La violence au temps des troubles de religion (vers 1525 - vers 1610) - article ; n°4 ; vol.8, pg 507-525

D. Crouzet

Description

Histoire, économie et société - Année 1989 - Volume 8 - Numéro 4 - Pages 507-525
Abstract : This article is abstracted from a doctoral dissertation which was presented to the University of Paris IV-Sorbonne in January 1989. It discusses the following hypotheses : 1) The origin of the break-up of Christian unity in France lies in a powerful eschatological anguish, which spread among the faithful from 1 525 onwards ; 2) Calvinism enjoyed growing support from 1545-1550 onwards, because it was subjectively received as liberating men from the agony of impending Doomsday ; 3) Acts of violence during the French wars of religion were a reflection of this break-up. In their catholic form, they resulted from possession by God's spirit and theatralized the eschatological punishment of the reprobate. In their huguenot specificity, they were rational deeds ; 4) The Catholic League belongs to the continuum of this panic impulse. As responsible for the regicide of 1589, it was a mystical movement of preparation by penance for the Second Coming, though it reverberated the sacramental impulse to violence btowards the faithful's inner-self ; 5) The restauration of the State was only made possible by the spreading of a neo-stoic ideology.
Résumé : Plusieurs hypothèses sont examinées dans le texte qui suit. La première est qu'à l'origine de la déchirure française de la robe de l'Eglise il y a une grande angoisse eschatologique qui se saisit à partir de 1525 des fidèles. La seconde est que le calvinisme provoqua à partir de 1545-1550 des adhésions toujours plus nombreuses parce qu'il était reçu subjectivement comme un mode de libération de l'angoisse du Jugement imminent. La troisième est que les violences des guerres de religion rendent compte de cette rupture : dans leur modalité catholique elles furent des violences de possession par l'Esprit de Dieu, théâtralisant le châtiment eschatologique des réprouvés. Dans leur spécificité huguenote, elles furent des violences de la raison. La quatrième est que la Ligue s'inscrit dans la continuité de cette poussée panique. Génératrice du régicide de 1589, elle fut un mouvement mystique de préparation pénitentieÙe à la venue de Dieu, retournant toutefois la pulsion sacrale de violence vers l'intériorité de chaque fidèle. La cinquième est que la reconstruction de l'Etat fut rendue possible par la diffusion d'une idéologie néo-stoïcienne.
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: HISTOIRE-_ECONOMIE_ET_SOCIETE
• Publié le: 01 janvier 1989
• Nombre de lectures: 22
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Denis Crouzet
La violence au temps des troubles de religion (vers 1525 - vers
1610)
In: Histoire, économie et société. 1989, 8e année, n°4. pp. 507-525.
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Crouzet Denis. La violence au temps des troubles de religion (vers 1525 - vers 1610). In: Histoire, économie et société. 1989,
8e année, n°4. pp. 507-525.
doi : 10.3406/hes.1989.2370
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hes_0752-5702_1989_num_8_4_2370Résumé
Résumé : Plusieurs hypothèses sont examinées dans le texte qui suit. La première est qu'à l'origine de
la déchirure française de la robe de l'Eglise il y a une grande angoisse eschatologique qui se saisit à
partir de 1525 des fidèles. La seconde est que le calvinisme provoqua à partir de 1545-1550 des
adhésions toujours plus nombreuses parce qu'il était reçu subjectivement comme un mode de libération
de l'angoisse du Jugement imminent. La troisième est que les violences des guerres de religion rendent
compte de cette rupture : dans leur modalité catholique elles furent des violences de possession par
l'Esprit de Dieu, théâtralisant le châtiment eschatologique des réprouvés. Dans leur spécificité
huguenote, elles furent des violences de la raison. La quatrième est que la Ligue s'inscrit dans la
continuité de cette poussée panique. Génératrice du régicide de 1589, elle fut un mouvement mystique
de préparation pénitentieÙe à la venue de Dieu, retournant toutefois la pulsion sacrale de violence vers
l'intériorité de chaque fidèle. La cinquième est que la reconstruction de l'Etat fut rendue possible par la
diffusion d'une idéologie néo-stoïcienne.
Abstract : This article is abstracted from a doctoral dissertation which was presented to the University of
Paris IV-Sorbonne in January 1989. It discusses the following hypotheses : 1)The origin of the break-up
of Christian unity in France lies in a powerful eschatological anguish, which spread among the faithful
from 1 525 onwards ; 2)Calvinism enjoyed growing support from 1545-1550 onwards, because it was
subjectively received as liberating men from the agony of impending Doomsday ; 3)Acts of violence
during the French wars of religion were a reflection of this break-up. In their catholic form, they resulted
from possession by God's spirit and theatralized the eschatological punishment of the reprobate. In their
huguenot specificity, they were rational deeds ; 4)The Catholic League belongs to the continuum of this
panic impulse. As responsible for the regicide of 1589, it was a mystical movement of preparation by
penance for the Second Coming, though it reverberated the sacramental impulse to violence btowards
the faithful's inner-self ; 5)The restauration of the State was only made possible by the spreading of a
neo-stoic ideology.LA VIOLENCE AU TEMPS DES TROUBLES DE
RELIGION
(vers 1525 - vers 1610)
par Denis CROUZET
Thèse présentée devant l'Université de Paris-Sorbonne pour
l'obtention du doctorat d'Etat es lettres et sciences humaines, sous
la direction du professeur Pierre Chaunu. 2 vol. dactylographiés, I-
IX et 1715 pp.
Résumé :
Plusieurs hypothèses sont examinées dans le texte qui suit. La première est qu'à l'origine de la déchirure
française de la robe de l'Eglise il y a une grande angoisse eschatologique qui se saisit à partir de 1525 des
fidèles. La seconde est que le calvinisme provoqua à partir de 1545-1550 des adhésions toujours plus
nombreuses parce qu'il était reçu subjectivement comme un mode de libération de l'angoisse du Jugement
imminent. La troisième est que les violences des guerres de religion rendent compte de cette rupture : dans
leur modalité catholique elles furent des violences de possession par l'Esprit de Dieu, théâtralisant le
châtiment eschatologique des réprouvés. Dans leur spécificité huguenote, elles furent des violences de la
raison. La quatrième est que la Ligue s'inscrit dans la continuité de cette poussée panique. Génératrice du
régicide de 1589, elle fut un mouvement mystique de préparation pénitentieÙe à la venue de Dieu, retournant
toutefois la pulsion sacrale de violence vers l'intériorité de chaque fidèle. La cinquième est que la
reconstruction de l'Etat fut rendue possible par la diffusion d'une idéologie néo-stoïcienne.
Abstract :
This article is abstracted from a doctoral dissertation which was presented to the University of Paris
IV-Sorbonne in January 1989. It discusses the following hypotheses :
1) The origin of the break-up of Christian unity in France lies in a powerful eschatological anguish,
which spread among the faithful from 1 525 onwards ;
2) Calvinism enjoyed growing support from 1545-1550 onwards, because it was subjectively received
as liberating men from the agony of impending Doomsday ;
3) Acts of violence during the French wars of religion were a reflection of this break-up. In their
catholic form, they resulted from possession by God's spirit and theatralized the eschatological punishment
of the reprobate. In their huguenot specificity, they were rational deeds ;
4) The Catholic League belongs to the continuum of this panic impulse. As responsible for the
regicide of 1589, it was a mystical movement of preparation by penance for the Second Coming, though it
reverberated the sacramental impulse to violence btowards the faithful's inner-self ;
5) The restauration of the State was only made possible by the spreading of a neo-stoic ideology. 508 HISTOIRE ECONOMIE ET SOCIETE
C'est ед octobre 1978 que j'ai déposé, à l'Université de Paris IV-Sorbonne, le
sujet de doctorat d'Etat dont le libellé final est le suivant : La violence au temps des
troubles de religion (vers 1525 - vers 1610).
Sur les dix années qui ont passé depuis cette date, sept ont été consacrées aux dé
pouillements. Les sources imprimées ont constitué le noyau à partir duquel la réflexion
a été engagée et menée.
Les grandes histoires, rédigées souvent à chaud dans le temps des violences, ont
servi de point de départ à l'étude. Les informations que livrent les récits ou les grandes
compilations de Bèze, Goulart, d'Aubigné ou La Popelinière, pour ne citer que les
plus exhaustifs des historiens, ont permis d'isoler un premier centre, générateur
d'interrogations autour desquelles la recherche a par la suite empiriquement gravité.
L'investigation a porté, en deuxième lieu, sur la masse dormante des publications
de textes et documents du temps des guerres de religion, que le travail érudit du XIXe
siècle a souvent mis remarquablement à la disposition du chercheur - livres de raison,
mémoires, registres de délibérations, informations judiciaires, correspondances.
D'emblée, celles-ci m'ont paru receler une très grande richesse d'informations, sou
vent délaissées par une historiographie contemporaine trop méfiante à l'égard du fait
transmis par l'écriture brute ou travaillée, formé ou déformé par une subjectivité fr
équemment engagée dans les luttes immédiates, alors que les procédures mêmes de
formation et de déformation du témoignage individuel peuvent être de précieuses ex
pressions des tensions collectives. L'inventaire de H. Hauser, Les sources de
l'Histoire de France (1559-1610), a été complété grâce à la Bibliographie générale des
Travaux historiques et archéologiques et à la Bibliographie annuelle de l'Histoire de
France.
En troisième lieu, ce sont aussi les pamphlets et libelles qui ont retenu l'attention ;
ils sont recensés dans le tome premier du Catalogue de l'Histoire de France du dépar
tement des imprimés de la Bibliothèque Nationale, sous les cotes Lb^2,33,34,35# ц5
ont été envisagés moins comme instruments de propagande politique et de défense
confessionnelle que comme révélateurs des systèmes de représentations dont le propre
est de structurer les gestuelles violentes ou d'être comme théâtralisés dans les rituels
d'agression. Ces documents sont de natures variées : relation d'une Entrée royale, édit
royal, remontrance au roi ou à la reine, adresse à un grand seigneur, narration de bat
aille, exposition ou récusation d'une théorie ou d'une justification politique, averti
ssement relatif aux projets de l'adversaire, description et reconstitution d'un événe
ment, réplique à un pamphlet antérieurement publié... Le dépouillement a &