Etude de cas : analyse d un discours de chômeur en situation d entretien (entretien avec Michel Sapin) - article ; n°1 ; vol.46, pg 108-118
12 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Etude de cas : analyse d'un discours de chômeur en situation d'entretien (entretien avec Michel Sapin) - article ; n°1 ; vol.46, pg 108-118

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
12 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Mots - Année 1996 - Volume 46 - Numéro 1 - Pages 108-118
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1996
Nombre de lectures 72
Langue Français

Extrait

Danielle Carassik
Etude de cas : analyse d'un discours de chômeur en situation
d'entretien (entretien avec Michel Sapin)
In: Mots, mars 1996, N°46. pp. 108-118.
Citer ce document / Cite this document :
Carassik Danielle. Etude de cas : analyse d'un discours de chômeur en situation d'entretien (entretien avec Michel Sapin). In:
Mots, mars 1996, N°46. pp. 108-118.
doi : 10.3406/mots.1996.2067
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mots_0243-6450_1996_num_46_1_2067CARASSIK0 Daniele
Etude de cas : analyse d'un discour
de chômeur en situation d'entretien
(entretien avec Michel Sapin)1
Le livre La misère du monde présente les témoignages de
personnes vivant en situation de souffrance, publiés
sous forme de « parole donnée » par des sociologues à des personnes
qui généralement n'ont pas la parole ou ne la prennent pas. Il
s'agit de restitutions d'entretiens sociologiques menés rigoureuse
ment, dans une longue postface (sur laquelle nous reviendrons plus
loin2), dont la publication se révèle source de difficultés et de
questionnements auxquels l'analyste du discours ne peut manquer
de se confronter lorsqu'il choisit d'étudier ces textes.
Notre étude s'inscrit au croisement de la pluralité énonciative et
de l'hétérogénéité énonciative, dans le cadre des théories de renonc
iation, en particulier de l'approche dialogique du discours. Par
hétérogénéité nous entendons, à la suite de
D. Maingueneau et J. Authier, la rencontre dans la même unité
discursive d'éléments rapportables à des sources d'énonciation dif
férentes3. Etudier les formes d'hétérogénéité énonciative dans le
discours de Michel Sapin nous est apparu comme le moyen
d'approfondir l'écoute de son discours et de sa souffrance. Précisons
d'emblée qu'il ne nous est pas permis d'en tirer des conclusions
générales sur les productions discursives des chômeurs en général,
puisqu' aucune étude comparative avec des textes d'autres chômeurs
n'a été menée et qu'il s'agit ici uniquement d'une étude de cas.
0 Service d'information du gouvernement, 19 rue de Constantine, 75007, Paris.
1. La misère du monde, sous la direction de P. Bourdieu, Pans, Le Seuil, 1993,
p. 585 — 590 (coll. « Libre Examen »).
2. « Comprendre », La misère du monde, op. cit., p. 903 — 925.
3. D. Maingueneau, L'analyse du discours, introduction aux lectures de l'archive,
Paris, Hachette, 1991.
108 Dans l'approche dialogique du discours, les paroles sont plurielles.
Elles sont traversées, habitées en permanence par d'autres qu'elles-
mêmes, d'autres paroles que celles énoncées dans le présent par le
locuteur. Depuis M. Bakhtine, on sait que l'on parle toujours avec
les mots des autres, que tout est emprunt, qu'il n'y a pas de
virginité du mot, qu'aucun mot n'est neutre, qu'il est inévitablement
chargé des discours dans lesquels il a déjà vécu d'autres existences
sociales ou culturelles, phénomène que M. Bakhtine appelle « la
saturation du langage»1. De même, depuis Freud, «dire plus que
ce qu'on sait, ne pas savoir ce qu'on dit, dire autre chose que ce
qu'on veut dire, parler pour ne rien dire », entre autres, ne sont
plus des défauts de la langue, ce sont des « propriétés inéliminables
et positives de l'acte de parler»2.
Etudier l'hétérogénéité énonciative d'un discours permet de dé
gager ce qu'on peut appeler, en adoptant une terminologie freu
dienne, des « paroles manquées », que J. Authier appelle les
« coutures apparentes » et qui émergent ça et là dans le discours,
venant démentir l'unité apparente de ce discours, l'unité apparente
du sujet énonciateur. C'est par ces « traces », ces « brisures », ces
« trous » dans son discours que le sujet révèle ce dedans de lui-
même, dans sa complexité constitutive.
D'un point de vue psychanalytique, la parole est le reflet du
sujet ; d'un point de vue sociologique, elle est le reflet de son
positionnement social. Au croisement de ces deux points de vue,
on considérera que la parole est aussi hétérogène et complexe que
le sujet peut bien l'être. Et on posera que la parole est ce lieu, ou
plutôt cet instant créateur, totalement éphémère, où le sujet réalise
son unité indispensable, unité aussitôt dite aussitôt évanouie, parfois
démentie au moment même de son énoncé, et qui est toujours à
reconstruire.
Les particularités discursives du texte de l'entretien
Parmi les particularités de ce texte, l'une, et non la moindre,
réside dans la transcription d'un discours qui, à l'origine, est émis
oralement par les deux tenants de l'échange, à savoir l'enquêté et
1. Séminaire J. Authier, Paris 3, 1993.
2. J.-A. Miller, «Théorie de la langue (rudiment). Adresse au congrès de l'Ecole
freudienne à Rome, le 2 novembre 1974 », Ornicar, 2, 1974.
109 l'enquêteur. Le discours « fini », celui que le lecteur rencontre dans
l'ouvrage, est donc le fruit d'une traduction, d'une réécriture car,
en effet, comme le dit P. Bourdieu, « transcrire c'est nécessairement
écrire, au sens de réécrire /.../ Le passage de l'oral à l'écrit impose,
avec le changement de support, des infidélités » l.
Ces infidélités sont précisées par les auteurs :
« On a dû parfois prendre le parti d'alléger le texte de certains
développements parasites, de certaines phrases confuses, des chevilles
verbales ou des tics de langage (les "bon" et les "euh") qui brouillent
et embrouillent la transcription /.../ Mais on n'a jamais remplacé un mot
par un autre, ni transformé l'ordre des questions ou le déroulement de
l'entretien et toutes les coupures ont été signalées » 2.
Pour la présente étude, nous avons pris le parti de faire crédit
aux responsables de la publication, en l'occurrence, pour cet entretien
G. Balazs et L. Pinto, d'avoir conservé intactes les principales
caractéristiques discursives de l'énoncé de Michel Sapin.
En second lieu, on relèvera la particularité de la situation
d'énonciation. L'énonciateur, Michel Sapin, produit son discours
dans une situation spécifique qui est celle d'un entretien sociologique
en face à face. Or tout acte d'énonciation est constamment habité
par la présence d'un co-énonciateur ou destinataire. Chaque énoncé
est le produit de cet événement unique qu'est son énonciation
rapportée à la situation d'énonciation, situation qui prend en compte
les personnes, le lieu, le temps, etc., de la communication. Cela
est particulièrement évident lors d'une conversation : la parole est
constamment menacée par le co-énonciateur pouvant intervenir à
tout moment. Cette ingérence du est prise en consi
dération par P. Bourdieu lui-même, lorsqu'il parle de « distorsions »
qui s'inscrivent dans la structure même de la relation d'enquête.
P. Bourdieu alerte en particulier sur les effets qui ne manquent pas
d'être produits « sans même le savoir, par cette sorte d'intrusion
toujours un peu arbitraire qui est au principe de l'échange»3. Or,
ici, il ne s'agit pas d'un échange «parmi d'autres»: ce n'est pas
la même chose de parler de son chômage à un ami ou à un
potentiel employeur ou à un sociologue.
Le choix d'adopter le discours direct pour rapporter les entretiens
en vue de leur publication, c'est-à-dire de leur présentation au
1. «Comprendre», La misère du monde, op. cit., p. 921.
2. Ibid., p. 921-922.
3.p. 905.
110 doit attirer l'attention. Les sociologues ont pris le parti de public,
concentrer leurs commentaires dans un texte de présentation qui se
situe avant chaque texte d'entretien, jugeant que rapporter direct
ement le discours de l'enquêté, par le truchement d'une mise entre
guillemets, constituerait les marques de fidélité et de distanciation
les plus grandes qu'ils entendent manifester dans leur démarche. Le
disc

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents