La dette de Varron à l égard de son maître Lucius Aelius Stilo - article ; n°1 ; vol.97, pg 515-525
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Mélanges de l'Ecole française de Rome. Antiquité - Année 1985 - Volume 97 - Numéro 1 - Pages 515-525
Yves Lehmann, La dette de Varron à l'égard de son maître Lucius Aelius Stilo, p. 515-525. L'adolescence de Varron se place sous le signe de l'épanouissement spirituel et moral auprès d'un professeur exceptionnel, originaire de Lanuvium, le grammairien L. Aelius Stilo. Tout donne à croire que c'est lui qui, à travers son Commentaire sur les Chants des Saliens ou son exégèse de la Loi des XII Tables, éveilla la curiosité du Réatin pour l'histoire des croyances et des pratiques religieuses. Mais l'imprégnation stilonienne a produit ses effets les plus féconds dans l'acquisition des grandes catégories de la pensée humaine, lorsqu'il s'agit de se familiariser avec les principes directeurs (stoïciens notamment) d'une vision structurée de l'univers. En définitive, le mérite du viatique intellectuel ainsi offert à Varron a été de déterminer chez ce dernier une orientation bivalente d'antiquaire de la religion romaine et de philosophe au service d'un système d'école.
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1985
Nombre de lectures 22
Langue Français

Extrait

Yves Lehmann
La dette de Varron à l'égard de son maître Lucius Aelius Stilo
In: Mélanges de l'Ecole française de Rome. Antiquité T. 97, N°1. 1985. pp. 515-525.
Résumé
Yves Lehmann, La dette de Varron à l'égard de son maître Lucius Aelius Stilo, p. 515-525.
L'adolescence de Varron se place sous le signe de l'épanouissement spirituel et moral auprès d'un professeur exceptionnel,
originaire de Lanuvium, le grammairien L. Aelius Stilo. Tout donne à croire que c'est lui qui, à travers son Commentaire sur les
Chants des Saliens ou son exégèse de la Loi des XII Tables, éveilla la curiosité du Réatin pour l'histoire des croyances et des
pratiques religieuses.
Mais l'imprégnation stilonienne a produit ses effets les plus féconds dans l'acquisition des grandes catégories de la pensée
humaine, lorsqu'il s'agit de se familiariser avec les principes directeurs (stoïciens notamment) d'une vision structurée de l'univers.
En définitive, le mérite du viatique intellectuel ainsi offert à Varron a été de déterminer chez ce dernier une orientation bivalente
d'antiquaire de la religion romaine et de philosophe au service d'un système d'école.
Citer ce document / Cite this document :
Lehmann Yves. La dette de Varron à l'égard de son maître Lucius Aelius Stilo. In: Mélanges de l'Ecole française de Rome.
Antiquité T. 97, N°1. 1985. pp. 515-525.
doi : 10.3406/mefr.1985.5496
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mefr_0223-5102_1985_num_97_1_5496YVES LEHMANN
LA DETTE DE VARRON À L'ÉGARD DE SON MAÎTRE
LUCIUS AELIUS STILO1
Si l'enfance de Varron fut marquée par la rigueur, voire l'austérité
de l'atmosphère familiale, par le poids des rites ancestraux, son adoles
cence en revanche se place tout entière sous le signe de l'épanouissement
spirituel et moral. C'est l'époque, privilégiée pour lui, où il suit les leçons
d'un professeur exceptionnel, le grammairien L. Aelius Stilo Praeconi-
nus2. Cicéron, qui fut aussi son élève, parle de lui comme d'«un homme
d'un rare mérite, un chevalier romain des plus distingués, également très
versé dans les lettres grecques et latines, connaissant en érudit le passé de
Rome, tant au point de vue des institutions que des faits, connaissant auss
i très bien nos vieux auteurs. C'est de lui, ajoute-t-il, que notre ami Var
ron a reçu la tradition de cette science, qu'il a poussée plus loin et
qu'avec son très grand talent et son savoir universel il a présentée dans
des ouvrages plus étendus et plus brillants»3. On induira de ce double
éloge flatteur l'existence d'un véritable réseau d'affinités électives entre le
maître et son disciple - d'abord le sentiment d'appartenir à une même
élite intellectuelle et sociale, mais aussi le commun attachement à une
forme élevée de bilinguisme culturel, enfin et surtout un intérêt large-
1 La bibliographie afférente à cette question est mince et de qualité inégale : H.
Dahlmann RE SuppL, VI, 1935, s.u. M. Terentius Varrò, col. 1173-1174 tend à sous-
évaluer la part qui revient à Aelius Stilo dans la genèse de la conscience intellec
tuelle de Varron; F. Della Corte, Varrone, il terzo gran lume romano, 2e éd., Flo
rence, 1970, p. 31-38 situe l'apport culturel stilonien sur un plan trop étroitement
grammatical et philologique; en définitive, seul V. D'Agostino, Sulla formazione
mentale di Varrone Reatino, dans RSC, III, 1955, p. 26-27 semble avoir entrevu tou
tes les implications - entre autres philosophiques et religieuses - de l'enseignement
prodigué par Aelius à son élève.
2 La vie et le rayonnement professoral de cet érudit originaire de Lanuvium
ont été reconstitués avec minutie par G. Goetz, RE, 1-1, 1894, s.u. Aelius, col. 532-
533.
3 Cicéron, Brutus, 205 (trad. J. Martha).
MEFRA - 97 - 1985 - 1, p. 515-525. YVES LEHMANN 516
ment partagé pour les antiquités humaines et divines de Rome. Pourtant
c'est moins en termes de confluence qu'il importe d'envisager le problè
me qu'en termes d'influence. Car à certains égards tout nous engage à
penser que c'est précisément le message délivré par Aelius Stilo qui a
éveillé la curiosité de son jeune émule pour l'histoire des croyances et des
pratiques religieuses. De fait l'érudition antique nous rapporte que le maît
re de Varron avait publié, outre ses travaux purement philologiques, des
essais d'analyse de textes sacrés - parmi lesquels son Commentaire sur les
Chants des Saliens tient une place prépondérante et dont la lecture assi
due, attentive, ne peut manquer d'avoir guidé les premiers pas de Varron
théologien. Il est symptomatique de constater que les préoccupations
liturgiques et cultuelles exprimées dans les quelques fragments conservés
de cette œuvre, se retrouvent, sous une forme ou sous une autre, chez le
Réatin. Ainsi en va-t-il de l'interprétation du concept de mania comme de
la variante, singulièrement hétérodoxe, que le savant exégète y a introduit
e - «manias, quas nutrices minitentur paruulis pueris, Aelius Stilo ait
esse laruas, id est mânes deos deasque, qui aut ab inferis ad superos éman
ant, aut Mania est eorum auia materna»4 - et à laquelle renvoie, au
moins partiellement, cette assertion du traité varronien De la langue lat
ine: «uidemus enim Maniam matrem larum dici»5. Ce qui frappe d'emb
lée, lorsqu'on met en parallèle ces deux versions contiguës d'un même
approfondissement lexical, c'est le jeu hardi des synonymies instauré
entre des appellations divines théoriquement irréductibles et qui aboutit
chez Varron - par le biais d'une relation de transitivité articulée autour
de la figure mythologique de Mania - à l'égalité lares = mânes, c'est-à-
dire à la confusion de divinités protectrices du terroir avec des génies
infernaux.
4GRF, p. 61, frg. 14 = Festus, p. 114,17 éd. W. M. Lindsay: «Aelius Stilo pré
tend que les fantômes (maniae), dont les nourrices menacent les tout petits
enfants, sont des larves (laruae), c'est-à-dire des mânes (mânes), aussi bien dieux
que déesses, ainsi nommés soit parce qu'ils remontent (émanant) des enfers vers le
monde d'en haut, soit parce que leur grand-mère maternelle s'appelait Mania».
(Sur l'appartenance de ce fragment à l'Explanatto Carminum Saliarium, cf. GRF,
p. 58.
Faut-il rappeler qu'en bonne doctrine les di manes - dénomination générique
de la foule des morts - se distinguent des laruae, ces esprits maléfiques qui, pério
diquement, viennent tourmenter les vivants : cf. G. Dumézil, La religion romaine
archaïque, 2e éd., Paris, 1974, p. 358-361.
5 Varron, LL, IX, 61 : «Nous voyons en effet qu'on nomme Mania la mère des
lares ». DETTE DE VARRON À L'ÉGARD DE SON MAÎTRE LUCIUS AELIUS STILO 517 LA
De la résolution d'une énigme théologique de ce type au déchiffre
ment de telle formule incantatoire, de l'élucidation de quelque refrain
isolé à la tentative de restitution du sens global des Carmina Saliorum, les
occasions n'ont pas manqué, pour Varron, de se mesurer aux difficultés
inhérentes à toute entreprise exégétique - particulièrement lorsqu'elle
s'applique à des hymnes d'origine archaïque, déjà jugés incompréhensib
les par les lettrés les plus fins de son temps6. Gageons néanmoins que
cette expérience formatrice vécue auprès d'Aelius Stilo ne se sera pas
limitée à l'accumulation de connaissances théoriques en sciences religieu
ses, mais qu'elle aura débouché aussi sur une initiation pratique aux tech
niques interprétatives les plus performantes. Le Réatin aura ainsi découv
ert l'utilité des annotations marginales et de la glose, il aura de même
assimilé les mécanismes subtils de la méthode allégorique, enfin et sur
tout il se sera aperçu que l'intelligibilité d'un recueil liturgique réputé
hermétique tient parfois à la seule observation d'une donnée graphique.
C'est précisément ce qu'il s'efforce d'expliquer au dédicataire du De li
ngua Latina, Cicéron : «Aelii (...) interpretationem Carminum Saliorum
uidebis et exili littera

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