Les locutions prépositives : du spatial au non-spatial - article ; n°1 ; vol.129, pg 35-53
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Description

Langue française - Année 2001 - Volume 129 - Numéro 1 - Pages 35-53
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 2001
Nombre de lectures 92
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

MME Christiane Marque-Pucheu
Les locutions prépositives : du spatial au non-spatial
In: Langue française. N°129, 2001. pp. 35-53.
Citer ce document / Cite this document :
Marque-Pucheu Christiane. Les locutions prépositives : du spatial au non-spatial. In: Langue française. N°129, 2001. pp. 35-53.
doi : 10.3406/lfr.2001.1016
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_2001_num_129_1_1016Christiane Marque-Pucheu
Université Paris IV - Sorbonně
LES LOCUTIONS PREPOSITIVES :
DU SPATIAL AU NON-SPATIAL
La langue utilise un certain nombre de termes décrivant les phénomènes spa
tiaux pour désigner des relations particulières concernant la représentation de
mondes non spatiaux (Matoré 1976), dits « abstraits ». Ainsi, chemin l peut référer
à une portion d'espace reliant un endroit à un autre (Le traverse la forêt
avant de déboucher dans une clairière), mais aussi à un procédé (Toms les chemins
mènent à Rome 2), ou encore à une suite chronologique {Le chemin de la vie 3 est semé
d'embûches). Si ce constat est désormais banal pour les noms (Matoré ibid.), cer
taines prépositions (Brunot 1936, Groussier 1997, Dendale & De Mulder 1998,
Van de Velde 1998, Leeman 1998) et les verbes (Bouchard 1993, Guillet 1986,
Lamiroy 1987, Langacker 1987), il l'est moins pour les locutions prépositives qui,
sauf étude ponctuelle (Picoche & Honeste 1993, Picoche 1996, Marque-Pucheu
2001), sont rarement abordées dans la question des figures. Contrairement aux
tropes d'invention, l'analogie entre une expression s'appliquant à l'espace et une
expression désignant un domaine non spatial (vie sociale, sentiments, etc.) appart
ient au patrimoine linguistique de l'ensemble des locuteurs. Il est d'ailleurs
symptomatique que même les paraphrases ont recours à des termes relevant des
deux domaines : le dictionnaire Robert paraphrase en marge de трах « en dehors de
mais qui se rapporte à », en dehors de pouvant indiquer une exclusion d'un lieu ou
d'un domaine abstrait. La langue elle-même établit un rapport entre les deux
types d'expressions : au sommet de est associé à arriver dans ses deux interpréta
tions {arriver au sommet du Mont Blanc et arriver au sommet de la gloire) et le pronom
là, délesté de son sens spatial, peut aussi remplacer les formes non spatiales.
Il est d'usage d'évoquer à propos de ces expressions un transfert du concret
à l'abstrait. À cette distinction dont le soubassement linguistique a été contesté
nous substituons celle de spatial 4 vs non spatial, mais ce déplacement termino
logique nous amène à nous interroger sur la pertinence de l'ordre spatial — ► non
* Je tiens à remercier de leurs nombreuses suggestions J. Giry-Schneider, C. Leclère, D. Leeman,
A. Meunier, O. Soutet et mes relecteurs « de l'ombre ».
1. Terme apparu au XIe siècle.
2. Proverbe datant du XIIe siècle (traduit du latin médiéval).
3. Expression née au XIVe siècle.
4. Qu'il s'agisse du concret ou du spatial (locatif), le réfèrent est accessible aux sens, mais seule l'intui
tion de lieu peut être objectivée grammaticalement.
35 spatial (§ 1), point que nous tentons d'éclairer en étudiant la relation sémantique
qu'entretiennent les expressions spatiales et les expressions non spatiales (§ 2) ; et
on conviendra d'appeler « figure spatiale » l'expression non spatiale formelle
ment identique à une expression donnée et dont on rend compte en
recourant à la valeur spatiale de cette dernière 5. Cette relation met en jeu des
traits inhérents, le contexte qui détermine souvent les variations de sens, voire
des propriétés extralinguistiques. Ces constatations semblent militer en faveur de
l'absence de critère formel pour fonder la figure. Or pourtant, notre objectif est de
mettre en évidence des changements syntaxiques réguliers associés au passage
de l'interprétation spatiale à l'interprétation non spatiale.
1 . Espace concret vs espace abstrait
1.1. Concret vs abstrait et spatial vs non spatial
Soit les exemples :
(1) Et la vérité totale de ces semaines glaciales mais déjà fleurissantes était suggér
ée pour moi dans ce salon, où bientôt je n'irais plus, par d'autres blancheurs
plus enivrantes, celles par exemple, des « boules de neige » assemblant au
sommet de leurs hautes tiges nues comme les arbustes linéaires des préra
phaélites. (Proust, Â l'Ombre des jeunes filles en fleurs, NRF, Paris, 1918, Tome II-l,
p. 189)
(2) La proclamation d'un taux moindre aurait trahi que, au sommet du pouvoir, un
clan était aujourd'hui assez puissant pour s'opposer frontalement au Président.
(F. Aubenas, « La victoire du oui au référendum sur la « concorde civile » conforte
la légitimité du président algérien », Libération, 18 septembre 1999, p. 8-9)
(3) Pour être efficace, la rumeur s'appuie sur un schéma connu. Celui de la bavure
pour la cité. Celui d'une agression gratuite, au détour d'un couloir, pour des
agents RATP. (O. Bertrand, « La grève de la RATP s'est nourrie de la rumeur et
du besoin d'un coupable », Libération, 9 juin 1999, p. 18)
(4) L'influence souterraine de l'astrofinance est apparue au grand jour au détour de
l'escroquerie du siècle, le détournement d'au moins 335 millions de dollars
(plus de 2 milliards de francs) par un financier véreux du nom de Martin
Frankel. (P. Sabatier, « Aux États-Unis, l'astrologie appliquée à la finance fait
fureur », Libération, 11 août 1999, p. 22-23)
La distinction entre les deux emplois de au sommet de dans (1) et (2) ou de au
détour de dans (3) et (4) reproduit une catégorisation structurée dans l'univers de
l'individu, celle qui sépare concret et abstrait et représente une des relations fon
dant les tropes en général chez Dumarsais [1730 (1988 : 303, note l,iii par Douay-
Soublin)], la « relation entre le sens -physique et le sens métaphysique d'un même
mot : lumière : lumière du soleil. . ., lumière de l'esprit. ». Cette distinction inspire
également à Fontanier [1821 (1977: 103)] une définition de la métaphore en
5. Même si « trope spatial » correspond mieux à la définition initiale donnée par Fontanier des tropes et
des figures.
36 particulier : «... la Métaphore morale, c'est-à-dire, celle où quelque chose d'abstrait,
de métaphysique, quelque chose de l'ordre moral se trouve comparé avec
quelque chose de physique, et qui affecte les sens, soit que le transport ait lieu du
second au premier, ou du premier au second ». Ce point de vue, en vertu duquel
à deux interprétations associées à un même terme correspondent respectivement
deux domaines conceptuels différents, domine chez un certain nombre de spé
cialistes de la métaphore 6. Une propriété d'ordinaire affectée à une expression
dont le réfèrent est concret (zone de localisation sur un objet pour au sommet de
leurs hautes tiges nues, changement d'emplacement pour au détour d'un couloir) est
en relation avec une expression dont le réfèrent n'est pas immédiat. Autrement
dit, le sens métaphorique est défini par catégorisation déviante, idée maintenant
accréditée (Kleiber 1999 : 133).
Mais l'opposition entre concret et abstrait, souvent sollicitée, est aussi décriée
pour deux raisons. En premier lieu, le continuum observé entre les deux types de
substantifs remet en question le bien-fondé d'une sous-catégorisation entre abst
raits et concrets, notamment les critères ontologiques (matérialité) 7. L'absence de
critères linguistiques a également été invoquée, le critère de la dérivation mor
phologique 8 ou la sous-catégorisation par le nombrable n'étant pas suffisamment
probants (Martin 1996). Sauf rares exemples comme la beauté/une beauté, où
l'opposition des déterminants générique /indéfini reproduit une opposition abs
trait/concret, cette dernière n'a pas de support grammatical, contrairement aux
catégories ontologiques comme massif/ comptable, que distingue un jeu de
déterminants différent, ou humain/non humain, que différencient certains pro
noms. Par ailleurs, il a été objecté que cette opposition, si tant est qu'on l'accepte,
était t

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