Fontenoy : une bataille, un homme, un dialogue (XVIIIe siècle) - article ; n°4 ; vol.4, pg 479-495
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Description

Histoire, économie et société - Année 1985 - Volume 4 - Numéro 4 - Pages 479-495
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1985
Nombre de lectures 27
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Eric de Saint-Denis
Fontenoy : une bataille, un homme, un dialogue (XVIIIe siècle)
In: Histoire, économie et société. 1985, 4e année, n°4. pp. 479-495.
Citer ce document / Cite this document :
Saint-Denis Eric de. Fontenoy : une bataille, un homme, un dialogue (XVIIIe siècle). In: Histoire, économie et société. 1985, 4e
année, n°4. pp. 479-495.
doi : 10.3406/hes.1985.1406
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hes_0752-5702_1985_num_4_4_1406FONTENOY :
Une bataille, un homme, un dialogue
par Eric de SAINT-DENIS
« Marignan : 1515 ! », « Messieurs les Anglais, tirez les premiers ! » La mémoire
historique française égrène ainsi les faits, les dates et les siècles, souvent sans aucun
sens réel du passé. Si Marignan reste dans notre souvenir national l'exemple type de
l'événement détaché de son contexte, la bataille de Fontenoy a laissé dans notre
conscience collective tout autre chose qu'une simple date, au reste totalement ou
bliée. Grâce à son « Messieurs les Anglais ! », que personne ne rattache plus à la
bataille, elle s'y est taillé une place à part, unique. Stéréotype de la guerre en dent
elles, preuve éclatante de la courtoisie française, diront certains ; peut-être, mais
cette apostrophe a surtout permis à Voltaire, relayé par quelques historiens et l'e
nsemble de nos manuels scolaires, de créer ce qui demeure aujourd'hui un des plus
grands mythes historiques français (1).
Fontenoy, avant de devenir le mythe que nous connaissons, résultat exemplaire
de l'effet du temps sur l'Histoire, fut avant tout une grande bataille, à défaut d'une
grande victoire. Octobre 1 740 : la mort de l'empereur Charles VI déclenche la guerre
de succession d'Autriche. La France, d'abord simple soutien militaire dans la coalition
anti-autrichienne, devient un belligérant à part entière, puis la clef de voûte de cette
coalition. Louis XV, pris dans l'engrenage de la guerre, ne désire qu'une seule chose,
en sortir. Or, la paix n'est proposable qu'en position de force. Pour frapper un grand
coup, il choisit Tournay, bastion de la Barrière des Flandres, que la bataille de Fon
tenoy fera tomber, donne le commandement au maréchal de Saxe qui s'y est déjà
fait brillamment remarquer, et décide de s'y rendre en personne, accompagné pour la
première fois sur le champ de bataille par le Dauphin. Toutes les conditions sont
réunies pour créer « l'événement-Fontenoy ».
Le 11 mai 1745, la plaine de Fontenoy voit les troupes anglo-austro-hollandaises
attaquer les retranchements français. Jusque vers neuf heures, trois attaques ennemies
succèdent aux traditionnels échanges d'artillerie : à droite, les Hollandais contre le
village d'Anthoing, au centre, les troupes anglo-hanovriennes contre les redoutes du
bois de Barry, et à gauche, les Gardes anglaises contre le village de Fontenoy. Trois
attaques, trois échecs. Mais bientôt, compacte et décidée, une colonne anglaise s'en
fonce au cœur des troupes françaises, et passe Fontenoy. A treize heures, la déroute
française semble certaine, et seules les dernières charges de cavalerie réussissent enfin
à stopper la colonne. Un ultime effort, auquel participe la Maison du Roi, transforme
une défaite quasi-assurée en une soudaine victoire, de justesse ! La colonne se disloque,
les Anglais font retraite. Sauvant son roi, perdant plus de sept mille hommes (2), la
France vient de remporter la plus grande bataille du XVIIIe siècle. 480 HISTOIRE ÉCONOMIE ET SOCIÉTÉ
Parvenue jusqu'à nous sous l'appellation de Fontenoy, elle n'a cependant pas
toujours fait l'unanimité sur son nom. Le 1 1 mai, les lettres de Louis XV et du Dau
phin à la Reine (3) parlent de « la bataille », personne ne songeant encore à la nommer
particulièrement. Dès le lendemain, le Dauphin évoque « l'affaire à qui on donne le
nom de Fontenoy » (4), et alors qu'il écrit à sa mère le même jour, son vocabulaire
s'est déjà fixé en parlant de « sa joie de la victoire de Fontenoy » (5). Par contre,
d'autres textes font mention de « la bataille d'Anthoing », sous des orthographes
variées (6). Les deux villages se font concurrence quelque temps, et Fontenoy, les
moments décisifs de la bataille s'y étant déroulés, finit par l'emporter. La dynamique
de l'événement en impose logiquement le nom, avant même que le pouvoir ne l'utilise
à des fins de propagande. Sa réalité prime sur les déformations qui en seront faites
par la suite.
Celles-ci apparaissent dès que le pouvoir, ou une de ses composantes, pense qu'il
peut y avoir, au delà de l'événement, un quelconque avantage à tirer. La bataille de
Fontenoy fourmille de ces faits militaires quelquefois sans importance, qui, exploités
par la propagande, deviendront des symboles de la victoire française.
Les multiples versions du rôle de la Maison du Roi au cours des charges décisives
de la bataille, nous en donnent le meilleur exemple. Notons qu'au XVIIIe siècle,
lorsque nos documents parlent de « Maison du Roi », c'est, en fait, de la seule caval
erie dont, il s'agit. Troupe d'élite minutieusement recrutée, symbole par excellence
de la sauvegarde de la monarchie, elle est, de par sa nature, conditionnée pour jouer
le rôle qu'on lui attribue à Fontenoy. Quelle que soit la façon dont elle s'est acquittée
de sa tâche, si elle s'en est acquittée, la propagande, au service de la gloire du roi et
de sa Maison, fait fi de la réalité. Les premières correspondances officielles ne man
quent pas d'éloges à son sujet (7). Recopiées, passant de main en main, quelquefois
placardées sur les murs de Paris, ces lettres jouent un rôle d'information similaire à
celui des journaux d'aujourd'hui. Elles ont alors une influence considérable sur l'opi
nion, et bientôt, il n'y a plus de doute, « sans la Maison du Roi, la bataille (était)
perdue » (8). Ce sentiment est repris par tous les textes de l'époque, à commencer
par celui de Voltaire (9). Il n'y a pourtant pas unanimité sur la question.
Sur la forme, la plupart des écrits insistent sur la foudroyante relation de cause à
effet : la Maison du Roi a-t-elle seulement le temps de charger que la victoire est
acquise ! Mais dans certains mémoires, non destinés à la publication (10), donc peu
soupçonnables de visées de propagande, la Maison du Roi n'est pas toujours aussi
rapidement victorieuse : elle doit charger à plusieurs reprises, et quelquefois sans
aucun panache, « à toutes jambes en débandade », a même écrit le maréchal de Sa
xe (11). Le document le plus surprenant à cet égard, est une lettre du Dauphin à sa
femme (12) : « On les fit charger jusqu'à quatre fois par la Maison du Roi », lui écrit-
il. Le Dauphin admet ainsi lui-même les difficultés rencontrées par la cavalerie royale
dans l'accomplissement de sa mission. La diversité de nos sources nous permet donc
de remettre le rôle de la Maison du Roi à sa juste place.
Mais si sur la forme, il existe des divergences, l'accord est unanime sur le fond :
quelle qu'en soit la manière, elle a bien chargé. Or, en 1972, un érudit auvergnat
cite dans un article (13) une lettre d'un mousquetaire de la Maison du Roi allant à
l'encontre de toutes les thèses soutenues jusqu'à aujourd'hui. On peut y lire : 48 1 FONTENOY
« J'eusse levé tous vos doutes sur les charges de la maison dès le premier moment, s'il n'eut été
vray qu'on ne veut pas être auteur quelquefois de certaines nouvelles. Je vous ai dit vray en
vous marquant que ni notre escadron ni personne de la maison n'avait chargé [...] Mr du Chailà
ne peut avoir raison qu'autant qu'il dira qu'il allait charger avec la maison, mais il ne dira pas
qu'elle se soit mêlée, parce que cette colonne fut dispersée avant que d'en avoir eu le temps [...]
Je vous prie de bien vouloir ne pas montrer ma lettre et d'assurer ma mère... »
Ainsi, la Maison du Roi n'aurait pas eu le temps de charger, mais il est vrai qu'elle
allait le faire ! L'auteur de la lettre, conscient d'aller à l'encontre des versions officiell
es, ne veut pas « être auteur de certaines nouvelles », et sachant les fortes chances
qu'avait sa lettre de circuler, demande qu'elle reste confidentielle. Un

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