une telle description est qu'elle permet d'expliquer les relations anaphoriques « à la
George Sand » , données ci-dessous :
(i) Anne et moi nous sommes mariés en 1983. Cette année-là, nous avons rencontré Deirdre à
UCLA.
(ii) Anne et moi nous sommes mariés en 1983. Ce jour-là, il y avait une bise noire sur Genève.
40 sions temporelles, notamment déictiques, ont une référence temporelle bien plus
large que leur sens littéral :
(8) A : Jacques, la secrétaire au téléphone !
В : Deux secondes, j'arrive.
(9) Aujourd'hui, les femmes travaillent.
(10) En l'an 2000, c'est-à-dire demain...
Dans chacun de ces exemples, deux secondes, aujourd'hui, demain n'ont pas leur
signification littérale. Le locuteur В en (8), en énonçant deux secondes, communi
que à son interlocuteur qu'il est, au moment de son énonciation, occupé à une
autre activité, et qu'il va y mettre un terme dans les secondes ou les minutes qui
suivent. De même, en (9), le locuteur ne veut pas dire que les femmes travaillent le
jour de son énonciation : aujourd'hui désigne l'époque qui lui est contemporaine.
Similairement, demain en (10) ne signifie pas le jour suivant, mais un futur jugé
proche.
2. Indétermination et non-litt

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