Les productions vocales des jeunes enfants français : convergence vers le modèle adulte - article ; n°1 ; vol.118, pg 6-25
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Langue française - Année 1998 - Volume 118 - Numéro 1 - Pages 6-25
P. A. HALLE, French infants vocal productions: Convergence toward the adult language patterns The study of French children's vocal productions suggests that, at each period of development, the emerging and developing aspects specific to French language are those aspects which are functional, given the children's cognitive capacities. Children soon overcome the limitations imposed by physiological and biological maturation, and their vocalisations reflect native language specificity well before they can say words. Language specificity first appears in the prosodie, then in the segmentai characteristics of vocalisations. Language specificity also affects the way children's early words deviate from the adult model, and the kind of regularities that later emerge as a proto-phonology, roughly at the time of lexical burst.
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1998
Nombre de lectures 50
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Pierre A. Halle
Les productions vocales des jeunes enfants français :
convergence vers le modèle adulte
In: Langue française. N°118, 1998. pp. 6-25.
Abstract
P. A. Halle, French infants vocal productions: Convergence toward the adult language patterns
The study of French children's vocal productions suggests that, at each period of development, the emerging and developing
aspects specific to French language are those aspects which are functional, given the children's cognitive capacities. Children
soon overcome the limitations imposed by physiological and biological maturation, and their vocalisations reflect native language
specificity well before they can say words. Language specificity first appears in the prosodic, then in the segmental characteristics
of vocalisations. Language specificity also affects the way children's early words deviate from the adult model, and the kind of
regularities that later emerge as a "proto-phonology", roughly at the time of lexical burst.
Citer ce document / Cite this document :
Halle Pierre A. Les productions vocales des jeunes enfants français : convergence vers le modèle adulte. In: Langue française.
N°118, 1998. pp. 6-25.
doi : 10.3406/lfr.1998.6248
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_1998_num_118_1_6248Pierre A. HALLE
Laboratoire de Psychologie Expérimentale, CNRS-Paris V
LES PRODUCTIONS VOCALES
DES JEUNES ENFANTS FRANÇAIS :
CONVERGENCE VERS LE MODÈLE ADULTE
Introduction
Les premières études marquantes consacrées au développement de la parole
chez l'enfant prenant sérieusement en compte le babillage remontent aux monog
raphies célèbres du début du siècle (Grégoire, 1937 ; Roussey, 1899, 1900 ;
Leopold, 1939, 1947 ; Lewis, 1936 ; Stern et Stem, 1928 ; etc.). En particulier, la
monographie de Grégoire analyse en détail l'entrée dans le langage de ses fils et
traite avec lucidité de questions qui sont toujours d'actualité : le modelage des
productions précoces par les propriétés de la langue apprise (ce que Grégoire
appelle la « normalisation phonétique »), la variété des sons apparaissant dans le
babillage, les différences individuelles. On ne peut qu'admirer une étude si riche
en dépit des limitations techniques de l'époque pour recueillir les données
sonores. L'impact du livre de Roman Jakobson, Langage enfantin et aphasie
(1941) fut bien plus grand, parce qu'il proposait un cadre théorique (structural
iste) cohérent de l'acquisition du langage. Selon ce modèle, l'ordre dans lequel
les enfants acquièrent le système de contrastes phonologiques de leur langue est
déterminé par la structure hiérarchique de ces contrastes dans la langue adulte,
structure répondant à des principes d'organisation universels. Pour Jakobson, le
babillage est un stade prélinguistique, sans continuité avec la période suivante
(marquée par la formation du lexique) où l'enfant acquiert les structures sonores
de sa langue. Ces idées sont à l'origine des nombreuses études « sur le terrain »
qui ont pu se développer plus tard, grâce aux progrès méthodologiques et
techniques de recueil de données. Mais ces travaux n'ont pu fournir de support
empirique aux idées de Jakobson. Dès les années 50, Roger Brown (1958, voir
aussi 1973) contestait la notion d'un ordre universel d'acquisition des « phonè
mes ». La notion d'une discontinuité entre babillage et premiers mots a été
fortement remise en question par de nombreux travaux (ex. Kent et Hodge,
1990 ; Vihman et al., 1985).
Les questions actuellement débattues (ou re-débattues) concernent plutôt la
nature innée versus acquise du langage, et le caractère spécifique ou non du
langage : le langage est-il acquis grâce à des mécanismes d'apprentissage gêné- raux ou spécifiques ? La notion d'apprentissage a été récemment remise à l'ordre
du jour par une étude démontrant la capacité d'enfants de 8 mois à détecter des
récurrences de sous-séquences syllabiques d'une « langue » artificielle à laquelle
ils n'ont été exposés que pendant 2 minutes (Saffran et al., 1996). Cette capacité
a été interprétée comme reflétant des processus d'apprentissage généraux basés
sur le calcul implicite (et automatique) de probabilités de transition entre des
événements (Bates et al., 1996). Un moyen terme à ces positions théoriques est
offert par la notion d'apprentissage préprogrammé (innately guided learning).
L'enfant serait équipé au départ de mécanismes d'apprentissage spécifiques
(Jusczyk et Bertoncini, 1988 ; voir aussi Pinker, 1994).
Mais le cadre de travail dans lequel nous nous plaçons est plus pragmatique.
Nous nous référerons à des positions proches du fonctionnalisme dynamique ou
« auto-organisateur » (Kent, 1984, 1992 ; Lindblom, 1992 ; Lindblom et al.,
1984 ; McCune et Vihman, 1987). Dans une version extrême, ces positions
soutiennent que les productions vocales sont basées sur des comportements
biologiques primitifs tels que l'oscillation mandibulaire. Les
s'affinent et tendent vers le langage articulé par l'effet conjugué de l'exposition à
la langue de l'environnement et de la maturation physiologique des organes de
l'articulation et de leur contrôle moteur. Edelman (1987) propose d'expliquer
l'émergence de la parole organisée par des processus neuronaux de mise en
correspondance graduelle entre les gestes moteurs et leurs conséquences auditi
ves, aboutissant, après de nombreuses répétitions, à des « catégories d'action »
stables. Ajoutons qu'un choix, une sélection, doit s'opérer parmi toutes les
correspondances possibles pour ne finalement retenir que celles qui sont effect
ivement utilisées dans la langue apprise, et ont par conséquent une valeur fonc
tionnelle.
Nous insisterons donc beaucoup sur le caractère spécifique à la langue
apprise des productions de parole. La spécificité du français se manifeste dans les
productions de parole des enfants français à divers niveaux d'analyse. Non
seulement les elles-mêmes ont des caractéristiques (physiques, pho
nétiques, phonotactiques, etc.) de plus en plus proches des caractéristiques
adultes, mais de plus, les patterns de développement sont eux aussi propres à la
langue apprise. Certes, il faudra tenir compte de la variabilité individuelle dans
l'étude des enfants français, mais malgré cette variabilité, de grandes tendances
propres au français peuvent s'observer à divers niveaux d'analyse.
Plan de l'article : Nous « raconterons » le développement des capacités de
parole d'une façon quasi-chronologique, depuis les premières vocalisations
jusqu'aux premiers mots et la période conventionnellement décrite comme celle
de l'explosion du lexique. Nous insisterons particulièrement sur la transition
entre babillage et premiers mots, étape la plus sujette à des descriptions contro
versées : y a-t-il ou non continuité entre babillage et premiers mots ? Les formes
du babillage sont-elles plus fortement contraintes que les mots par les propriétés de l'appareil vocal ? Enfin, pour certaines phases marquantes du biomécaniques
développement, nous signalerons au passage les données qui peuvent s'interpré
ter comme reflétant un lien entre production et perception.
Première période : avant le babillage
Les premières manifestations sonores émises par les bébés sont des cris, des
pleurs, des productions végétatives que l'on s'accorde généralement à considérer
comme universelles. Il semblerait que les bébés français pleurent, crient ou
« roucoulent » de la même façon que leurs homologues par exemple anglais ou
chinois. Cependant, dès l'âge de 3-4 mois, les enfants sont capables d'imiter des
voyelles (Kuhl et Meltzoff, 1982) et des contours simples d'intonation (Masataka,
1992, 1993) ; ce qui s'observe dans un contexte naturel d'échange avec la mère
(Masataka, 1992), ou de stimulation bimodale auditive et visuelle. Ceci montre
l'efficacité des liens perceptivo-moteurs lorsque les gestes ou intentions articula-
toires sont non seulement audibles mais aussi visibles. La proprioception module
donc potentiellement les productions précoces même si les productions sponta
nées ne sont pas encore orientée

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