Distances esthétiques, proximités sociales. Les conditions de l’élaboration du jugement critique des publics du Festival d’Avignon - article ; n°1 ; vol.83, pg 47-64

Emmanuel Ethis

Description

Communications - Année 2008 - Volume 83 - Numéro 1 - Pages 47-64
Au Festival d’Avignon, ce ne sont pas des spectateurs de théâtre comme les autres auxquels on a affaire. Avec le temps, Avignon est devenue une ville-Festival transfigurée par les attentes multiples de ses spectateurs-festivaliers. Chacun espère y trouver théâtre à son goût, et retrouver l’intensité, l’émotion originelle d’un premier grand moment de théâtre. C’est sans doute la raison pour laquelle le Festival d’Avignon est à ce point porteur de grandes aspirations, mais aussi de grandes déceptions.
Audiences at the Festival of Avignon are different from any other type of audience. Over the course of time, Avignon has become a festival town transfigured by the various expectations of its festival audiences. Everyone hopes to attend performances suited to their own taste, and experience anew the intensity and original emotion of a great theatrical moment. No doubt this is the reason why the Festival of Avignon is the theatre of so many great expectations as well as so many huge disappointments.
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: COMMUNICATIONS
• Publié le: 01 janvier 2008
• Nombre de lectures: 48
• Langue: Français

Extrait

Emmanuel Ethis

Distances esthétiques, proximités sociales

Les conditions de l’élaboration du jugement critique des publics du Festival d’Avignon

e 1 25 juillet 2007. Le 61 Festival d’Avignon touche à sa fin . Le TGV Avignon-Paris est bondé de journalistes qui officient dans les pages et les rubriques « Culture » des médias nationaux et qui, leur séjour dans l’ancienne cité des papes achevé, repassent quelques jours par la capitale avant de repartir pour le Festival de Locarno. Après avoir eu les honneurs duFigarola veille,Les Simpsonsquattent la première page du quotidien Libération. Le film attendu depuis si longtemps va enfin sortir. En guise de conclusion éditoriale, pour justifier queLes Simpsonsont le fait cultu- rel dont on doit parler, les journalistes Émilie Arlet et Bruno Isher écri- vent : «Les Simpsonpeuvent même s’offrir le luxe de dénoncer la mal- bouffe et de devenir l’emblème d’une campagne de pub pour une chaîne de fast-food. Peut-être qu’au fond, nous sommes tous un peu devenus ces banlieusards de ville moyenne, se nourrissant de hamburgers, de gâteaux et de bière bon marché avec pour unique horizon culturel le barbecue du week-end et les pires émissions de télévision. » Le même quotidien réputé pour prendre la mesure de l’air du temps consacre un quart de page au Festival « in » d’Avignon : compte rendu critique de la pièceHippolyte mise en scène par Robert Cantarella. Les publics qui ont assisté aux premières étaient partagés. Certains y ont vu un bijou d’intelligence, d’autres une débauche d’argent public mis au service d’un travail her- métique. D’autres enfin, se faisant les interprètes de leur propre expé- rience esthétique, préféraient opter pour une position en surplomb : « À Avignon, le problème n’est pas d’aimer ou de ne pas aimer, mais de partager une vision avec un metteur en scène qui nous enseigne quelque chose de différent. On vient ici pour vivre une rupture avec les valeurs de l’esthétique traditionnelle. Et quand je dis ici, je parle bien de tout ce qui se passe dans le “in”, hormis la Cour d’honneur, qui est faite pour les gogos qui aiment les choses plus faciles, plus grand public. » Excédé, un jeune homme venu là en tant que spectateur pour la première fois 47