Du discours au discours par l usage : pour une problématique de l exemple - article ; n°1 ; vol.106, pg 95-120
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Du discours au discours par l'usage : pour une problématique de l'exemple - article ; n°1 ; vol.106, pg 95-120

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Langue française - Année 1995 - Volume 106 - Numéro 1 - Pages 95-120
Alain REY : Towards a problematics of the example. Starting from a selection of texts and/or spoken language, dictionaries cannot but extract (exemplum), show or illustrate (paradigma), and quote (citatio) phrases and sentences that are supposed to represent a language ; in fact they construct an ideal state of language properly called a norm. Examples and illustrations in dictionaries constitute the core of their more or less creative aspect in politics. With definitions and semantic analysis which are often inspired by examples, illustration and quotation form their main witnesses of cultural ideology. French lexicography, in particular, is linked to social and cultural values as these are embodied in literature, which comprises in fact only a very small part of the total speech (Saussurean « parole ») in a language. Thus, the choice of examples dictionaries make is one of the best possible ways to understand how a society chooses to construct its own linguistic model and norm.
26 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1995
Nombre de lectures 58
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Alain Rey
Du discours au discours par l'usage : pour une problématique de
l'exemple
In: Langue française. N°106, 1995. pp. 95-120.
Abstract
Alain Rey : Towards a problematics of the example.
Starting from a selection of texts and/or spoken language, dictionaries cannot but extract (exemplum), show or illustrate
(paradigma), and quote (citatio) phrases and sentences that are supposed to represent a language ; in fact they construct an
ideal state of language properly called a norm.
Examples and illustrations in dictionaries constitute the core of their more or less creative aspect in politics. With definitions and
semantic analysis which are often inspired by examples, illustration and quotation form their main witnesses of cultural ideology.
French lexicography, in particular, is linked to social and cultural values as these are embodied in literature, which comprises in
fact only a very small part of the total speech (Saussurean « parole ») in a language. Thus, the choice of examples dictionaries
make is one of the best possible ways to understand how a society chooses to construct its own linguistic model and norm.
Examples and illustrations in dictionaries constitute the core of their more or less creative aspect in politics. With definitions and
semantic analysis which are often inspired by examples, illustration and quotation form their main witnesses of cultural ideology.
French lexicography, in particular, is linked to social and cultural values as these are embodied in literature, which comprises in
fact only a very small part of the total speech (Saussurean « parole ») in a language. Thus, the choice of examples dictionaries
make is one of the best possible ways to understand how a society chooses to construct its own linguistic model and norm.
Citer ce document / Cite this document :
Rey Alain. Du discours au discours par l'usage : pour une problématique de l'exemple. In: Langue française. N°106, 1995. pp.
95-120.
doi : 10.3406/lfr.1995.6446
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_1995_num_106_1_6446Alain REY
DU DISCOURS AU DISCOURS PAR L'USAGE :
POUR UNE PROBLÉMATIQUE DE L'EXEMPLE
Dans un essai de typologie des dictionnaires *, j'adoptais comme point de
départ l'idée que le discours lexicographique, dont l'objectif est non pas de
donner une image, même partielle et déformée, d'une langue, mais une image de
certains usages de cette langue, était issu de procédures heuristiques et didacti
ques portant sur un discours premier, réalisé ou virtuel. Ce discours-source,
formé de la totalité théorique de la parole saussurienne pour un système linguis
tique donné 2, est en pratique réduit à un corpus fini ou à un ensemble indé
terminé d'énoncés (observés, modifiés ou produits ad hoc).
Dans le premier cas, un corpus sélectionné fournit par extraction, puis par
mise en mémoire un stock d'énoncés et de fragments d'énoncés déterminés par un
choix-découpage. Ces énoncés sont restitués dans le contexte spécifique du
dictionnaire. Dans le second, le discours source est virtuel ; c'est l'aptitude
discursive (une « compétence », si l'on veut) qui produit, selon des stratégies
propres, une production « exemplifiante ».
Le premier univers est celui de la philologie ; le second, celui d'une pratique
didactique et rhétorique propre au dictionnaire.
Dans les deux cas, on part du discours ou de la diseur sivité dans une langue,
en faisant agir de nombreux cribles, et on va vers cet autre discours, sé-
miotiquement complexe, hétérogène, démonstratif, idéologique-culturel, didac
tique et passablement pervers qu'est le discours lexicographique, responsable du
texte des dictionnaires de langue.
Ce n'est pas seulement l'histoire des théories linguistiques qui peut en
rendre compte, mais celle des théories et des pratiques langagières, didactiques,
encyclopédiques, rhétoriques — et bien d'autres, jusqu'aux politiques de la
langue.
Extraire, montrer, invoquer
En France, l'exemple de dictionnaire a été étudié notamment par Quemada,
Dubois, Rey-Debove, R. Martin, sans parler des études spécifiques. Ces études
1. « Typologie génétique des dictionnaires » in Le Lexique, images et modèles, A. Colin, 1977.
2. Concept étudié par Klaus Heger sous le nom de « sigma parole » — cf. Heger К., 1968 :
« Sémantique et dichotomie de langue et parole » : Travaux de linguistique et de littérature, Stras
bourg, n° VII- 1, p. 47 et sq.
95 restent en général valables et leurs points de vue complémentaires (philologique,
historique, socio-didactique, sémio tique. . . ) leur permettent d'aborder la plupart
des problèmes de Г exemplification dans les dictionnaires de langue (ceux que
posent les ouvrages encyclopédiques sont profondément différents). Cependant,
le concept d'exemple, pris généralement, s'inscrit dans une longue tradition,
essentiellement rhétorique et en partie juridique. Le rappeler permet de dégager
un arrière-plan qui n'a jamais disparu des problématiques modernes, mais qui a
souvent été occulté.
I. Le mot et la notion
1. Le mot
Le latin exemplum apparaît avec une valeur concrète. Tout d'abord il
désigne un échantillon, une copie exacte, et notamment un objet choisi dans une
collection ou une catégorie, objet qui est isolé et montré pour servir de modèle. De
là le sens second de « modèle à imiter ». Le mot vient de eximere, au supin
exemptum, « extraire, retirer (d'un ensemble) ». C'est un préfixé de emere
« prendre », puis « acheter ».
En emploi abstrait, exemplum est utilisé en rhétorique et sert alors
d'équivalent au grec paradigma, plus technique et toujours abstrait, et qui vient
de para-deigma, du verbe deiknunai « montrer ».
Ces indications ne suggèrent pas une quelconque « preuve par
l'étymologie » , mais rappellent deux concepts sources :
paradigma « ce qui est montré » ,
exemplum « ce qui est extrait » ,
alors que citatio correspond à « ce qui est appelé, invoqué ».
Ces trois concepts jouent encore dans le sémantisme A"1 exemple (et dans celui
de citation), quelles que soient ses applications particulières.
En français, esemple, attesté au XIe s., refait savamment en exemple, est
d'abord attesté pour « nouvelle, bruit qui se répand » et « récit tirant un
enseignement moral d'un fait ».
Ces valeurs archaïques font la synthèse entre deux types de fonctions
exemplifiantes : une fonction narrative, rhétorique et informative, et une fonc
tion pédagogique et morale. Elles évoquent d'une part un univers de discours, de
l'autre une valeur sémantique informative et didactique.
A partir du XIIe s. , on se rapproche du sens moderne qui est surtout moral et
didactique.
Des extensions surviennent dès l'ancien français où exemple s'applique aussi
à une personne digne d'être imitée (fin XIIe s.) ainsi qu'à un châtiment servant de
96 leçon (1381). L'accent est alors mis sur les effets, sur la finalité de l'exemple, sur
un contenu pragmatique en rapport avec l'imitation et avec l'action corrective
(punition et peine à effet éthique). Le contexte culturel est évidemment chrétien ;
alors Vexemplum est à la fois un signe et un moyen d'action pour assurer le règne
du divin (cf. Г Imitation de Jésus-Christ).
Dans l'état actuel de nos connaissances, le mot ne s'applique à un passage de
texte cité pour servir d'attestation qu'au XVIe s. (1573, Dictionnaire français-
latin de R. Estienne : Woolridge 3). La valeur d'exemple-modèle semble ne se
répandre, surtout en grammaire, qu'au milieu du XVIIe s. Un peu plus tard, on dit
une exemple pour désigner un modèle d'écriture donné aux écoliers (« terme de
Maître à écrire », dit Richelet).
Dans la langue classique, on trouve surtout, en matière de dictionnaire, les
termes autorité, citation et phrase tirée des Auteurs. Ainsi, Richelet ne men
tionne pas le sens linguistique de exemple, sous cette entrée.
Notre emploi actuel d'exemple — en matière de dictionnaires — semble à la
fois une spécialisation du sens général (servir d'exemple à..., phrase dont on
trouve un exemple dans...), et une extension de l'usage des grammairiens. En
outre, l'opposition entre la notion de « citation » (le terme citation ét

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