Le Chien, de la thérapeutique populaire aux cultes sanitaires - article ; n°1 ; vol.80, pg 247-281
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Description

Mélanges d'archéologie et d'histoire - Année 1968 - Volume 80 - Numéro 1 - Pages 247-281
35 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1968
Nombre de lectures 32
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

Danielle Gourevitch
Le Chien, de la thérapeutique populaire aux cultes sanitaires
In: Mélanges d'archéologie et d'histoire T. 80, 1968. pp. 247-281.
Citer ce document / Cite this document :
Gourevitch Danielle. Le Chien, de la thérapeutique populaire aux cultes sanitaires. In: Mélanges d'archéologie et d'histoire T.
80, 1968. pp. 247-281.
doi : 10.3406/mefr.1968.7554
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mefr_0223-4874_1968_num_80_1_7554LE CHIEN, DE LA THERAPEUTIQUE POPULAIRE
AUX CULTES SANITAIRES
par
Danielle Gotjeevitoh
Membre de l'Ecole
Avez-vous une angine x? Vous êtes-vous brûlé la bouche 2? Avez-
vous mal au côté3? Une rage de dents vous fait-elle souffrir4? Les
dents de vos enfants poussent-elles mal5? Le chien vous fournira
certainement le remède adéquat. Mais ce n'est pas tout: il en sera
de même si une flèche vous a blessé % si vous avez la fièvre quarte %
la gale 8 ou la goutte 9, ou encore la rage 10 et l'hydrophobie 1X. Si vous
1 Pline, NH, XXX, 35 (ad anginam) . . . corrigiam caninam ter collo
circumdatam . . .
2 Op. cit. XXX, 27 Si ferventia os intus exusserint, lacté cariino statim
sanabuntur .
3 Id. XXX, 53 (lateris doloribus) . . . canis rabiosi caluariae cini potioni
inspergitur.
4 Id. XXX, 21 Cetero dentium doloribus..., medetur canwm qui rabie
perierunt capitum cinis crematorum sine carnibus instillatus ex oleo cyprio
per aurem, cuius a parte doleant, caninus dens sinister maximus, circum-
scarificato qui doleat . . .
5 Id. XXX, 22 Cinis eorum ( = dentés canini) pueros tarde dentientes
adjuvat cum mette.
6 Id. XXIX, 58 Sanguine canino contra toxica nihil praestantius putant.
7 Id. XXX, 98 In quartanis medicina clinice propemodum nihil pollet.
Quam ob rem, plura eorum remedia ponemus . . . , canis nigri dentem longissimum.
8 Id. XXX, 121 Scabiem vero... ante omnia sanguis caninus sedat.
9 Id. 76 Podagras lenii. . .fei caninum ita ne manu attingatur
sed pinna inlatur.
10 Id. XXIX, 100 Est vermiculus in lingua canum, qui vocatur a Grae-
cis lytta . . . Idem ter igni circumlatus datur morsis a rabioso ne rabidi fiant.
11 Id. XXIX, 98 In canis rabiosi morsu tuetur a pavore aquae canini
capitis cinis inlitus volneri. . . Idem et in potione proficit; quidem ob id eden-
dum dederunt; aliqui et vernem e cadavere canino adalligavere menstruave
canis in panno subdidere calici aut intus ipsius caudae pilos combustos inse- D. GOURE VITCH 248
avez mal aux oreilles 12, aux organes sexuels 13, à la rate 14, au siège 15
ou aux yeux 16, si votre incontinence d'urine 17 ou vos verrues vous
ennuient18, le meilleur ami de l'homme ne vous abandonnera pas non plus.
En s'en tenant aux seuls livres XXIX et XXX de Pline l'Ancien,
on est immédiatement frappé par l'abondance, la variété et l'étrangeté
des médicaments et médications tirés du chien. D'autres le furent
avant nous, tel Eli Edward Burriss 19. Mais regardons-y de plus près:
car au fond est-ce toujours de chien qu'il s'agit1? Est-ce l'animal lui-
même qui confère sa valeur au remède emprunté au chien, ou bien
celui-ci n'est-il que le support contingent d'une puissance curative
qui le dépasse?
Souvent l'animal se borne à procurer des humeurs qui constituent
par elles-mêmes de grandes catégories magiques dont il n'est que le
fournisseur: c'est le cas par exemple des panacées naturelles: le sang,
et en particulier le sang menstruel 20, le lait, l'urine et la salive. Soyons
ruere volneri. Et XXIX, 99 Est limus salivae sub lingua rabiosi canis, qui
datus in potu hydrophobos fieri non patitur.
12 Id. XXIX, 133 Aures purgai fei pecudis cum melle, canini lactis
instillatio sedai dolorem . . .
13 Id. XXX, 72. . .testibus vero farina ex ossibus canini capitis sine
carne tusis .
14 XXX, 51 Pecudis lien recens magicis praeceptis super dolentem lie-
nem extenditur, . . . Oaninus si viventi eximatur et in cibo sumatur, libérât
eo vitio. Quidam recentem superinligant.
Et XXX, 52 Alii duom dierum catuli ex aceto scillite dant ignoranti
vel irenacei lienem, . . .
15 Id. XXX, 69 Sedis vitiis efficacissima sunt oesypum . . . canini ca
pitis cinis . . . , si rhagades sint, cinis fimi canini cum rosaceo . . .
16 Id. XXIX, 117 Glaucomata dicunt Magi cerebro catuli septem dierum
emendari specillo demisso in dexteram partem, si dexter oculus curatur, in
sinistram, si sinister. . .
17 Id. XXX, 74 . . .ad urinam incontinentiam caninum adipem cum
alumine schisto fabae magnitudine. . .
18 Id. XXX, 81 Verrucarum omnia genera urina canis recens cum suo
luto inlita, fimi canini cinis cum cera. . .
19 Eli Edward Burriss, The place of the dog in superstition as revealed
in Latin littérature, dans Glass. Phil., XXX, 1935, pp. 34-42.
20 En réalité la chienne, la vache, quelques autres mammifères ont
deux ou trois cycles œstraux par an, avec un « écoulement minime » qui
n'a ni l'abondance ni surtout la . . .régularité du flux menstruel. (D'après
Grasse et Devillers, Zoologie. Vertébrés, Paris, 1964, p. 424). LE CHIEN, DE LA THERAPEUTIQUE POPULAIRE AUX CULTES SANITAIRES 249
certains qu'elles sont toutes représentées: supposez un malheureux
mordu par un chien enragé; on place sous la coupe du blessé du sang
menstruel de chienne dans une étoffe u. Mais ailleurs du sang ordi
naire fera l'affaire, puisqu'on calme la gale avec du sang de chien 8.
Quant au lait de chienne, il est prescrit pour guérir les brûlures de la
bouche 2. L'urine et la salive ont elles aussi leur rôle, qu'il s'agisse
de faire disparaître de disgracieuses verrues 18 ou de prévenir l'hy-
drophobie u.
Les autres sécrétions et excrétions de l'appareil digestif ne sont
pas de véritables panacées, mais elles n'en sont pas moins à l'occasion
capables de soulager: ainsi le fiel calmera le podagre 9 et les crottes
de chien pourront remplacer l'urine pour faire disparaitres les ver
rues 18.
On voit déjà qu'une seule explication suffit rarement: au contraire
plusieurs systèmes de références se combinent. Nous venons de voir
l'appel aux panacées, mais nous constatons que la « médecine » popul
aire de cette sorte aime le répugnant 21. Pourquoi? M. Ernout, dans sa
préface au livre XXX 22 se demande si ces remèdes « n'ont pas été
imaginés de toute pièce pour frapper les âmes simples par leur étran-
geté ou leur caractère répugnant ». Sans doute est-ce là une expli
cation, mais ce n'est pas la seule: l'inventeur d'un remède répugnant
a des raisons de penser que son client en fin de compte n'en fera pas
usage. Cette répugnance insurmontable du malade permettra au thé
rapeute de dégager sa propre reponsabilité et de faire endosser à son
client la responsabilité de l'échec. L'abstention thérapeutique em
pêchant de prouver l'inefficacité du remède, la tradition se transmet
ainsi sans être révisée: fût- elle convaincue que la cendre de dents de
chien 5 aidera les dents de son enfant à percer, une mère aura-t-elle
la force de l'obliger à ingurgiter cette mixture, même tempérée de
miel? Une troisième explication coexiste d'ailleurs avec ces deux pre
mières: c'est un sentiment répandu encore de nos jours qu'il faut se
21 Le répugnant est parfois présenté sous l'espèce de la vomissure
comme en XXX, 105 Vomitus quoque canum inlitus ventri aquam trahere
promittitur.
22 A. Ernout, Pline l'Ancien, Histoire naturelle, Uvre XXX, Paris,
Belles Lettres, 1963, p. 10. D. GOÜREVITCH 250
racheter de la maladie et payer le prix pour avoir la santé: on connaît
la vogue insensée de l'huile de foie de morue 23 qui martyrisa des gé
nérations d'enfants.
La vertu de l'excrément et la vertu du répugnant peuvent s'ad
joindre, pour se renforcer, celle des couleurs: pour guérir les affections
du siège, la crotte de chien qu'on utilisera sera blanche 15. L'autre
couleur efficace est le noir: la dent la plus longue d'un chien noir est
ainsi contre la fièvre quarte 7 un remède aussi étrange que le ruban
d'Ionesco contre les rhumes 24.
Le chien dans tout cela n'a guère en lui-même d'importance;
il est le fournisseur accessible de produits qui transmettent de plus
hautes puissances. Puissances d'ailleurs dont on reconnaît l'efficacité
dans tous les actes de la vie, mais qu'on n'aimerait pas reconnaître
explicitement. On croit donc aux couleurs, mais on croit aussi aux
nombres, au 7 et au 3 en particulier: les mages affirment que les g

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