Aux origines de la Révolution en Provence - article ; n°1 ; vol.254, pg 560-569
11 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Aux origines de la Révolution en Provence - article ; n°1 ; vol.254, pg 560-569

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
11 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Annales historiques de la Révolution française - Année 1983 - Volume 254 - Numéro 1 - Pages 560-569
10 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1983
Nombre de lectures 33
Langue Français

Extrait

François-Xavier Emmanuelli
Aux origines de la Révolution en Provence
In: Annales historiques de la Révolution française. N°254, 1983. pp. 560-569.
Citer ce document / Cite this document :
Emmanuelli François-Xavier. Aux origines de la Révolution en Provence. In: Annales historiques de la Révolution française.
N°254, 1983. pp. 560-569.
doi : 10.3406/ahrf.1983.1073
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahrf_0003-4436_1983_num_254_1_1073AUX ORIGINES DE LA REVOLUTION
EN PROVENCE
L'approche du bi-centenaire de la révolution de 1789 va
probablement inciter les historiens à scruter une nouvelle fois le
problème des origines. Si le détonateur peut paraître parisien, la
généralisation des troubles de l'hiver et du printemps de 1789, le
consensus extraordinaire devant la destruction des vieilles structures
politiques et administratives à la fin de l'année peuvent donner à
penser que le fruit était mûr dans l'ensemble du royaume et donc que
les événements de cette année ont eu quelque chose de fatal. C'est
plus ou moins dans ce sens que se sont orientées un certain nombre de
recherches aixoises. On se propose ici de tenter de saisir les signes de
déstabilisation de la société provençale annonciateurs de la crise
finale. Signes ? Il vaudrait mieux parler d'hypothèses car, comme on
va le voir, l'histoire provençale n'est bien souvent encore qu'une
suite de conjectures.
1. Les élites. Tournons-nous d'abord vers les élites que
documents et travaux permettent évidemment de connaître le moins
malaisément. Appartiennent aux élites ceux que leur place dans la
hiérarchie sociale, officielle dans les structures administratives,
judiciaires, religieuses, intellectuelles, dans les fonctions économi
ques enfin, désigne comme les détenteurs du pouvoir, et auxquels
cette possession confère le prestige social qui transcende les inégalités
de revenus et qui engendre peut-être une certaine homogénéité de
comportement, en tout cas une certaine solidarité.
Impossibles actuellement à évaluer numériquement, les élites
résident avant tout dans la ville, mais on les trouve également
présentes, d'une manière ou d'une autre, dans tous les statuts
municipaux, et les archives communales prouvent la plupart du
temps la réalité de cette disposition d'ordre réglementaire.
Les élites peuvent être envisagées de l'intérieur, mais aussi dans
leurs rapports politiques ou économiques avec le reste de la
population ou dans ceux de leurs composantes ; enfin, dans le jeu
complexe des organes et des corps qui les regroupent ou dans lesquels
elles se reconnaissent. AUX ORIGINES DE LA RÉVOLUTION EN PROVENCE 561
C'est évidemment sous le premier angle qu'elles sont le plus
difficiles à envisager. A la veille de la crise révolutionnaire, il n'est
pas interdit d'envisager l'appauvrissement de bien des membres des
couches domainantes de la société provençale. Un certain nombre
d'indices superficiels nous poussent dans cette direction, aussi bien la
réduction de la valeur des charges en Parlement (1) ou en Cour des
comptes, phénomène apparemment général, dans tous le royaume,
que celle des offices de sénéchaussée (2). Pensons, par exemple, que
dans la sénéchaussée d'Aix les charges auraient perdu 89 °/o de leur
valeur en l'espace de 70 ans et qu'un office de conseiller ne
rapporterait plus qu'une centaine de livres à la fin du règne de
Louis XV, soit 0,5 °/o du capital.
Le reste du monde des offices et du barreau n'est peut-être pas
mieux loti. Ainsi pourrait s'interpréter l'attachement farouche des
notaires provençaux au cumul de leurs fonctions avec celles de
procureur pendant le règne de Louis XVI (3), celles-ci étant jugées
plus laucratives que celles-là, et aucune des deux n'étant donnée
comme capable de faire subsister son titulaire. A la fin du siècle, les
différents corps des notaires se montrent favorables à la réduction du
nombre des charges (4). On notera, pour en finir avec ce point, que le
cumul des fonctions n'était pas propre aux seuls notaires.
Dans le sens d'un appauvrissement tendanciel des élites peuvent
encore être proposés quelques arguments. Ainsi la faible emprise
foncière des notables non-ruraux, patente dans les dizaines de
cadastres déjà dépouillés (5), dès que l'on ne retient plus cette vague
catégorie des « bourgeois », elle-même soumise à une première est
imation dans la thèse de R. Baehrel, il y a une vingtaine d'années (6).
On versera encore au dossier les résultats récemment publiés de
Monique Cubbels qui ne crédite pas les parlementaires aixois d'un
esprit capitaliste particulièrement aigu dans l'exploitation de leurs
terres.
(1) M. Cubells, Structure de groupe et rapports sociaux au XVIIIe siècle : les
parlementaires d'Aix : Aix 1980. (thèse dactylographiée).
(2) A.D. B. du Rh. C. 3448.
(3) Ibid., C 2633 à 2635.
(4) Ibid.,C. 2632 et 3557.
(5) F.-X. Emmanuelli, Ville et campagne en Provence aux XVIIe et XVIIIe
siècles : trois sondages. Communication présentée au colloque de Strasbourg en
octobre 1981 (CNRS).
(6) R. Baehrel, Une croissance : la basse Provence rurale (fin XVIe siècle- 1789).
Paris, 1961, p. 400. FRANÇOIS-XAVIER EMMANUELLI 562
Dans ce faisceau de conjectures univoques doivent être relevées
d'incontestables anomalies. La première vient de Marseille. Si
aucune étude systématique de la fortune phocéenne n'a encore été
entreprise, le triplement du nombre des négociants authentiques dans
le courant du siècle (7), les évaluations du flux des affaires en
1775 (8), la richesse des éléments les plus en vue de la ville au début de
la révolution constituent autant d'indices de l'existence autour du
Lacydon d'une belle concentration financière, au moins au profit des
couches supérieures.
La seconde se rencontre à Aix où l'analyse des souscription aux
emprunts royaux d'après 1756 révèle l'existence d'importantes
réserves de capitaux dans les villes, principalement dans la capitale
comtale, avec peut-être une tendance à une meilleure répartition à la
fin du siècle (9). Ce sont les nobles, les parlementaires, certains
avocats, certains notaires qui fournissent la majeure partie des
souscriptions.
Bref, un possible appauvrissement à long terme des couches
supérieures de la société provençale (ce qui n'exclut pas des réussites
individuelles), une prééminence certaine des notables aixois, peut-
être moins nette à la fin du siècle. On mettra ces mouvements en
rapport avec les données de la croissance provençale, telles que
R. Baehrel les a savamment étudiées.
D'autres tensions secouent le monde des élites. Il faudrait ainsi
se demander si la liquidation de la banque marseillaise en 1774 (10),
voulue par le grand négoce contre ce que l'on pourrait appeler un
néo-négoce ultra-spéculatif, n'a pas laissé de traces dans la haute
société phocéenne. L'entrepreneur sans grands moyens initiaux a-t-il
pu retrouver la place qui avait été la sienne dans les trois premiers
quarts du siècle ?
D'autre part, l'impression qui se dégage d'une étude sommaire
de l'état-civil est celle d'une juxtaposition de micro-sociétés
fortement marquées par l'endogamie et l'endorelation ; même si
existent entre elles des passerelles et de très fortes communautés de
vues nées de la formation juridique ou des activités d'exportation.
(7) C. Carrière, Négociants marseillais au XVIIIe siècle. Marseille 1973.
(8) F.-X. Emmanuelli, La crise marseillaise de 1774 et la chute des courtiers,
Marseille 1979, p. 22.
(9) F.-X. Pouvoir royal et vie régionale au déclin de la monarchie.
Lille 1974.
(10) L. Calzaroni, L 'affaire des courtiers royaux au XVIIIe siècle. Aix 1952. AUX ORIGINES DE LA RÉVOLUTION EN PROVENCE 563
Enfin, on doit envisager l'hypothèse d'un ébranlement de la
double structure verticale et collective de la famille dans le milieu des
élites, que les aventures d'un Mirabeau symbolisent outrancièrement.
Près de la moitié du gros millier de lettres de cachet de familles
conservées entre 1745 et 1789 viennent de cinq centres urbains,

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents