Le physicien, et ce qu en a dit vers 1200 le moine Guiot de Provins : contribution à l histoire des moeurs et du langage - article ; n°165 ; vol.48, pg 311-321
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Le physicien, et ce qu'en a dit vers 1200 le moine Guiot de Provins : contribution à l'histoire des moeurs et du langage - article ; n°165 ; vol.48, pg 311-321

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Description

Revue d'histoire de la pharmacie - Année 1960 - Volume 48 - Numéro 165 - Pages 311-321
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1960
Nombre de lectures 27
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Eugène-Humbert Guitard
Le physicien, et ce qu'en a dit vers 1200 le moine Guiot de
Provins : contribution à l'histoire des moeurs et du langage
In: Revue d'histoire de la pharmacie, 48e année, N. 165, 1960. pp. 311-321.
Citer ce document / Cite this document :
Guitard Eugène-Humbert. Le physicien, et ce qu'en a dit vers 1200 le moine Guiot de Provins : contribution à l'histoire des
moeurs et du langage. In: Revue d'histoire de la pharmacie, 48e année, N. 165, 1960. pp. 311-321.
doi : 10.3406/pharm.1960.6708
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/pharm_0035-2349_1960_num_48_165_6708à l'histoire des murs et du langage Contribution
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le moine ©mot ïe promns (1)
On s'accorde maintenant à reconnaître que le « siècle de Saint
Louis * revêt dans l'histoire de la civilisation une importance com
parable à celle depuis longtemps accordée au siècle de Louis XIV.
Les progrès des sciences avaient d'ailleurs été nettement amorcés
dès le xii' siècle, grâce aux relations pas toujours cordiales, mais
de plus en plus suivies entre le monde arabe et l'Occident.
C'est à ce grand moment de la ronde des années que nous nous
reporterons aujourd'hui pour observer une des phases les plus
grandioses de l'évolution des professions médicales.
1. Les colères de Guîot.
Le singulier poème en vieux français qui va nous servir de fil
d'Ariane est identifié par la dernière ligne des manuscrits qui nous
l'ont transmis : Explicit la Bible Guiot de Provins.
Drôle de Bible en vérité que cette virulente satire de 2 691 vers
qui, d'après l'avisé critique du xvi* siècle, Etienne Pasquier, « ne
pardonne ny aux papes, ny aux evesques, ni à tous les abus2 ».
1. Cette étude a été résumée et discutée au Congrès international d'Histoire
de la Médecine tenu à Montpellier en septembre 1958.
« La Bible » de Guiot de Provins, qu'il ne faut pas- confondre avec « la
Bible Guiot de Berci », a été publiée pour la première fois à la fin du
xviii* siècle par Barbazan parmi ses Fabliaux et contes des poètes français
des XI\.. XV7* siècles (Nouv. édition revue par Méon, tome II, Paris, 1808),
et assez oubliée par la suite, si Ton excepte un commentaire de Ch.-V. Langlois
dans La vie en France au Moyen-Age d'après les moralistes (Nouv. édit., t. XV,
Paris. 1926. pp. 47-83).
2. E. Pasquier î Les recherches de la France (1M édition en 1560), Nouv.
édit., Paris, 1643, livre VIII, ch. xxvi. 312 revue d'histoire de la pharmacie
Quant à l'étrange évangéliste qui l'a rédigée, s'il n'est peut-être
pas né à Provins, il y a au moins vécu auprès des comtes de Champ
agne, puis en 1181 a servi de sécréta, re et de poète-aux-gages à
un empereur romain germanique. Plus tard, il a accompagné en
Orient un croisé de marque et il a fini ses jours dans un couvent,
où il eut le loisir d'écrire, sans doute entre 1204 et 1206, le poème
en question.
Pour curieuse qu'elle nous paraisse, une telle destinée n'est nulle
ment exceptionnelle au temps de Philippe-Auguste et des Barbe-
rousse. Elle fait songer par exemple aux v.es mouvementées de
plusieurs contemporains de Guyot, comme Gervais de Tilbury,
bohème voyageur, historien et clerc à ses heures, un moment mar
échal du royaume d'Arles, ou encore comme ce troubadour l
ibertin, devenu évêque de Toulouse et tortionnaire des Albgeois,
bien connu sous le nom de Folquet de Marseille.
Au rang des victimes de Guiot de Provins, nous allons voir figu
rer en bonne place les médecins ou du mo.ns certains d'entre eux.
Mais semblable à celle que manifestera le grand Montaigne, sa
medicophobie souffre quelques exceptions. Le praticien honnête
lui est même très cher... quand il a besoin de lui.
Li bon, loial, ai je molt chier
Certes qant j'en . ai grant niestier,
Et molt désir qu'on le m'amaint
Qant maladie me destraint.
Grant confort et grant bien me fait.
Notre homme n'a pas toujours rencontré de semblables consol
ateurs, car il reproche à d'autres médecins de lui avoir fait passer
les plus « sales moments », croit-il, de sa vie :
... Ils m'ont eu
Entre lor mains; onques ne fu,
Ce cuit, nule plus orde vie.
Il se pla;nt même d'avoir été battu et séquestré durant un an
entier. On gardait de force dans certains hôpitaux les gens de mauv
aises moeurs. Aurait-il été du nombre? Naturellement, Guiot
affirme ne pas être le seul à redouter les méfaits de ses tortion
naires.
... Mes je ne cuit qui ne soit hons [homme]
Qui ne les doie molt douter.
... Cil eschape d'orde prison
Qui de lor mains puet eschapper. LE PHYSICIEN 313
Et lorsqu'ils examinent cérémonieusement les urines :
Com il mentent, com il devinent, il jugent le pisseret [le pot de chambre]
Par mos qui ne sont mie net.
Ce mordant pamphlet préfigure par endroits le Knock de Jules
Romains. On y rencontre, en effet, des praticiens prêts à prouver
aux gens bien portants qu'ils sont tous des malades qui s'ignorent.
Il ne voudroient ja trover
Nul homs sanz aucun mehaing.
... N'il n'est mestiers
Dont il soit tant de mençongiers
Il ocient molt de la gent.
Ja n'ont ne ami ne parent
Que il volsissent trover sain.
Et voici quelques échantillons des c taches » ou affections dan
gereuses qu'ils découvrent :
En chascun homme trovent taches :
S'il a fièvre ou la toux sèche
Lors dient il qu'il est tisique,
Ou enfonduz [rhumatisants] ou hydropiques,
Mélancolieus, ou fieux [ladres],
Ou corpeus ou palazineux [ou asthmatiques ou névropathes 1 ;
Qui les orroit, de colérique
Pledoier, ou de fleumatique.
Li uns a le foie eschaufé
Et li autres ventouseté.
Ce texte, on le voit, n'enrichit pas seulement notre connaissance
de la term nologie nosologique du xn* siècle, mais, envisagé sous
l'angle littéraire, il devance les enumerations rabelaisiennes et aussi
la fameuse scène où M. Purgon fait craindre au malheureux Argan,
terrifié, de tomber de la bradypepsie dans la dyspepsie, de la dys
pepsie dans l'apepsie, de l'apepsie dans la lienterie, puis dans la
dysenterie, dans l'hydropisie et de l'hydropisie dans la privation
de la vie.
II. La thérapeutique et la pharmacologie vers 1200.
Peu d'indications malheureusement sur les traitements ou les
régimes à la mode. Toutefois, Guiot sgnale un abus des frictions
et massage, comme aussi des bains médicinaux :
Maint oingnement font et maint baing
Où il n'a ne sanz. ne raison. 314 REVUE d'histoire de la pharmacie
Une fois de plus se trouve infirmée l'extraordinaire affirmation
de Michelet : « Dix siècles et pas un bain! »
Et comme notre Bible ne fait jamais mention de saignée, de purge
ou de clystère, il nous est confirmé par cette lacune, que la thé
rapeutique était encore bien différente de ce qu'elle allait devenir
plus tard.
Plusieurs manuscrits, notamment les cahiers de cours des pro
fesseurs de Salerne, nous ont documenté sur les médicaments
connus à cette époque. Mais comme ils comportent des enumerat
ions complètes ou qui visent à l'être, ils ne précisent pas quels
étaient les remèdes vraiment en vogue vers 1200. Guiot va nous
l'apprendre. Il signifie aux praticiens qu'il les tient quittes de leurs
pilules, c'est-à-dire qu'il n'en veut à aucun prix.
Je lor claim quite lor piletes;
Certes qu'eles ne sont pas netes.
... Lors, dient il, ce m'est avis
Qu'il ont gigembraiz et pli ris,
Et diadragon et rosat.
Et penidoin et violât,
Do diadaro Julii...
On ordonnait donc le gingembre, généralement confit, excitant
stomachique, très apprécié comme condiment, et le plirist ou pleuris
arconticon, de deux mots grecs qui signifient « multiple princier »
(sous-entendu électuaire »), sans doute un succédané de la f
ameuse thériaque.
Le diadragon était une confection à base de gomme de tragacan-
tha (épine du bouc).
On connaît par ailleurs la grande faveur du miel rosat, à base
de roses, et du miel violât, nourri de violettes.
« Penidoin » est une forme peu commune d'un mot usité encore
au siècle dernier, pénide, pour désigner un bâton de sucre d'or

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