La prison amoureuse de Guillaume de Lorris - article ; n°14 ; vol.7, pg 103-112
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Description

Médiévales - Année 1988 - Volume 7 - Numéro 14 - Pages 103-112
10 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1988
Nombre de lectures 18
Langue Français

Extrait

Zuzanna Marcinkowska
La prison amoureuse de Guillaume de Lorris
In: Médiévales, N°14, 1988. pp. 103-112.
Citer ce document / Cite this document :
Marcinkowska Zuzanna. La prison amoureuse de Guillaume de Lorris. In: Médiévales, N°14, 1988. pp. 103-112.
doi : 10.3406/medi.1988.1105
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/medi_0751-2708_1988_num_7_14_1105Zuzarma MARCINKOWSKA
LA PRISON AMOUREUSE DE GUILLAUME DE LORRIS
On ne lit pas Le Roman de la Rose pour l'oublier Hen vite. Mysté
rieux et fascinant, riche de la richesse des enluminures, il a le pouvoir
magique d'enchanter. Nous avons lu et nous sommes perdus : «com
perdet se lo bel Narcissus en la fon ». Tentés par un inextricable réseau
de sens, nous sommes invités à y trouver notre chemin ; nous suivons
aussi ceux qui ont déjà été défrichés.
De nombreux travaux et études consacrés au Roman} ont pour obj
et son univers de l'allégorie ; ils essaient de le situer par rapport à la
tradition, de découvrir les techniques qui le construisent. D'autres
s'octupent de sa parenté avec Ovide et L'Art d aimer \ il y en a qui y
décèlent le thème d'un conte merveilleux — la gracieuse histoire d'un
jeune garçon infortuné en amour. Avec cette enumeration nous ne
sommes qu'à la lisière d'un vaste champ de recherches formé d'analyses
subtiles.
Depuis un certain temps, l'espace et le temps sont les deux aspects
de l'œuvre littéraire qui semblent intéresser le plus de chercheurs. À tort
ou à raison, ils appliquent ces catégories un peu partout. L'esprit de
contradiction ne nous permet pas de les suivre docilement; bien que
certains théoriciens de cette école proposent des solutions qui méritent
la plus grande attention. Nous pensons en particulier à l'école de Tartou
et à des noms tels que : Ouspienski, Minz, Niecloudov, pour ne citer que
1. Us sont, bien évidemment, trop nombreux pour être cités tous. En voici quelques
uns qui situent Le Roman dans des perspectives variées. Par ordre alphabétique, E. Fa-
ral : « Le Roman de la Rose et la pensée française au xne siècle », Revue des Deux
Mondes, 5, 1926, p. 439-457; J. Frappif.r : «Variations sur le thème du "Miroir" de
Bernard de Ventadour à Maurice Scève », CAEIF II, 1959 ; J. Frappier : « Le thème de la
Lumière de la Chanson de Roland au Roman de la Rose», CAIEF **, 1968; D. Lepage :
« Le roman de la Rose et la tradition romanesque au Moyen Âge », Études Littéraires, 4,
1971, p. 91-106; C. S. Lewis : The Allegory of Love, New York, 1958; P. Piehler : The
visionary Landscape. A study In medieval Allegory, London, 1971 ; D. Poirion : « Narcisse
et Pygmalion dans Le Roman de la Rose», Mélanges... L. Solano, Chapel Hill, p. 153-
165; D. Poirion : Le de la Rose, Hachette, Paris, 1973; D. de Rougemont :
L'Amour et l'Occident, Pion, Paris, 1939; R. Tuve : Allegorical Imagerie, Princeton, 1966. 104
ceux qui viennent les premiers à l'esprit. Grâce à leur pensée, nous di
sposons d'un système de notions caractérisant l'espace artistique3.
La plus brève ^présentation de ce problème .a été donnée par
J. Lotman3 qui définit l'espace artistique comme un modèle de l'univers,
entendu dans un sens métaphorique. Toute une liste de notions qu'il
dresse, permet de distinguer les catégories et les éléments caractérisant
l'espace : il peut être ponctuel, linéaire, orienté ou non-orienté, avoir
deux ou trois dimensions, être limité ou manquer de limites déterminées.
Pour les analyses qui vont suivre, les remarques les plus pertinentes
sont celles qui concernent l'interprétation de l'espace comme porteur de
sens. Nous les avons puisées dans l'article de Niecloudov Sujet et rela
tions spatio-temporelles dans la bylline russe4. Son objectif est de fixer
un modèle structural du « sujet » de la bylline, d'établir la genèse du
genre et de le situer dans le contexte plus large de la poésie. Cela est
possible si l'on considère la dépendance entre le locus-lieu, et les s
ituations où le héros se trouve. Il suffit de l'envoyer dans tel locus pour
qu'un conflit commence, propre à la nature du lieu. La conclusion est
la suivante : le sujet de la bylline peut être présenté comme une suite de
déplacements du héros en conséquence desquels l'action subit une mod
ification évidente. L'arrivée dans un locus précis peut transformer le
héros de simple messager en sauveur de la ville assiégée. Puisque chaque
locus signifie une situation concrète, il peut entrer en combinaison avec
d'autres loci, formant ainsi la structure dynamique d'une bylline. Le
classement le plus facile des loci se fait entre ceux qui se situent au début
et à la fin du récit.
L'article de Niecloudov porte également sur les problèmes du temps
dans l'ancienne littérature russe, mais nous les laissons de côté pour ne
pas alourdir ce texte par des remarques qui ne le concernent pas.
En terminant cette introduction qui n'est qu'un aveu de dettes, il
faut nommer encore un autre terme, que l'école de Tartou a lancé et
compris à sa façon, à savoir la langue spatiale. Elle est un instrument
qui sert à décrire l'espace artistique, et parmi ses éléments on compte :
les mouvements du héros, ses gestes, les danses, en somme toutes les
activités qui marquent les dimensions de l'espace. Cette langue est donc
une des composantes de la langue de l'oeuvre artistique dans son en
semble.
Avec ces idées en tête, et le texte du Roman de la Rose en main,
nous découvrons que, vu sous l'angle de l'espace artistique, il apparaît
sous un jour nouveau. Il peut se lire comme une aventure racontée en
une suite d'images poursuivant un schéma fixe : le héros se déplace dans
un espace qui se referme progressivement. La nature du locus où l'action
2. E. Janus : Seniotyka kultwy, PIW, Vartovie, 1977.
3. J. Lotman : Zagadnlenta przestrzeri artystycznej wpode Gogota, dans B. Janus :
Seniotyka kultwy, p. 213-266.
4. Op. cit., p. 358-363. 105
-se passe et le rétrécissement de l'espace sont les deux points de repère
selon lesquels nous pouvons suivre les deux dimensions du texte : all
égorique et courtoise.
H serait intéressant de montrer comment le sens du roman se laisse
déchiffrer à partir des déplacements du héros examinés en fonction des
loci décrits dans le texte.
Commençant par le cadre du songe, passons en revue tous les lieux
d'action qui ne sont que de simples « lieux communs » au service des
sujets favoris du public du Moyen Âge : le jardin enchanté, la fontaine
de Narcisse, le château-fort assiégé, etc.
La prairie verte
L'aventure qui va se dérouler devant les yeux du lecteur n'a rien
de commun avec le monde ordinaire. Elle baigne dans l'ambiance fan
tastique des contes de fées. Rien d'étonnant si tout y est extraordinaire
et plus beau que d'habitude. La prairie large et ouverte forme l'espace
initial du songe. Décrite avec un charme inégalé, elle constitue le premier
plan de la métaphore, associé bien naturellement dans l'esprit du lecteur
à la beauté de la nature au printemps. L'amant marche sur cette prairie
« gais, e pleins de leece » car son cœur ne connaît aucune contrainte.
Rien d'irrévocable ne peut se passer dans l'espace ouvert qui, par son
manque de quelconque limite (murs, interdits, portes fermées), signifie
le devenir, promet un avenir heureux attendu avec impatience. La lar
geur de la prairie, la joie et la liberté de l'Amant caractérisent le mieux
ce premier locus. Le paysage et les sentiments qui l'accompagnent vont
changer dans la suite, mais pour l'instant l'Amant aperçoit : un jardin.
Obéissant au goût de l'époque et fidèle aux prescriptions des arts poéti
ques, Guillaume de Ix>rris le décrit avec tant de détails qu'il frôle le
pédantesque. Il ne manque pas de nous dire que le jardin est de forme
carrée, entouré d'un mur assez haut, muni d'un portillon. Piqué par la
curiosité, l'Amant pénètre dans' ce jardin, le plus beau et le plus élégant
du monde. Rien ne l'empêche d'aller où il veut, s'il désire voir les mag
nifiques arbres fruitiers, se promener par les sentiers parmi les plantes
méd

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