Les cépages de tradition française donnent-ils des vins californiens ? - article ; n°1 ; vol.77, pg 149-165
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Communications - Année 2005 - Volume 77 - Numéro 1 - Pages 149-165
A multiplicity of grapes - grapes of vat - have long characterized the making of wine. We present Californian producer's and merchant's fondness for new wine varities, whose pratices and cultural origins are situated in France, notably in Aquitaine and Burgundy. We interpret this new grapes variety as an attempt at social, economic and cultural appropriation through new techniques wine growing, oenology and marketing.
Une multiplicité de cépages — raisins de cuve — caractérise la fabrication du vin depuis ses origines. On présente ici l'attrait des producteurs et négociants californiens pour de nouvelles variétés dont les pratiques viticolcs et les origines culturelles se situent en France, notamment en Aquitaine et en Bourgogne. Ce nouvel encépagement peut être interprété comme une tentative d'appropriation sociale, économique et culturelle d'un nouvel objet à travers des techniques de viticulture, de vinification et de commercialisation adaptées à l'environnement.
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2005
Nombre de lectures 29
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Mr Julien Lefour
Les cépages de tradition française donnent-ils des vins
californiens ?
In: Communications, 77, 2005. pp. 149-165.
Abstract
A multiplicity of grapes - grapes of vat - have long characterized the making of wine. We present Californian producer's and
merchant's fondness for new wine varities, whose pratices and cultural origins are situated in France, notably in Aquitaine and
Burgundy. We interpret this "new grapes variety" as an attempt at social, economic and cultural appropriation through new
techniques wine growing, oenology and marketing.
Résumé
Une multiplicité de cépages — raisins de cuve — caractérise la fabrication du vin depuis ses origines. On présente ici l'attrait des
producteurs et négociants californiens pour de nouvelles variétés dont les pratiques viticolcs et les origines culturelles se situent
en France, notamment en Aquitaine et en Bourgogne. Ce nouvel encépagement peut être interprété comme une tentative
d'appropriation sociale, économique et culturelle d'un nouvel objet à travers des techniques de viticulture, de vinification et de
commercialisation adaptées à l'environnement.
Citer ce document / Cite this document :
Lefour Julien . Les cépages de tradition française donnent-ils des vins californiens ?. In: Communications, 77, 2005. pp. 149-
165.
doi : 10.3406/comm.2005.2267
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_2005_num_77_1_2267Julien Lefour
Les cépages de tradition française
donnent-ils des vins californiens1 ?
Les abeilles pilotent deçà delà les fleurs, mais elles
en font après le miel qui est tout leur ; ce n'est plus
thym ni marjolaine. Ainsi les pièces empruntées
d'autrui, il les transformera et confondra, pour en
faire un ouvrage tout sien, à savoir son jugement.
Montaigne, « L'éducation des enfants » (1580),
Essais, Paris, Arléa, 1992
Chercher du nouveau, en œnologie comme ailleurs,
c'est d'abord, par définition, ne pas accepter les
connaissances communément admises ; c'est mettre
en doute les concepts existants, même les plus tradi
tionnels.
Emile Peynaud, Le Vin et les Jours,
Paris, Payot, « Grande Bibliothèque », 1996 (1" éd. 1988)
La société américaine considéra longtemps le vin comme une boisson
réservée aux immigrants d'origine italienne, grecque ou française, aux
clochards et autres marginaux. Pourtant, une viticulture dynamique
s'étire en Californie sur près de mille kilomètres de long, du comté de
San Diego au sud au comté de Mendocino au nord, avec une implantation
de la vigne dans de larges vallées des zones désertiques, et sous un climat
marqué par la présence ou l'absence de l'effet bénéfique de l'océan Paci
fique. Cette région viticole, dont les fondations remontent au XVIIP siècle,
produit depuis la seconde moitié du XIXe siècle environ 90 % des vins
américains afin de satisfaire d'abord le marché national. Une grande
majorité des vins de cet Etat est aujourd'hui élaborée avec des variétés
de vigne (cépages) de tradition française2. En effet, producteurs et négo
ciants californiens ont modifié depuis plusieurs décennies Fencépa-
gement, les paysages et les traditions de cette région. L'attrait pour une
149 Julien Lefour
variété nouvelle de raisin de cuve dont les origines culturelles, les prati
ques viticoles et le « bon goût » se situent dans un autre pays - au début
du moins — peut être interprété comme une tentative d'appropriation
sociale, économique et culturelle d'un nouvel objet à travers des techni
ques de viticulture, de vinification et de commercialisation adaptées à
l'environnement. En quoi consiste le processus d'appropriation effectué
par les producteurs et négociants californiens ? Pourquoi, par exemple,
ont-ils changé l6v la classification des vins'5 ?
La technologie au service d'un nouvel encépagement.
À la différence de la France, où la viticulture est liée à d'anciennes
pratiques culturelles et religieuses, en Californie le raisin de cuve est
considéré d'abord comme un produit agricole, au même titre que les
agrumes, la tomate ou le maïs. En 1873, la viticulture californienne est
détruite par le phylloxéra, un puceron dévastateur, mais les porte-greffes
(ceps) de la côte Est qui lui résistent vont permettre, par greffage de
boutures de cépages sur ces porte -greffes, de reconstituer le vignoble
californien à partir d'un encépagement européen plus varié. A mesure
que la pratique de la greffe se répand en Californie à la fin du XIXe siècle,
des maladies virales comme le court-noué se multiplient, limitant le déve
loppement de la vigne, affectant la maturation du raisin, indispensable
à la fabrication de vins de qualité supérieure. Certains producteurs,
arnpélograplies ou œnologues croient voir une solution dans le greffage
de cépages hybrides (mi-arnéricains, mi-européens), mais sans réel suc
cès : selon ces experts, la majorité des vins continue à avoir un goût
« spécial » qui les rend plus difficiles à commercialiser aux États-Unis
que les vins européens plus anciens et réputés.
De la Prohibition (1919-1933) jusqu'aux années 50, les producteurs
californiens cultivent des cépages à haut rendement essentiellement pour
fournir des raisins de table, du jus de raisin et des confitures, tandis que
la production de raisin de cuve alimente en éthanol les industries chimi
ques et pharmaceutiques. Après la Prohibition, qui a durement touché la
filière vinicole californienne, plusieurs wineries4 (caves vinicoles) choi
sissent de produire de nouveau des vins ordinaires. Mais quelques entre
prises californiennes installées dans la Napa Valley, située au nord-est de
San Francisco, comme Beaulieu Vineyards, décident d'élaborer des vins
plus fins et plus chers que ceux obtenus avant la Prohibition. Elles veulent
les vendre sous leurs propres étiquettes, comme en Europe, alors que la
plupart des producteurs les livrent au négoce du vin en vrac. Déçues par
les cépages régionaux, elles cherchent de nouvelles variétés dont les qua-
150 cépages de tradition française donnent-ils des vins californiens ? Les
lités œnologiques aient déjà été testées et qui fassent l'objet d'un consen
sus général : le choix se porte progressivement sur les cépages de tra
dition française popularisés par les livres spécialisés en langue anglaise
et le succès des vins de Bordeaux et de Champagne5. En 1933, les ci
nquante premiers hectares de cabernet sauvignon récolté dans cette vallée
permettent à ces producteurs de goûter un vin différent et fruité qui
dégage des arômes primaires alliant le « cassis » au « poivron » . Ils séle
ctionnent des cépages de tradition française pour leur capacité à résister
aux contraintes naturelles (sécheresse, gelées, érosion des sols), et leur
aptitude à donner du raisin de qualité suffisante pour satisfaire les Amér
icains, importateurs de vins français depuis la fin du XVIIIe siècle6.
Illustration non autorisée à la diffusion
Nouvel essor de l'industrie vinicolc : un ouvrier pelletant des grappes
prêtes à être vinifiées. (© Bettmann/Corbis.)
Face à un environnement différent, de nouvelles techniques viticoles,
vinicoles et commerciales sont appliquées pour développer ce nouvel encé-
pagement, par exemple la mise en œuvre de systèmes d'irrigation auto
matiques pour maîtriser la chaleur et lutter contre le stress hydrique.
151 Julien Lefour
L'œnologie n'est pas en reste, avec la création de chais et cuves modernes,
refroidis par un système d'air conditionné d'inspiration allemande, pour
un meilleur contrôle de l'hygiène et de la fermentation des moûts. Enfin
le réseau ferré stimule l'industrialisation et la commercialisation à un
niveau national. Toutes ces actions technologiques, dans leur ensemble,
permettent, lorsque le vin est tiré, de « faire différent » par rapport aux
modèles des vins français. Les expériences des wineries se multiplient : en
1952, la maison Stony Hill produit un vin élaboré à partir du célèbre
cépage blanc de Bourgogne, le chardonnay. En 1957, c'est au tour de Han-
ze

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