Mémoire et création dans les Préfaces des Lyrical Ballads : l héritage du XVIIIe siècle - article ; n°1 ; vol.17, pg 23-39
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Colloque - Société d'études anglo-américaines des 17e et 18e siècles - Année 1983 - Volume 17 - Numéro 1 - Pages 23-39
17 pages

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Publié le 01 janvier 1983
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Langue Français
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Extrait

Pierre Morère
Mémoire et création dans les Préfaces des Lyrical Ballads :
l'héritage du XVIIIe siècle
In: Mémoire et création dans le monde anglo-américain aux XVIIe et XVIIIe siècles. Actes du Colloque - Société
d'études anglo-américaines des 17e et 18e siècles, 1983. pp. 23-39.
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Morère Pierre. Mémoire et création dans les Préfaces des Lyrical Ballads : l'héritage du XVIIIe siècle. In: Mémoire et création
dans le monde anglo-américain aux XVIIe et XVIIIe siècles. Actes du Colloque - Société d'études anglo-américaines des 17e et
18e siècles, 1983. pp. 23-39.
doi : 10.3406/xvii.1983.2200
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/xvii_0294-1953_1983_act_17_1_220023
MÉMOIRE ET CRÉATION DANS LES PRÉFACES
DES LYRICAL BALLADS :
L'HÉRITAGE DU DIX-HUITIÈME SIÈCLE
On sait que les Préfaces des Lyrical Ballads de Wordsworth sont un plai
doyer pro domo rédigé pour défendre des poèmes, publiés en 1798 et 1800,
qui avaient suscité des réactions hostiles. Les Préfaces se répartissent en trois
grands textes : le premier introduit la deuxième édition des ballades et il lui
est adjoint un appendice sur la poetic diction ; le second est l'essai supplément
aire à la Préface, et le troisième précède l'édition de 1815. En dépit de leur
rédaction éloignée dans le temps, et malgré aussi quelques précisions et
nuances qui peuvent les différencier, les Préfaces révèlent une profonde
unité de pensée. Elles sont la réflexion d'un poète sur son art, et, paradoxale
ment, la mise en avant d'une théorie postérieure à la création. Wordsworth
porte un regard en arrière sur un travail qu'il a lui-même qualifié d'expéri
mental dans une première réaction de défense. En cela, la mémoire pense la
création.
Les Préfaces font figure de manifeste poétique, et leur impact, autant
que celui des poèmes qu'elles introduisent, consacrent une rupture avec le
passé. Il peut donc sembler paradoxal de parler d'héritage du XVIIIe siècle à
propos de textes qui pourfendent des habitudes prises et engagent l'avenir.
Or, les dates de publication des Lyrical Ballads sont en elles-mêmes symboli
ques. Situées à la charnière de deux siècles, elles peuvent, une fois n'est pas
coutume, justifier en matière de critique littéraire la fin d'une époque et
l'orée d'une autre. Si Wordsworth a composé ses poèmes et rédigé ses Préfa
ces contre la tradition dominante du siècle qui s'achève, c'est d'abord parce
qu'il garde cette tradition en mémoire. La création et l'élaboration d'une
théorie poétique sont donc ici réaction par rapport à un passé toujours
vivace. Par ailleurs, la critique de l'artificiel et par conséquent d'une certaine
sclérose dans la poésie du XVIIIe siècle, sans entraîner pour autant un refus
de talents authentiques, constitue la base des Préfaces, et la pensée de
1' Enlightenment en demeure le ferment avec toute sa richesse et sa fécondité.
Aborder l'étude des Préfaces des Lyrical Ballads sous le double éclairage
de la mémoire et de la création permet de soulever plusieurs aspects propres
à la problématique de ces textes. Wordsworth y aborde en effet la poésie tant 24
du point de vue du créateur que de celui du récepteur. Poète et lecteur se
nourrissent d'une mémoire collective qui est celle de leur pays et de leur
temps. Ces referents partagés servent de toile de fond à des expériences indi
viduelles différenciées, et la poésie sera alors le point de rencontre de sensibil
ités. D'après les Préfaces, l'écriture poétique est altruiste puisqu'elle cher
che à susciter des émotions chez l'autre ; la lecture l'est tout autant, mais elle
est aussi création dès lors qu'elle re-sent et re-pense le texte qui lui est pro
posé. Les Préfaces suggèrent donc une osmose entre écriture et lecture poéti
ques, et la théorie qui est exposée repose sur la notion de sympathie chère au
XVIIIe siècle.
Le manifeste poétique de Wordsworth se fonde sur des réminiscences
philosophiques qui appartiennent au siècle qui s'achève avec la publication
des Lyrical Ballads. La nature humaine y est présentée selon une conception
inspirée de la pensée empirique lorsqu'il écrit :
The continued influxes of feeling are modified and directed by our thoughts,
which are indeed the representatives of our past feelings (1).
Ainsi est posé dans la tradition longtemps inaugurée par Locke et reprise
par Hartley (2) le principe de l'interrelation entre impressions, sensations,
sentiments et pensée. Les données de l'expérience viennent se graver dans la
mémoire et colorent le présent de l'héritage du passé. Mais le présent à son
tour modifie les impressions anciennes. La résurgence d'images enfouies
dans la mémoire et l'apport de sensations nouvelles constituent le flux de la
pensée d'une personnalité sans cesse en devenir. Pareille conception dynami
que de la nature humaine où apparaît le principe de l'association d'idées
développé par Hartley, mais aussi par d'autres avant lui, fait naître l'actif à
partir du passif, la création à partir de la mémoire. Or, dans ce contexte, la
notion de mémoire revêt plusieurs significations dont le poète pourra tirer le
plus grand profit. Il pourra s'agir de la faculté qu'a l'esprit de reproduire
consciemment un état passé ; cela pourra être aussi le retour à la conscience
d'affections anciennes provoqué soit par le souvenir, soit par des occurrences
présentes mais similaires à une situation antérieure. Source inépuisable de
données parce qu'elle est toujours nourrie d'apports nouveaux, la mémoire
s'identifie à l'être. Homme parmi les hommes, le poète ne possède pas la
faculté divine de créer ex nihilo, il lui faut des éléments pré-existants qu'il
cherchera dans le souvenir. Il se rapprochera cependant de Dieu en préser
vant dans son œuvre le monde à la fois dans son passé et dans son devenir, et
il se fera ainsi, à l'échelle humaine, l'artisan d'une création continuée pour
reprendre ici une expression que les scolastiques réservent au Créateur
Suprême.
Le mécanisme mental aboutissant à la création poétique décrit par
Wordsworth relève de la seule nature humaine et emprunte à la psychologie 25
empirique. Que fait donc le poète, s'interroge-t-il ?
He considers man and the objects that surround him as acting and re-acting
upon each other, so as to produce an infinite complexity of pain and plea
sure : he considers man in his own nature and in his ordinary life as contem
plating this with a certain quantity of immediate knowledge, with certain
convictions, intuitions, and deductions, which from habit acquire the quality
of intuitions; he considers him as looking upon this complex scene of ideas
and sensations, and finding everywhere objects that immediately excite
sympathies... (3).
L'action et la réaction des objets les uns par rapport aux autres évoquent une
généralisation à l'ensemble des êtres et des choses du principe de l'attraction
universelle mis en avant par Newton. Cette interaction est autant l'expé
rience acquise que son procès actuel. Les aboutissants indiqués, le plaisir et
la douleur, posent la problématique de l'affection en même temps que celle
de l'ensemble des états et des tendances affectives de l'être. Ainsi Words
worth reprend-t-il à son compte une notion avancée par Thomas Reid (4)
qui, tout en critiquant Hume, conservait néanmoins une grande part de
l'héritage empirique, selon lequel les affections sont la résultante des inclina
tions positives ou négatives à l'endroit du monde qui nous entoure. Le point
de départ de la méditation poétique est donc ce « savoir immédiat », fruit de
l'expérience présente et passée. Par conséquent, la conscience fera appel à la
mémoire, et l'affection sera alors le reliquat de la somme de sensations pas
sées et défini plus tard par Maine de Biran comme étant &#

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