Du sicilianisme à l histoire de la Sicile - article ; n°2 ; vol.110, pg 853-875
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Mélanges de l'Ecole française de Rome. Italie et Méditerranée - Année 1998 - Volume 110 - Numéro 2 - Pages 853-875
Jean-Yves Frétigné, Du sicilianisme à l'histoire de la Sicile, p. 853-875. L'histoire du mezzogiorno italien a été très longtemps étudiée au travers du prisme du méridionalisme. Depuis les années 1970, un profond renouveau historiographique permet de connaître le Mezzogiorno réel, au-delà de sa représentation/déformation par les méridionalistes. Ce renouveau a été particulièrement important pour l'histoire de la Sicile. La représentation d'une Sicile intemporelle et immobile, où «l'histoire est quasi pétrifiée dans la nature» (Giarrizzo) est encore très vivace dans les esprits. L'idéologie sicilianiste au service du baronnage a su créer l'illusion d'une particularité irréductible de l'île. Quant aux écrivains siciliens des XIXe et XXe siècles, ils ont beaucoup contribué à diffuser l'image de la Sicile comme terre de non-histoire ou du moins comme terre marquée par une histoire difficile, spéciale et différente. Depuis plus de vingt ans, une nou- (v. au verso) velle génération d'historiens tord le cou à ce stéréotype de la Sicile où depuis l'Unité tout aurait changé pour que rien ne change.
23 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1998
Nombre de lectures 31
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jean-Yves Frétigné
Catherine Brice
Marie-Anne Matard-Bonucci
Du sicilianisme à l'histoire de la Sicile
In: Mélanges de l'Ecole française de Rome. Italie et Méditerranée T. 110, N°2. 1998. pp. 853-875.
Résumé
Jean-Yves Frétigné, Du sicilianisme à l'histoire de la Sicile, p. 853-875.
L'histoire du mezzogiorno italien a été très longtemps étudiée au travers du prisme du méridionalisme. Depuis les années 1970,
un profond renouveau historiographique permet de connaître le Mezzogiorno réel, au-delà de sa représentation/déformation par
les méridionalistes. Ce renouveau a été particulièrement important pour l'histoire de la Sicile. La représentation d'une Sicile
intemporelle et immobile, où «l'histoire est quasi pétrifiée dans la nature» (Giarrizzo) est encore très vivace dans les esprits.
L'idéologie sicilianiste au service du baronnage a su créer l'illusion d'une particularité irréductible de l'île. Quant aux écrivains
siciliens des XIXe et XXe siècles, ils ont beaucoup contribué à diffuser l'image de la Sicile comme terre de non-histoire ou du
moins comme terre marquée par une histoire difficile, spéciale et différente. Depuis plus de vingt ans, une nouvelle génération
d'historiens tord le cou à ce stéréotype de la Sicile où depuis l'Unité tout aurait changé pour que rien ne change.
Citer ce document / Cite this document :
Frétigné Jean-Yves, Brice Catherine, Matard-Bonucci Marie-Anne. Du sicilianisme à l'histoire de la Sicile. In: Mélanges de
l'Ecole française de Rome. Italie et Méditerranée T. 110, N°2. 1998. pp. 853-875.
doi : 10.3406/mefr.1998.4592
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mefr_1123-9891_1998_num_110_2_4592JEAN-YVES FRÉTIGNÉ
DU SICILIANISME À L'HISTOIRE DE LA SICILE
«Mezzogiorno senza meridionalismo»*
La question méridionale est une expression courante, familière, abon
damment utilisée pour caractériser l'histoire et l'actualité du mezzogiorno
italien. Selon le jugement d'Amedeo Lepore, «les études sur la question mér
idionale, sur les problèmes de l'arriération et du développement écono
mique en Italie représentent, par la taille et le nombre, ainsi que par la va
riété des thématiques examinées, un aspect fondamental - on pourrait
peut-être dire le filon principal - de la recherche historico-économique de
l'Italie»1. Ensemble de problèmes dont le principal est le déséquilibre entre
le Nord et le Sud, la question méridionale doit être considérée d'un double
point de vue. Elle est :
- L'histoire des mouvements culturels et politiques qui ont dénoncé les
causes et les modalités du déséquilibre économico-social entre le nord et le
sud...2;
- L'histoire des conditions réelles et des processus concrets de trans
formation [du Mezzogiorno] en relation avec le développement d'ensemble de
la société italienne...3.
Il est assez difficile de démêler ces deux approches qui entretiennent
entre elles un lien très fort puisque les intellectuels méridionalistes ont
étayé leurs critiques et leurs solutions de recherches statistiques, d'analyses
sur des thèmes spécifiques, de monographies ou de grandes fresques à ca
ractère historique qui constituent des sources pour l'historien qui étudie le
midi italien. L'aspect duel de la question méridionale est pourtant de
* Titre d'un recueil d'articles de Giuseppe Giarrizzo publié par les éditions Mar-
silio de Venise en 1992.
1 A. Lepore, La questione meridionale prima dell'intervento straordinarìo , Man-
duria-Bari-Roma, 1991, p. 13.
2 Dans le corps de notre article, nous appellerons ce mouvement culturel : la
pensée meridionaliste ou le méridionalisme.
3 G. Barone, // lato inedito dell'altra metà d'Italia, dans / viaggi di Erodoto, anno
3, n° 8, agosto 1989, p. 48.
MEFRIM - 110 - 1998 - 2, p. 853-875. JE AN- YVES FRÉTIGNÉ 854
mieux en mieux pris en compte par les chercheurs des sciences humaines
et sociales qui s'efforcent de distinguer l'histoire de la question méridionale
proprement dite - c'est-à-dire des différents courants méridionalistes - et
l'histoire du Mezzogiorno. Longtemps, l'historiographie a massivement
privilégié la recherche sur les origines et le développement des constats et
des solutions politiques proposées par les méridionalistes depuis l'Unité,
négligeant l'histoire du midi italien. L'ancienneté des écrits méridionalistes
contemporains des premières années du cycle unitaire, leur présence tout
au long de l'histoire italienne jusqu'aux années 1990, font du méridiona-
lisme un enjeu historiographique à la fois classique et toujours riche de dé
veloppements nouveaux. La confusion entre ces deux aspects de la ques
tion méridionale explique : « le sacrifice d'une histoire du Mezzogiorno tou-
jours repoussée au profit d'un inventaire usé des idées sur le
mezzogiorno»4. Des travaux remarquables ont présenté, sous forme d'an
thologie raisonnée, le corpus des thèses des principaux intellectuels mérid
ionalistes. Dans ces études, le plus souvent, une ou quelques figures de
méridionalistes sont privilégiées au nom d'un choix où s'imbriquent étro
itement les analyses scientifiques et les motivations politiques et morales5.
Ce mélange entre science et politique, assumé dans la plupart des cas avec
clairvoyance, conduit trop souvent à utiliser sans filtre critique les thèses et
les appréciations des premiers méridionalistes au point d'en faire le para
mètre unique de références6. Les chercheurs courent alors le risque de dé
crire le mezzogiorno italien en recourant aux mêmes stéréotypes. Figé
dans la tradition, embourbé dans des structures économiques, sociales et
politiques arriérées, telle est l'image du Mezzogiorno qu'ont encore
nombre d'Italiens7. Condamné au sous-développement par la politique
économique de l'État, le Sud est exploité, depuis 1861, par le Nord (thème
du rapport colonial) qui ne reconnaît pas qu'il existe deux Italie et accentue
dans le même temps ce déséquilibre en pompant par l'impôt les richesses
du sud à son seul profit, sacrifiant l'agriculture méridionale sur l'autel de
l'industrialisation. L'État unitaire est encore accusé de laisser en place les
structures féodales qui régissent les rapports économiques et politiques du
4 Ibid., p. 49.
5 M. L. Salvadori privilégie G. Salvemini et A. Granisci; G. Galasso F. S. Nitti;
S. M. Ganci Ν. Colajanni...
6 L'enjeu n'est pas tant de montrer la justesse des analyses des premiers méri
dionalistes que de souligner la pertinence de tel ou tel intellectuel qui a su dépasser
ce corpus de thèses ou le retravailler dans une optique nouvelle et féconde.
7 Selon Giuseppe Barone, les médias, la littérature, mais aussi les manuels sco
laires y sont pour beaucoup. DU SICILIANISME À L'HISTOIRE DE LA SICILE 855
midi agricole dominé par la propriété latifundiaire avec ses plèbes rurales
qui oscillent entre la passivité fataliste et la jacquerie sans espoir. L'État est
encore le grand absent qui ne se manifeste que pour piémontiser les méri
dionaux tenus pour inférieurs et dangereux. Cette description sommaire du
mezzogiorno italien sort tout droit des enquêtes des méridionalistes. La
conception des premiers méridionalistes soucieux de dénoncer les entraves
étatiques au développement du midi, en particulier avant la première
guerre mondiale, devient trop souvent sans aucune prise de distance cri
tique, sans aucun recul méthodologique, la réalité du midi italien. La
confusion est alors complète entre l'histoire du Mezzogiorno et l'histoire
des phases initiales de la pensée meridionaliste.
Depuis un peu plus de vingt ans, l'historiographie du Mezzogiorno
contemporain connaît pourtant un processus de révision très accentué qui
pourrait se résumer par la formule qui sert de titre à un recueil d'articles de
Giuseppe Giarrizzo, Mezzogiorno senza meridionalismo. Pour les historiens
qui suivent ce mot d'ordre, il est urgent d'écrire l'histoire du midi italien
pour lui-même, en replaçant la pensée meridionaliste à sa juste place de

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