Images de la « merveille » : la « Chambre de Beautés » - article ; n°22 ; vol.11, pg 31-45
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Description

Médiévales - Année 1992 - Volume 11 - Numéro 22 - Pages 31-45
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1992
Nombre de lectures 33
Langue Français

Extrait

Madame Anne Rabeyroux
Images de la « merveille » : la « Chambre de Beautés »
In: Médiévales, N°22-23, 1992. pp. 31-45.
Citer ce document / Cite this document :
Rabeyroux Anne. Images de la « merveille » : la « Chambre de Beautés ». In: Médiévales, N°22-23, 1992. pp. 31-45.
doi : 10.3406/medi.1992.1238
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/medi_0751-2708_1992_num_11_22_1238Médiévales 22-21, printemps 1992, pp. 31-45
Anne RABEYROUX
IMAGES DE LA « MERVEILLE » :
LA « CHAMBRE DE BEAUTÉS »
Composé aux alentours de l'an 1165 par Benoît de Sainte-Maure,
le Roman de Troie, comme les autres textes de la « matière antique »,
s'inscrit dans un cycle des origines orientales et mythiques de la civi
lisation médiévale, ainsi dépositaire ultime d'une culture et d'un pou
voir légendaires.
Il relate la guerre de Troie, entre le récit de l'expédition de Jason
et des Argonautes en Colchide, et celui des retours des guerriers grecs
dans leur patrie.
Le Roman de Troie connut une faveur considérable au Moyen
Age, dont témoigne le nombre de transcriptions léguées, exceptionnel
pour un texte en vers. : on en recense actuellement trente-huit manusc
rits et douze fragments. Une grande partie de ces manuscrits pré
sente des programmes iconographiques parfois somptueux, qui, par
leur richesse, la diversité de leur provenance et leur étagement chro
nologique — de 1300 à la deuxième moitié du XIVe siècle — consti
tuent un riche répertoire des relations qu'entretiennent le texte et
l'image dans les manuscrits romanesques.
Le Roman de Troie comprenant, comme les autres romans anti
ques, de nombreuses séquences descriptives, telles le Tombeau d'Hector
ou la « Chambre de Beautés », les plus fameuses, il semblait légitime
de s'interroger sur cette modalité particulière du rapport entre texte
et image : celle de la description et de sa représentation sur les
enluminures.
En effet, la description peut sembler a priori le texte le plus sus
ceptible d'une transformation en éléments figuratifs : « donnant à
voir », elle chercherait à se rapprocher d'un fonctionnement pictural.
Arrêt dans le temps de la narration, elle propose une lecture dont
la durée pourrait correspondre au parcours du regard de l'observa
teur sur une œuvre d'art, un édifice... 32
Or, à observer les enluminures des manuscrits du Roman de Troie
de la Bibliothèque nationale qui, au nombre de seize1, constituent
déjà un corpus significatif de l'ensemble des manuscrits, une consta
tation s'impose : les images renvoient quasi systématiquement aux
séquences narratives (arrivées, départs, combats...) et on ne peut plus
exceptionnellement aux descriptions.
Si le Tombeau d'Hector apparaît assez fréquemment sur les
images2, associé à un contexte narratif (scène d'enterrement, service
religieux...), et généralement « simplifié » par rapport aux données du
texte, c'est peut-être parce qu'il renvoie aussi, malgré la grande comp
lexité de la description, à une réalité matérielle existante.
Dans ces lignes, c'est à l'autre « grande » description du Roman
de Troie que nous nous intéresserons : la « Chambre de Beautés »
qui, elle, sans réfèrent possible dans la réalité, renvoie à l'imaginaire
de la « merveille » et à l'espace de l'Orient. Et si un seul manuscrit
du Roman de Troie en propose une image — particulièrement inté
ressante — il a semblé opportun de la comparer avec une illustration
de la deuxième rédaction de Y Histoire Ancienne jusqu'à César, dont
le texte intègre la description, mise en prose : au regard du texte et
de ses variations, il était donc possible de confronter deux solutions
envisagées par les enlumineurs pour figurer une architecture complexe.
L'absence quasi généralisée de toute représentation de la « Chamb
re de Beautés », véritable morceau de bravoure comprenant trois cent
neuf vers, est déjà à elle seule problématique, sa description deve
nant dès le Moyen Age une séquence fameuse, inspiratrice d'autres
textes. Elle offre un assemblage d'éléments singuliers et nouveaux dont
la réunion constitue une « merveille » d'Orient, et qui a priori aurait
dû inspirer les illustrateurs.
Le passage fonctionne comme une enclave dans le récit, où sa
présence est assez arbitrairement justifiée par la relation de l'espace
décrit avec Hélène : la « Chambre de Beautés », présent de noces des
Troyens à Paris et Hélène, reflète de façon métonymique par la
richesse, la splendeur et la singularité de son architecture la beauté
fatale de la reine grecque.
1. Ces manuscrits sont les suivants : B.N. Fr. 60, 375, 782, 783, 794, 821, 903,
1450, 1553, 1610, 2181, 12600, 19159, Fr. n. a. 6774, 5094, 6534. Les manuscrits qui
proposent les plus intéressants programmes iconographiques sont B.N. Fr. 60, 782, 783
et 1610.
2. Pour l'iconographie du Tombeau d'Hector, on pourra consulter : H. Buchtal,
Hector's tomb, in De artibus opuscula, essays in honor of E. Panofsky, Millard Meiss,
New York University Press, 1961. 33
Les données du texte
La salle est ornée des pierres les plus précieuses, dont la longue
enumeration renvoie à une symbolique précise issue des Lapidaires
médiévaux et des textes de V Apocalypse. Mais la « merveille », inspi
rée certainement des récits relatant les splendeurs de Constantinople,
trouve forme essentiellement en quatre automates, placés à chaque
angle de la chambre sur des piliers de pierres légendaires :
« Trei poëte, sages dotors
qui moût sorent de nigromance,
Les asistrent par tel semblance
Que sor chascun ot tresgeté
Une image de grant beauté.
Les dous que plus esteient bêles
Avaient formes de puceles
Les autres dous de jouvenceaux » (14668-14675)3.
La première jeune fille, un miroir à la main, permet à qui s'y
regarde de savoir immédiatement ce qui, dans son maintien, son vête
ment ou son expression, ne s'harmonise pas au cadre merveilleux et
aide ainsi à garder une attitude parfaite.
La deuxième jeune fille accomplit de multiples divertissements :
« L'autre danzele est moût corteise,
Quar tote jor joë et enveise
E baie e tresche e tombe e faut
Desus le pilier, si en haut
Que c'est merveille qu'el ne chiet.
Par soventes feiz se rasiet
Lance et requieut quatre couteaus.
Cent gieus divers riches et beaus
I fait le jor set feiz o uit
Sor une table d'or recuit
Fait merveilles de tel semblant
Que ne porreit rien porpenser » (14710-14722).
Elle allie le talent d'acrobate au pouvoir de reconstituer des scè
nes extraordinaires (combats d'animaux, batailles de guerriers, monst
res divers...) sur une table devant elle.
3. Toutes les citations du texte proviennent du Tome II de l'édition L. Constans
du Roman de Troie de Benoît de Sainte-Maure, 6 volumes, Firmin Didot, S.A.T.F.,
Paris, 1904-1912. On pourra également se reporter à l'édition de la séquence de la
« Chambre de Beautés » par Emmanuelle Baumgartner, Le roman de Troie de Benoît
de Sainte-Maure, traduction et présentation, Paris, 10/18, série « Bibliothèque médiév
ale », 1987 (pp. 356-365 pour le texte en ancien français, et pp. 154-163 pour la
traduction). En face, un jeune homme est assis sur un riche fauteuil :
« L'image ot son chief coroné
D'un cercle d'or moût bien orné (...)
Estrumenz tient granz et petit » (14771-72-75).
Avec ces instruments, il joue une délicieuse musique. Par ailleurs,
il renouvelle les fleurs jonchant le sol de la salle à l'aide de deux autres
automates : un aigle et un satyreau hideux et cornu.
Enfin, le dernier automate fait bénéficier chacun de conseils
bienvenus :
« Quar ceus de la chambre esgardot
E par signes lor demostrot
Que c'ert que il deveient faire
E que plus lor ert nécessaire
A conoistre le lor faiseit
Si qu'autre ne l'aperceveit » (14865-14870).
En même temps, il tient un encensoir où des aromates et une
pierre fabuleuse dégagent une senteur exquise.
Seul parmi les manuscrits du Roman de Troie de la Bibliothèque
nationale, le manuscrit B.N. Fr. 60 propose une illustration de cette
s

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