Peirce, Frege, la vérité, le tiers inclus et le champ pratiqué - article ; n°58 ; vol.14, pg 103-127
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Description

Langages - Année 1980 - Volume 14 - Numéro 58 - Pages 103-127
25 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1980
Nombre de lectures 70
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Timothy J. Reiss
Peirce, Frege, la vérité, le tiers inclus et le champ pratiqué
In: Langages, 14e année, n°58, 1980. pp. 103-127.
Citer ce document / Cite this document :
Reiss Timothy J. Peirce, Frege, la vérité, le tiers inclus et le champ pratiqué. In: Langages, 14e année, n°58, 1980. pp. 103-127.
doi : 10.3406/lgge.1980.1850
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lgge_0458-726X_1980_num_14_58_1850J. Reiss Timothy
Université de Montréal
PEIRCE, FREGE, LA VÉRITÉ, LE TIERS INCLUS
ET LE CHAMP PRATIQUÉ
« Quoique nous n'acceptions plus la théorie
de la correspondance, nous restons réalistes au
fond ; nous gardons dans notre pensée une con
ception fondamentalement réaliste de la vérité.
Le réalisme consiste en la croyance que, pour
toute affirmation, il doit y avoir quelque chose
en vertu de quoi ou cette affirmation ou sa
négation est vraie : ce n'est qu'à partir de
cette croyance que nous pouvons justifier l'idée
que la vérité et la fausseté jouent un rôle essent
iel dans la signification {meaning) d'une affi
rmation, que la forme générale expli
cation de est une affirmation des
conditions de vérité. » (Michael DUMMETT,
« Truth »)
« En fait, et pour conclure brièvement sur le
binarisme, on peut se demander s'il ne s agit
pas là d'une classification à la fois nécessaire et
transitoire : le binarisme serait lui aussi un
métalangage, une taxinomie particulière desti
née à être emportée par l'histoire, dont elle
aura été un moment juste. » (Roland BARTHES,
Eléments de sémiologie)
Le discours de la pensée classique, installé comme seul ordre du savoir réel en
•onséquence des recherches de GALILÉE, de DESCARTES, de BACON et de leurs con-
lemporains, peut être saisi surtout de deux points de vue !. Il se conçoit comme un
processus d'analyse et comme essentiellement référentiel. Cette dernière caractéristi
que présuppose la séparation de la pensée et du langage, et l'idée que le langage
n'est rien d'autre que le moyen d'exprimer une pensée capable de saisir des représen
tations du réel. Le premier a priori s'associe à cet autre selon lequel les structures
fondamentales du langage seraient identifiables à/comme celles de la pensée : d'où la
tentative de découvrir dans la « grammaire générale » les universaux du processus de
la pensée.
Si, d'une part, nous pouvons supposer que la pensée se compose de représenta
tions adéquatement précises du phénoménal — médiatisé dans le langage — et si, de
l'autre, nous pouvons identifier les unes aux autres les structures grammaticales
du langage et les structures logiques de la pensée, alors il est évident qu'un dis
cours organisé « de la bonne façon » nous donnera dans sa propre forme même une
1. Ce texte, à peu de choses près, a paru en version anglaise dans le Journal canadien de
recherche sémiotique, IV, 2 (hiver 1976-77), pp. 5-39.
103 analyse correcte des objets qu'il nous présente dans son contenu, des objets auxquels
renvoient ses propositions.
Je ne reconnais que trop bien que cela ne représente que l'esquisse de l'analyse
d'une question autrement complexe, mais elle doit suffire pour la présente. De
manière générale, c'est à cette esquisse que je me réfère chaque fois que je me sers des
termes « discours analytico-référentiel » 2.
Or je voudrais suggérer que l'atomisme logique, tel qu'il apparaît par exemple
chez le WITTGENSTEIN du Tractatus (1921), qui a développé son analyse en grande
partie à la suite des recherches de FREGE, semble une forme extrême de 1 'epistemolo
gie classique, analytico-référentielle. Il suppose qu'un langage idéal se cache à l'inté
rieur, pour ainsi dire, du langage ordinaire. Cet idéal est celui où opère la fonction
de vérité, celui d'un langage extensionnel dont la base est le total des propositions
atomiques prises comme modelant des faits atomiques dans le monde extérieur. Un
fait n'est pas, soit dit tout de suite, une chose « en elle-même », mais l'existence de
certains « états de choses », Sachverhalten, pris comme « une liaison d'objets », eine
Verbindung von Gegenstanden 3. Dans son introduction à la traduction anglaise
(1922), Bertrand RUSSELL souligne la comparaison (établie par WITTGENSTEIN) du
processus dénotatif en question avec la projection en géométrie, où, quelle que soit la
projection effective d'une figure donnée (dont chaque projection différente « corre
spond à une langue différente »), les propriétés projectives de l'original restent les
mêmes. « Ces propriétés projectives correspondent à ce que, dans sa théorie [celle de
WITTGENSTEIN], la proposition et le fait doivent avoir en commun, si la proposition doit
affirmer le fait. » 4
WITTGENSTEIN, comme les autres logiciens atomistes, se soucie grandement de
séparer les propositions d'un langage où opère la fonction de vérité de celles du lan
gage ordinaire, puisqu'elles sont de toute évidence incompatibles. Néanmoins son
analyse montre clairement que ce dernier est conçu comme contenant d'une manière
quelconque le premier, tout en soulignant également la séparation classique de la
pensée et du langage qui l'exprime :
« Le langage quotidien est une partie de l'organisme humain, et n'est pas moins
compliqué que ce dernier.
« II est humainement impossible d'en extraire immédiatement la logique du lan
gage.
« Le langage travestit la pensée. Et notamment de telle sorte que, d'après la forme
extérieure du vêtement, l'on ne peut conclure à la forme de la pensée travestie... »
(4.002).
Ces présupposés classiques dissimulent cette difficulté, reconnue très tôt par PEIRCE,
qui est qu'on ne peut séparer le savoir de l'organisme qui le recueille ou qui le fabri
que, et que les formes prises par le savoir sont essentiellement atteintes par les fo
rmes discursives disponibles à un moment donné : car le système de signes dans lequel
nous sommes enveloppés fait partie du savoir que nous acquérons de façon progres-
2. Je pourrais renvoyer aussi, peut-être, à mes articles : « The concevoir Motif in Descart
es », in La Cohérence intérieure. Etudes sur la littérature française du XVII- siècle, éd. J. Van
Baelen et D. L. RUBIN, Paris, 1977, pp. 203-222 ; « Cartesian Discourse and Classical
Ideology », Diacritics, 6, 4, 1976, pp. 19-27 ; l'article sur GALILÉE, etc., mentionné dans la note
24, et mon livre, rédigé mais non encore paru, Logics of Literature.
3. Ludwig WITTGENSTEIN, Tractatus logico-philosophicus, trad. Pierre Klossowski,
introd. Bertrand RUSSELL, Paris, Gallimard, 1961 (1972]. §§ 2-2.01, p. 44.
4. Ibid., p. 11.
104 en pratiquant ce système D. Rien dans notre expérience ni dans une logique quelsive
conque ne fournit une base qui nous permettrait de supposer une séparation de la
pensée et du langage, ou que le langage ordinaire dissimule dans ses propres structu
res le squelette d'une forme idéale d'expression. FREGE lui-même était tout à fait
conscient de cette difficulté, et de façon délibérée, spécifique, et constante, séparait
la vérité des lois logiques de la vérité référentielle, et toutes deux de l'expression du
langage ordinaire.
La difficulté que pose une telle division, c'est qu'elle tend à enlever toute justifica
tion pour discuter de concepts tels que vérité et fausseté 6. Il apparaît donc toujours
dans les écrits de FREGE un élément implicite de référentialité, ne serait-ce que par
le fait que ce problème est rapidement écarté. Bien que FREGE ait insisté sur le fait
que la discussion logico-mathématique n'a que faire de vérités qui sont à établir par
des moyens extra-logiques, une telle prise de position tend à laisser en suspens la
question de l'application pratique d'une logique mathématique. Si elle n'a pas ce
résultat, alors cela ne peut être que parce qu'une supposition tacite est faite à l'égard
de la vérité expérimentale (et expérientielle) au moment d'écrire, et que cette su

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