La production du grès, une affaire de goût - article ; n°39 ; vol.19, pg 30-45
17 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

La production du grès, une affaire de goût - article ; n°39 ; vol.19, pg 30-45

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
17 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Médiévales - Année 2000 - Volume 19 - Numéro 39 - Pages 30-45
À la fin du Moyen Âge apparaît dans quelques régions un produit céramique nouveau : le grès. D'abord minoritaire, il va progressivement constituer la production exclusive de certains ateliers. Deux conditions sont indispensables à sa fabrication : le choix d'une argile adaptée et sa cuisson dans un four qui puisse atteindre une température très élevée. Chacune d'elles sous-entend de multiples contraintes technologiques. Les potiers médiévaux sont-ils parvenus à fabriquer du grès fortuitement ou à l'issue d'une recherche délibérée ? Ont-ils bénéficié d'apports technologiques extérieurs, de modèles ? Et quel fut le rôle du consommateur ? À défaut de textes explicites, c'est à partir des découvertes archéologiques notamment normandes que l'on tentera d'apporter une réponse à ces questions.
The Production of Stoneware : A Matter of Taste - In the late Middle Ages, a new ceramic product made its appearance in several regions : stoneware. A minor product at first, it progressively came to constitute the exclusive production of certain workshops. Two conditions are necessary for its fabrication : the choice of the appropriate clay and its firing in a kiln with very high temperature capacity. Each of these conditions implies multiple technological skills. Did the medieval potters succeed in fabricating stoneware fortuitously, or as a result of deliberate research ? Did they benefit from outside technological experience, or models ? And what was the role of the consumer ? For lack of explicit texts, we must seek the answer in the archaeological, and more particularly the Norman, discoveries.
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2000
Nombre de lectures 57
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Madame Anne-Marie Flambard-
Héricher
La production du grès, une affaire de goût
In: Médiévales, N°39, 2000. pp. 30-45.
Résumé
À la fin du Moyen Âge apparaît dans quelques régions un produit céramique nouveau : le grès. D'abord minoritaire, il va
progressivement constituer la production exclusive de certains ateliers. Deux conditions sont indispensables à sa fabrication : le
choix d'une argile adaptée et sa cuisson dans un four qui puisse atteindre une température très élevée. Chacune d'elles sous-
entend de multiples contraintes technologiques. Les potiers médiévaux sont-ils parvenus à fabriquer du grès fortuitement ou à
l'issue d'une recherche délibérée ? Ont-ils bénéficié d'apports technologiques extérieurs, de modèles ? Et quel fut le rôle du
consommateur ? À défaut de textes explicites, c'est à partir des découvertes archéologiques notamment normandes que l'on
tentera d'apporter une réponse à ces questions.
Abstract
The Production of Stoneware : A Matter of Taste - In the late Middle Ages, a new ceramic product made its appearance in
several regions : stoneware. A minor product at first, it progressively came to constitute the exclusive production of certain
workshops. Two conditions are necessary for its fabrication : the choice of the appropriate clay and its firing in a kiln with very
high temperature capacity. Each of these conditions implies multiple technological skills. Did the medieval potters succeed in
fabricating stoneware fortuitously, or as a result of deliberate research ? Did they benefit from outside technological experience,
or models ? And what was the role of the consumer ? For lack of explicit texts, we must seek the answer in the archaeological,
and more particularly the Norman, discoveries.
Citer ce document / Cite this document :
Flambard-Héricher Anne-Marie. La production du grès, une affaire de goût. In: Médiévales, N°39, 2000. pp. 30-45.
doi : 10.3406/medi.2000.1492
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/medi_0751-2708_2000_num_19_39_1492Médiévales 39, automne 2000, p. 3O4S
Anne-Marie FLAMBARD HÉRICHER
LA PRODUCTION DU GRÈS : UNE AFFAIRE DE GOÛT
La fin du Moyen Âge (xive et xve siècles) a vu la diffusion massive
d'un type de poterie spécifique communément appelé grès. Cette pro
duction suppose remplies plusieurs conditions : d'une part l'existence
d'un marché de consommateurs conscients des qualités du produit nou
veau et d'autre part des producteurs capables de réaliser plusieurs mutat
ions ou adaptations technologiques comme la sélection puis l'adoption
d'une nouvelle matière première et la transformation de l'outil de pro
duction : le four, pour permettre une augmentation très importante des
températures. Les sources principales de cette recherche sont archéolo
giques dans la mesure où les textes différencient très exceptionnelle
ment les pots de grès des autres pots de terre et où on ne possède pas
davantage de description des fours utilisés. Ce sont donc les découvertes
liées aux fouilles qui ont permis de mettre en évidence la technologie
des fours, l'ampleur du phénomène de la diffusion du grès et l'évolution
du produit depuis l'apparition des proto-grès et des premiers grès au
xme siècle, jusqu'à sa production quasi exclusive dans certains centres,
dès le XVe siècle puis pendant toute l'époque moderne et les débuts de
l'époque contemporaine, jusqu'à ce qu'il soit détrôné par la production
industrielle de vaisselle métallique, particulièrement d'aluminium.
Le vaisselier médiéval : importance de la terre cuite
Durant tout le Moyen Âge, les poteries sont des objets du quotidien
omniprésents dans toutes les demeures, de la plus modeste à la plus
aristocratique. Parmi tous les récipients utilisés - vases de métal, de
pierre, de bois, de verre, ou d'argile - les pots de terre sont les plus
courants et les plus nombreux. La poterie est partout : à la cuisine, où,
avec les tonneaux, elle sert de récipient conteneur (ainsi les jarres qui
renferment les salaisons et les cruches qui contiennent les liquides) ;
c'est aussi le matériau des récipients utilisés pour recueillir la sauce des LA PRODUCTION DU GRÈS : UNE AFFAIRE DE GOÛT 3 1
coquemars2 rôtis comme ou les les lèchefrites pégaus3. On ou en pour fait la aussi cuisson, des couvre-feu comme les pour ouïes1, coiffer les
les braises dans l'âtre de la cheminée. Sur la table, on voit figurer les
pichets, écuelles, jattes, plats, réchauffoirs. Partout, dans la maison,
l'église, l'atelier, on s'éclaire grâce à des lampes de terre cuite. Dans
l'officine, on trouve les pots à pharmacie : les albarelles4, et les pots à
onguents. Aux champs, on emporte gourdes et tonnelets. Pour la chasse,
on emploie sifflets, flûtes, appeaux, trompes et cornes d'appel. Les in
struments de musique, les jeux, les jouets d'enfant sont eux aussi model
és dans de la terre. L'ensemble constitue un corpus d'une très grande
variété dont les^ formes tendent à se diversifier de plus en plus vers la
fin du Moyen Âge.
En dépit de leur fragilité, la prépondérance des objets de terre cuite
au regard des autres matériaux s'explique par leur faible coût et par la
possibilité de les fabriquer en série et assez facilement. L'accessibilité
de la matière première - que l'on prélève aisément, à ciel ouvert dans
les niveaux supérieurs des formations géologiques superficielles5 - ainsi
que son abondance concourent à modérer le prix de revient. La prépa
ration de la pâte (pourrissage6, marchage7...) est longue mais ne présente
pas de difficulté technique insurmontable. Le modelage est aisé notam
ment, au bas Moyen Âge, grâce à l'utilisation du tour à bâton ; quant
à la dureté, elle s'acquiert par le séchage. Mais ces opérations sont
réversibles et il est nécessaire pour figer le vase dans la forme désirée
de faire suivre le tournage et le séchage d'une cuisson qui rendra l'objet
apte à contenir des denrées, tout particulièrement des liquides8. Pour
que les pièces acquièrent une solidité suffisante et une relative imperm
éabilité, la cuisson doit atteindre une température assez élevée (autour
de 800 °C) qui ne peut être obtenue que dans un four spécifique : en
1. Vases globulaires à ouverture large et dépourvus d'anse, utilisés essentiellement
pour la cuisson des aliments.
2. Forme dérivée de la ouïe mais munie d'une anse.
3. Vase à cuire du type « ouïe », spécifique des régions méditerranéennes.
4.élevé, souvent cylindrique, destiné à contenir des produits pharmaceutiq
ues.
5. Voir à ce sujet D. Rhodes, La Poterie, terres et glaçures, Liège, 1974, p. 11-15,
et pour une approche plus régionale : G. San Juan et J. Maneuvrier (dir.), L'exploitation
ancienne des roches dans le Calvados : histoire et archéologie, Caen, 1999, et plus par
ticulièrement dans le même ouvrage : J.-P. Coutard, J.-P. Lautridou et J.-C. Ozouf,
« Géologie quaternaire et roches de surface », p. 41-46.
6. La qualité d'une argile augmente en vieillissant ; les potiers constatent tous
qu'une argile fraîche est difficile à travailler : le « pourrissage » permet une meilleure
hydratation de la pâte et le développement de composés organiques qui contribuent à sa
plasticité. L'argile est laissée en attente pendant une durée variable dans des cuves, des
fosses ou sous un linge et de préférence dans un endroit humide et chaud.
7. Le « marchage » est une opération qui vise à homogénéiser l'argile et à la désaé-
rer. Le potier piétine une grosse galette de terre pour lui donner la plasticité qu'il recher
che.
8. Pour une meilleure approche des techniques du façonnage, on se reportera à
D. Rhodes, op. cit., et plus particulièrement au chapitre « Séchage et cuisson de l'argile »,
p. 22-31 ; sur l'imperméabilité ainsi acquise voir infra. 32 À.-M. FLAMBARD HÉRICHER
effet, de sa morphologie dépend le tirage qui va permettre à la tempér
ature de monter, mais c'est le savoir-faire du potier qui déterminera sa
progressivité et l'indispensable absence d' à-coups

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents