Justification de renseignement et relativisme culturel - article ; n°1 ; vol.97, pg 13-30
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Revue française de pédagogie - Année 1991 - Volume 97 - Numéro 1 - Pages 13-30
La présente réflexion part de l'idée qu'aucun enseignement ne peut se justifier seulement à partir de considérations utilitaires, l'acte d'enseigner étant décrit comme inséparable d'une foi en la valeur intellectuelle ou culturelle intrinsèque de la chose enseignée. Or cette croyance « fondatrice » se heurte bien évidemment à l'objection relativiste. Le relativisme épistémologique voit dans les vérités scientifiques ou théoriques et dans l'idéal même de la rationalité des « constructions sociales » liées à des contextes particuliers. L'important débat qui s'est déroulé en Grande-Bretagne autour des implications epistemologiques de la sociologie du curriculum est rappelé ici à titre d'illustration. Quant au relativisme culturel, il concerne moins les savoirs que les valeurs, auxquelles il dénie toute possibilité de fondement objectif et toute validité transculturelle. Les difficultés pédagogiques qu'il entraîne sont analysées en référence aux débats actuels sur l'éducation « interculturelle ». La raison pédagogique exclut sans doute le relativisme, mais cette incompatibilité pratique ne saurait avoir valeur de preuve dans la nouvelle « querelle des universaux ».
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1991
Nombre de lectures 23
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Mr Jean-Claude Forquin
Justification de renseignement et relativisme culturel
In: Revue française de pédagogie. Volume 97, 1991. pp. 13-30.
Résumé
La présente réflexion part de l'idée qu'aucun enseignement ne peut se justifier seulement à partir de considérations utilitaires,
l'acte d'enseigner étant décrit comme inséparable d'une foi en la valeur intellectuelle ou culturelle intrinsèque de la chose
enseignée. Or cette croyance « fondatrice » se heurte bien évidemment à l'objection relativiste. Le relativisme épistémologique
voit dans les vérités scientifiques ou théoriques et dans l'idéal même de la rationalité des « constructions sociales » liées à des
contextes particuliers. L'important débat qui s'est déroulé en Grande-Bretagne autour des implications epistemologiques de la
sociologie du curriculum est rappelé ici à titre d'illustration. Quant au relativisme culturel, il concerne moins les savoirs que les
valeurs, auxquelles il dénie toute possibilité de fondement objectif et toute validité transculturelle. Les difficultés pédagogiques
qu'il entraîne sont analysées en référence aux débats actuels sur l'éducation « interculturelle ». La raison pédagogique exclut
sans doute le relativisme, mais cette incompatibilité pratique ne saurait avoir valeur de preuve dans la nouvelle « querelle des
universaux ».
Citer ce document / Cite this document :
Forquin Jean-Claude. Justification de renseignement et relativisme culturel. In: Revue française de pédagogie. Volume 97,
1991. pp. 13-30.
doi : 10.3406/rfp.1991.1338
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfp_0556-7807_1991_num_97_1_1338Justification
de l'enseignement
et relativisme culturel
Jean-Claude Forquin
intellectuelle bien considérations La présente évidemment réflexion ou utilitaires, culturelle à l'objection part intrinsèque l'acte de l'idée relativiste. d'enseigner qu'aucun de la Le chose relativisme étant enseignement enseignée. décrit épistémologique comme ne Or peut cette inséparable se croyance justifier voit dans d'une « seulement fondatrice les foi vérités en » à se la partir scientifheurte valeur de
iques ou théoriques et dans l'idéal même de la rationalité des « constructions sociales » liées à des
contextes particuliers. L'important débat qui s'est déroulé en Grande-Bretagne autour des implications
epistemologiques de la sociologie du curriculum est rappelé ici à titre d'illustration. Quant au relativisme
culturel, il concerne moins les savoirs que les valeurs, auxquelles il dénie toute possibilité de fondement
objectif et toute validité transculturelle. Les difficultés pédagogiques qu'il entraîne sont analysées en
référence aux débats actuels sur l'éducation « interculturelle ». La raison pédagogique exclut sans doute
le relativisme, mais cette incompatibilité pratique ne saurait avoir valeur de preuve dans la nouvelle
« querelle des umversaux ».
La même foi paradoxale dans la force des idées conque, c'est-à-dire si elle peut, par delà l'intérêt
dont faisaient preuve naguère ceux qui accu intellectuel, voire l'admiration que peuvent susciter
saient la philosophie de « désespérer Billancourt » des thèses conceptuellement audacieuses et litt
se retrouve aujourd'hui, mutatis mutandis, chez érairement bien formulées, entraîner véritablement
ceux qui voient dans certains travaux de sociolo et durablement chez des enseignants une adhé
gie de l'éducation une cause possible de démoral sion de croyance. Le même genre d'interrogation
isation et de démobilisation des enseignants. peut être développé à propos du relativisme cultur
Peut-on quand même enseigner et que peut-on el, lequel occupe aujourd'hui une place impor
encore enseigner, se demandent parfois certains tante dans les sciences sociales, soit en tant que
militants pédagogiques, si l'on prend par exemple théorie descriptive, soit en tant que cadre pardig-
complètement au sérieux la théorie selon laquelle matique de la réflexion, soit en tant que vulgate
l'acte d'enseignement serait assimilable à une idéologique dérivée après coup des résultats de la
« violence symbolique », c'est-à-dire constituerait recherche. Il est certain que le relativisme apparaît
une des principales espèces du mensonge social ? peu compatible avec l'exigence de justification
Mais on peut aussi, réciproquement, se demander intellectuelle et culturelle proprement normative
si une telle théorie est véritablement de nature à des contenus d'enseignement qui paraît inhérente
pouvoir être littéralement prise au sérieux par à l'intentionnalité pédagogique. Mais le relativisme
Revue Française de Pédagogie, n° 97, octobre-novembre-décembre 1991, 13-30 13 vraiment crédible, est-il « concrètement » est-il Enseigner, apprendre supposent des coûts, des
crédible, peut-il constituer véritablement un objet efforts, des sacrifices de toutes natures. Il faut
d'adhésion « doxique » de la part des enseignants que ce qu'on enseigne vaille la peine. Mais que
comme de n'importe quel « professionnel » engagé signifie « valoir la peine » ? On sait que la question
dans le travail du symbolique ? La présente est entendue le plus souvent, le plus naturelle
réflexion portera principalement sur ce conflit de ment, dans le sens de la « Zweckrationalitàt ». Ce
points de vue entre la pédagogie et le relativisme, qui, pour beaucoup d'élèves, vaut la peine d'être
en s'appuyant sur un certain nombre de réf étudié, c'est, par exemple, ce qui permet de réuss
érences empruntées surtout à la littérature britanni ir aux examens, condition pour accéder à un
que récente sur le curriculum. statut social. Ce qui mérite d'être enseigné, c'est,
pour les porte-parole de l'utilitarisme collectif, ce
qui contribue à la réalisation de fins considérées
comme désirables sur le plan économique, social
I. - LA QUESTION DE LA JUSTIFICATION ou politique, etc. Tout cela est évident et parfait
DU CURRICULUM ement légitime à son niveau propre. Toute protes
tation contre la rationalité instrumentale est d'ail
leurs vaine. Cependant le discours de justification Cette question de la justification constitue l'une
instrumentale oblitère ou contourne un aspect des plus difficiles et des plus confuses de toute la
important des choses, à savoir l'expérience ou théorie éthique. Qu'est-ce qui, en dehors du plai
l'exigence d'une validité interne de la chose enseisir ou de l'utilité instrumentale, peut nous pousser gnée, qui paraissent constitutives de l'intentionna- à agir et nous justifier en tant que nous agissons ?
lité pédagogique. Pour l'élève, pour celui qui est Rien sinon le sentiment que certaines choses (encore ?) à l'extérieur du monde de culture caracvalent la peine, que certaines fins méritent en téristique de telle ou telle discipline ou de tel ou elles-même d'être poursuivies, que certaines
tel domaine de savoir, il est vrai que la justificasphères d'activités, certaines « formes de vie »
tion ne peut guère être qu'extrinsèque : la chose sont intrinsèquement désirables et capables de
doit être étudiée parce qu'elle est au programme, donner à la vie un prix ou un sens. Bien sûr les
parce qu'il faut bien se préparer aux examens, ou caracténsations concrètes qui peuvent être don parce qu'il s'agit d'un savoir socialement utile. nées de ces critères, formes ou domaines d'excel
Pour l'enseignant, pour celui qui a été, comme lence varieront selon les civilisations, les habi
dirait Richard Peters (1965), « initié » et se trouve tudes culturelles, les idéologies morales ou rel
situé en quelque sorte « à l'intérieur » de ce igieuses, les traditions pédagogiques, sans parler monde de culture et qui a fait de ce monde son de l'inévitable différenciation des tempéraments et par un processus typique de construction des manières d'être individuelles : rien n'est plus
d'identité intellectuelle, la justification externe ne instable que la définition du désirable et de
suffit plus, ou plutôt, comme le pari pascalien à l'excellent. Mais il

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