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Informations
Publié par | CAHIERS_DU_MONDE_RUSSE_ET_SOVIETIQUE |
Publié le | 01 janvier 1991 |
Nombre de lectures | 15 |
Langue | Français |
Poids de l'ouvrage | 2 Mo |
Extrait
Antonella Salomoni
« Libéralisme économique » et « contre-révolution
académique »
In: Cahiers du monde russe et soviétique. Vol. 32 N°4. Octobre-Décembre 1991. pp. 513-537.
Citer ce document / Cite this document :
Salomoni Antonella. « Libéralisme économique » et « contre-révolution académique ». In: Cahiers du monde russe et
soviétique. Vol. 32 N°4. Octobre-Décembre 1991. pp. 513-537.
doi : 10.3406/cmr.1991.2297
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/cmr_0008-0160_1991_num_32_4_2297Abstract
Antonella Salomoni, "Economie liberalism" and "academic counter-revolution" . The Soviet experience
of Ekonomist, 1922.
Between December 1921 and June 1922, the review Ekonomist asserts itself as the most animated
organ of discussion on the general backwardness of Russian economy, the difficulties of a new takeoff
after the end of civil war and the chances of success of the new line on which the Soviet governement
had engaged. The Russian revolution had made the collaborators of Ekonomist aware of the absence of
an economic theory of socialism. Now they saw the basic conditions for a positive evolution of the
system in the program of the NEP reestablishing the laws of supply and demand, and private initiative.
These intellectuals professing very different tendencies and opinions were to endow the review with a
real laboratory of research and discussion. A short time before the beginning of the campaign against
"bourgeois ideology", they express the engagement taken by some sectors of the intelligentsia to
facilitate the rebirth and the free exercise of all the economic, political and ideological trends of Russian
life.
Résumé
Antonella Salomoni, « Libéralisme économique » et « contre-révolution académique ». L'expérience
soviétique ďEkonomist, 1922.
Entre décembre 1921 et juin 1922, la revue Ekonomist s'impose comme l'organe de discussion le plus
animé sur le retard général de l'économie russe, les difficultés du redémarrage après la fin de la guerre
civile et les chances de réussite du nouveau cours entamé par le gouvernement soviétique. La
révolution russe avait obligé les collaborateurs d'Ekonomist à réfléchir sérieusement sur l'absence d'une
théorie économique du socialisme. Dans le programme de la NEP, comportant le rétablissement des
lois de l'offre et de la demande et de l'initiative privée, ils voyaient alors inscrites les instances de base
permettant une évolution positive du système. Ces intellectuels aux tendances et aux opinions très
variées vont animer, à l'intérieur de la revue, un véritable laboratoire de recherche et de discussion. Peu
avant le déclenchement de la campagne de lutte contre l' « idéologie bourgeoise », ils expriment
l'engagement de certains secteurs de l'intelligentsia de faciliter la renaissance et le libre jeu de tous les
courants économiques, politiques et idéologiques de la vie russe.ANTONELLA SALOMONI
« LIBERALISME ÉCONOMIQUE »
ET « CONTRE-RÉVOLUTION ACADÉMIQUE »
L'expérience soviétique ďEkonomist (1922)1
Entre décembre 1921 et juin 1922, la revue Ekonomist. publiée à Petrograd par
un groupe ďintelligenty. s'imposa comme l'organe de discussion le plus animé sur le
retard général de l'économie russe, les difficultés du redémarrage après la fin de la
guerre civile et les chances de réussite du nouveau cours entamé par le gouvervement
soviétique. C'était une période de grande activité scientifique et de vitalité journalis
tique même dans le domaine de l'économie2. Le pluralisme de la révolution de Février
semblait en quelque sorte rétabli. Les libéraux aussi reprirent leur initiative. L' Eko
nomist devint le défenseur de l'hypothèse du développement des forces productives
du pays résultant de l'accélération de la nouvelle politique économique, car elle pré
voyait de recourir sur une grande échelle à l'initiative privée. On se proposait de publier
des essais de « théorie et politique des sciences sociales », des articles d'économie
pratique à l'usage des différentes branches de l'industrie nationale, des analyses de
science économique internationale, des informations sur le travail d'experts et l'acti
vité des institutions de recherche en Russie et en Occident, des comptes rendus des
publications éditées en russe ou en langue étrangère.
Dans l'expérience de Y Ekonomist prend concrètement forme l'engagement de cer
tains secteurs de l'intelligentsia russe de faciliter ce qu'on commençait à appeler la
« renaissance » (vozroïdenie) de l'économie nationale. Ces secteurs considéraient
encore valables dans leur substance les normes de l'initiative privée et la loi de l'offre
et de la demande. Dans le programme de la NEP, qui semblait dans une certaine
mesure tenir compte de ces normes et de cette loi, ils voyaient inscrites les instances
de base d'une évolution du système vers le marché plus traditionnel :
« И est vrai - constatait-on - que les conditions du prochain développement économique
auront peu en commun avec le passé. Mais il ne faut pas oublier que ni la guerre mondiale
ni la tempête révolutionnaire qui s'est déclenchée, n'ont détruit la base sociale sur laquelle
se tonde l'industrie russe. Au contraire, elles l'ont renforcée. Reconstruite, mais afiarnée
de produits de transformation, la campagne présente ses demandes pressantes et impat
ientes, qui attendent d'être immédiatement satisfaites. »3
Cahiers du Monde russe et soviétique. XXXII (4), octobre-décembre 1991, pp. 513-538. 514 ANTONIU JASAIjOMON!
Ли début de la NRP, le débat autour des questions économiques était très vif,
comme en témoigne la publication de nombreuses revues, filles étaient souvent l'e
xpression directe d'institutions officielles comme le Soviet suprême de l'économie
nationale (VysSij sovet narodnogo hozjajstva - VSNH) et le Département central de
statistique (Central'noe statističeskoe upravlenie - CSU)4, mais elles n'étaient pas
nécessairement des organes du parti. Bien au contraire : les économistes et les spé
cialistes qui y collaboraient - remarquait un observateur très qualifié dans un journal
de l'émigration - publiaient souvent des articles qui normalement n'auraient pas pu
trouver un bon accueil dans la presse soviétique'.
1,'historiographie soviétique - en parlant d'un jugement sévère de I^nin - a très
souvent fait allusion à l'expérience de Y Ekonomi st en tant qu'organe d'opposition poli
tique. On a ainsi stigmatisé ses thèses rigoureusement libérales en matière d'écono
mie, sa défense acharnée des forces qui agissent spon