Le sens de l argent. S. Freud, K. Marx, T. Bernhard. - article ; n°1 ; vol.50, pg 37-50
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Le sens de l'argent. S. Freud, K. Marx, T. Bernhard. - article ; n°1 ; vol.50, pg 37-50

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Description

Communications - Année 1989 - Volume 50 - Numéro 1 - Pages 37-50
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1989
Nombre de lectures 71
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Pierre Sullivan
Le sens de l'argent. S. Freud, K. Marx, T. Bernhard.
In: Communications, 50, 1989. pp. 37-50.
Citer ce document / Cite this document :
Sullivan Pierre. Le sens de l'argent. S. Freud, K. Marx, T. Bernhard. In: Communications, 50, 1989. pp. 37-50.
doi : 10.3406/comm.1989.1755
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1989_num_50_1_1755Pierre Sullivan
Le sens de l'argent.
S. Freud, K. Marx, T. Bernhard*
pour moing compte. L'argent soit la laquelle acheter cher seule ; la à ce perdre substance la chose, dont civdisation ou il disait avait à dont dépenser l'avait son besoin, l'homme oncle, : inventé ce et qui chaque puisse \T. était : pour revenait Faulkner fois se la que raison servir à bon ce le '
L'argent serait une bonne affaire. Si l'on prend au sérieux la généa
logie de la monnaie imaginée par Faulkner, l'homme aurait fait là
avec la vie un bon marché. Pourquoi les analystes ne feraient-ils pas de
même ? Jusqu'à présent, l'analyse a toujours été concevable sans
l'argent. Modalité qui, en certaines circonstances, recevra une signif
ication ou à l'inverse sera ignorée, selon que les deux sujets réunis dans
la cure investissent ou non sa présence et son absence, l'argent,
contrairement à des notions telles que l'inconscient ou l'objet, est
étranger au noyau analytique. S'il n'y a pas de pensée analytique sans
la référence à un processus d'échange ou à une circulation de mar
chandise, l'argent, bien qu'il en soit l'une des figurations les plus fr
équentes, ne se voit pas assigné à définir l'essence de la relation analy
tique. Pourquoi ne pas lui avoir demandé ce service ? En douce et pour
notre profit.
A cet égard, Freud est peut-être le responsable d'une lourde perte
pour le trésor épistémologique de la psychanalyse. En donnant d'emb
lée un sens analytique précis à l'argent, en le liant aux zones éro-
gènes, il en a confiné la notion dans une extériorité régionale, la pri
vant de ses ressources conceptuelles internes, avant d'ailleurs de s'en
désintéresser pour la laisser végéter en bordure de la théorie analy
tique alors en pleine élaboration. Mais, autre hypothèse dont il faut
* Para dans Les Cahiers du Centre de psychanalyse et de psychothérapie, n" 12, 1986.
37 Pierre Sullivan
bien faire cas avant de rouvrir ce dossier, si Freud avait su ce qu'il fai
sait, même en l'ignorant ? Et si sa méfiance, qui est toute sa pratique,
lui avait fait douter, contre Faulkner et tant d'autres, que l'argent
s'enlevât à si bon compte ?
/. 1913 - S. Freud - « Deux mensonges d'enfant ».
L'apparition du thème de l'argent dans l'élaboration de la théorie
analytique est fugitive et précisément datée. La disparition soudaine,
dans l'œuvre de Freud, de l'argent et du style d'interprétation qui lui
était accolé - ce dernier subsistant curieusement jusqu'à nos jours,
mais partout ailleurs que dans l'œuvre de Freud -, cette disgrâce nous
fournit immédiatement un doute quant à la détermination pure et
simple, unique, de l'essence de l'argent par sa liaison à une zone éro-
gène.
Les bonnes années de l'argent auront été celles qui précèdent ou
suivent immédiatement l'année 1913. Même les articles publiés ult
érieurement et qui abordent la question de l'argent auront été conçus à
cette époque. 1913, c'est l'année de la publication d'un petit article,
« Zwei Kinderlùgen », qui fait précisément partie de cette tentative,
facilement repérable dans les débats enthousiastes recueillis dans les
Minutes de la Société psychanalytique de Vienne, pour appliquer à
divers domaines les découvertes freudiennes sur la sexualité infantile.
A suivre les échanges souvent passionnés des premiers analystes, il
apparaît à l'évidence que Freud manifeste déjà une certaine tendance à
modérer l'élan de ses troupes dans cette direction, tout en ne voulant
pas éteindre leur feu sacré. Les « Deux mensonges d'enfants » de 1913
portent d'ailleurs, pour qui veut la voir, la marque discrète de cette
hésitation.
Pendant l'analyse, elle tomba dans une sévère dépression un jour où
je fus obligé de copier ce dédain du père en la priant de ne plus
m'apporter de fleurs : c'est l'explication de cette dépression qui
conduisit au souvenir que je viens de citer ".
Freud termine ainsi par le début de l'histoire la présentation de ce
cas clinique. Parce qu'il lui interdit de lui apporter des fleurs, la
patiente se déprime sévèrement et rapporte ensuite un souvenir. Elle
raconte avoir volé de l'argent à son père pour acheter des couleurs, en
vue de peindre des œufs de Pâques. Ce crime, une fois révélé, fut châtié
par la mère à la demande du père. Et Freud de lier, à l'aide de relais
associatifs, l'argent volé à l'amour du père, l'épisode du mensonge ser
vant de clef à un réseau de sens qui domine l'histoire de la patiente.
38 • 5. Freud, K. Marx, T. Bernhard
Ainsi, pour l'enfant, le fait de recevoir de l'argent de quelqu'un a
signifié de très bonne heure faire don de son corps, avoir une liaison
amoureuse. Prendre de l'argent du père équivalait à une déclaration
d'amour \
Le brillant enchaînement de sens qui « brise l'âme ■» de cette
femme, et que Freud lui révèle après coup, ne nous aveugle plus sur la
portée d'une telle explication. Si un pareil don de signification pouvait
à lui seul prétendre provoquer une modification interne, depuis cette
époque révolue de la psychanalyse, et ce grâce à Freud lui-même, nous
savons qu'une telle tactique est souvent vouée à l'échec. Faute d'une
théorie du transfert, Freud est condamné à de douloureuses impréci
sions ainsi qu'à une curieuse utilisation, pour ainsi dire dissociée, du
concept d'argent.
Que la grave dépression de cette femme soit entièrement due à l'in
terdit paternel, réitéré par son analyste, c'est une explication globale
que démentent d'autres détails de la vignette clinique, par exemple
l'érotisation du châtiment maternel et les liens très étroits entre la
mère et la fille ; que le don des fleurs participe de l'identification
paternelle de cette patiente et place alors son analyste dans une posi
tion qui ne peut plus seulement être attribuée à Pinterdicteur, à moins
que celui-ci ne passe à l'acte..., c'est une hypothèse que Freud ne peut
probablement pas encore envisager parce qu'elle irait à l'encontre
d'une théorie qui ne concevra le sens comme un enchevêtrement de
contradictions que beaucoup plus tard ; pour l'instant, il recherche
dans l'histoire du sujet une signification qui totalise son histoire et qui
obéisse au modèle précis de l'obtention du sens, tel qu'établi par la
première topique d'après L'Interprétation des rêves. Une signification
déjà garantie par la fonction paternelle, presque immanente et donc,
dans une large mesure, extérieure aussi bien au patient qu'à l'analyste,
ou tout au moins à leur relation.
Cette même extériorité est d'autant plus sensible dans les questions
d'argent. Freud relie l'offrande amoureuse des fleurs à l'argent volé
dans l'enfance. Mais seulement les fleurs : d'argent entre eux, il n'en
est pour ainsi dire pas question. De l'argent de la cure, faut-il préciser,
car, comble de bizarrerie, si un échange monétaire intervient, c'est
sous la forme d'une proposition : Freud invite en effet sa patiente à lui
confier ses ennuis financiers, il n'hésitera pas quant à lui à l'aider en
cas de besoin...
Pendant qu'elle est en traitement elle se retrouve à plusieurs
reprises privée de tous moyens dans une ville étrangère, parce que
les sommes que lui envoie son mari lui parviennent avec quelque
39 Pierre Sullivan
retard. Comme elle m'en parle, je veux lui faire promettre que si
cette situation se renouvelle, elle m'empruntera la somme modique
dont elle aura besoin entre-temps.

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