Le calcul des probabilités et les régularités statistiques - article ; n°65 ; vol.17, pg 23-52
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Revue néo-scolastique de philosophie - Année 1910 - Volume 17 - Numéro 65 - Pages 23-52
30 pages

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Publié le 01 janvier 1910
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Langue Français
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Extrait

Joseph Lottin
Le calcul des probabilités et les régularités statistiques
In: Revue néo-scolastique de philosophie. 17° année, N°65, 1910. pp. 23-52.
Citer ce document / Cite this document :
Lottin Joseph. Le calcul des probabilités et les régularités statistiques. In: Revue néo-scolastique de philosophie. 17° année,
N°65, 1910. pp. 23-52.
doi : 10.3406/phlou.1910.2728
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0776-555X_1910_num_17_65_2728il.
LE CALCUL DES PROBABILITÉS
ET
LES RÉGULARITÉS STATISTIQUES*)
Si la première source de vérité est l'expérience, il est
de fait que notre esprit ne peut s'en contenter. D'instinct,
nous recherchons la loi des agents naturels, les causes et
le mode de leur action. Quiconque prétend faire de la science
admet qu'il y a une connexion nécessaire entre les causes et
leurs effets ; c'est le principe du déterminisme : le nier serait
nier la science elle-même.
La conséquence de ce principe s'impose : si> dans un cas
donné, nous connaissons les diverses causes qui ont agi sur
un phénomène, leur mode d'action, leur direction et leur
intensité, nous pouvons prédire avec certitude leur résul
tante finale ; la déduction peut s'effectuer rigoureuse,
mathématique, sous forme d'un raisonnement d'une valeur
irrécusable : si telles causes agissent, tel effet s'ensuivra
nécessairement. En fait, ces causes agissent ; donc, tel efiet
*) Dans le numéro de novembre 1909 de cette Revue, nous annon
cions (p. 539) une étude sur les rapports qui existent entre la méthode
statistique (ou les moyennes subjectives) et la méthode inductive. Nous
nous étions contenté, dans ce premier article, de préparer le sujet:
exposer les différentes espèces de moyennes, et déterminer la sphère
d'application des moyennes subjectives.
Nous abordons aujourd'hui la question elle-même. Historiquement, la
méthode statistique se présente comme un corollaire du calcul des pro
babilités ; logiquement, ne doit-on pas la rattacher à la méthode induc
tive ? C'est la question que nous examinons dans les pages qui suivent. i. lottin 24
en résultera infailliblement. Ex veritate antecedents, neces-
sario sequitur veritas consequenlis.
Si tel était l'état de nos connaissances pour tous les phé
nomènes naturels, nous aurions atteint l'idéal de la science ;
par définition, la science est deductive, connaissance des
phénomènes par leurs causes. Mais pouvons-nous nous
flatter d'atteindre souvent cet idéal ? Connaissons-nous
toutes les causes qui déterminent les phénomènes ? En
connaissons-nous le mode d'activité, la direction, l'i
ntensité? Voici un homme d'une taille bien déterminée.
Nous soupçonnons que la race, l'hérédité sous ses diverses
formes, le climat, le genre de vie sont autant d'influences
qui ont pu contribuer à l'effet final ; avons-nous énuméré
toutes les causes ? Cette question fût-elle éclaircie, une
autre se pose : comment ces causes ont-elles agi ? Ont-elles
agi toutes dans la même direction, avec une intensité
égale ? Si elles se sont mutuellement contrecarrées, quelle
a été l'intensité de l'action et de la réaction ? Autant de
problèmes qu'il importe de résoudre, si l'on veut connaître
les lois de la nature
Une difficulté se présente, insurmontable, sembîe-t-il :
la complexité décevante de la plupart des phénomènes. La
simplicité des faits n'est qu'apparente. Tel phénomène phy
sique nous paraît typique, parce que l'énoncé de la loi est
simple ; c'est une illusion : « la grossièreté de nos sens
nous empêche d'apercevoir la complexité » I). La comp
lexité augmente encore, si nous abordons les phénomènes
vitaux ; c'est ce qui explique leur extrême variabilité. « Les
phénomènes que nous présentent les êtres organisés, écrit
Quetelet, sont si variables, qu'ils ne se manifestent peut-
être jamais dans des circonstances parfaitement identiques ;
*)H. Poincaré, La science et P hypothèse. P Axis, 1908, p. 175. Il
prend comme exemple la loi de Mariotte. CALCUL DES PROBABILITÉS 25 LE
on le concevra sans peine, si l'on a égard au nombre infini
de causes qui peuvent leur donner naissance, et à tous les
degrés d'intensité dont ces causes sont susceptibles » 1).
Peut-on prétendre analyser ces phénomènes, y voir un
ordre fondamental, découvrir des causes régulières et en
déterminer le mode d'action ? Ne devra-t-on pas, en dés
espoir de cause» attribuer des faits aussi variés au hasard
des circonstances ?
Les mathématiciens ont tenté de surmonter cette diffi
culté. Hume avait déjà dit : « II n'y a point de hasard à
proprement parler ; mais il a son équivalent : l'ignorance
où nous sommes des vraies causes des événements a sur
notre esprit l'influence qu'on suppose au hasard » •).-
Laplace reprend cette conception. Le but qu'il pours
uit est d'éliminer de l'explication scientifique de l'univers
les causes occultes : le hasard et les causes finales. « Tous
les événements, dit-il, ceux mêmes qui, par leur petitesse,
semblent ne pas tenir aux grandes lois de la nature, en sont
une suite aussi nécessaire que les révolutions du soleil-.
Dans l'ignorance des liens qui les unissent au système
entier de l'univers, on les a fait dépendre des causes finales
ou du hasard, suivant qu'ils arrivaient et se succédaient
avec régularité ou sans ordre apparent ; mais ces causes
imaginaires ont été successivement reculées avec les bornes
de nos connaissances, et disparaissent entièrement devant
la saine philosophie qui ne voit en elles que l'expression de
l'ignorance où nous sommes des véritables causes « 3).
Mais quel sera le moyen d'éliminer le hasard, et de
découvrir les lois de la nature ? Le grand obstacle est la
complexité des phénomènes. Le remède sera l'application
du calcitl des probabilités, concrétisé dans X observation du
') Quetelet, Lettres sur la théorie d»s probabilités appliquée aux
sciences morales et politiques. Bruxelles, 1846, pp. 157-158.
*) H um e , Essais philosophiques sur V entendement humain. Amster
dam, 1758, Tome I, p. 150.
*) Laplace, Essai philosophique sur les probabilités, pp. 2*9 (édition
de 1840).
UCL
INSTITUT SUPERIEUR DE PHILOSOPHIE
Bibliothèque
•' Collège D. Mercier
Place du Cardinal Mercier. 14 26 J. LOTTIN
grand nombre ; le résultat sera une valeur moyenne, débar
rassée de l'influence des causes accidentelles. « Les phéno
mènes de la nature sont le plus souvent enveloppés de tant
de circonstances étrangères, un si grand nombre de causes
perturbatrices y mêlent leur influence, qu'il est très diffi
cile de les reconnaître. On ne peut y parvenir qu'en multi
pliant les observations ou les expériences, afin que les
effets étrangers venant à se détruire réciproquement, les
résultats moyens mettent en évidence ces phénomènes et
leurs éléments divers. Plus les observations sont nombreuses,
et moins elles s'écartent entre elles, plus leurs résultats
approchent de la vérité » l).
Cette dernière assertion est l'application du théorème de
Jacques Bernoulli : plus les observations sont nombreuses,
plus les événements observés tendent à se conformer à leurs
probabilités respectives ; la différence entre les résultats
du calcul et ceux de l'expérience sera resserrée dans des
limites d'autant plus étroites que le nombre des expériences
aura été plus considérable 8). « II suit de ce théorème,
écrit Laplace, que, dans une série d'événements indéfin
iment prolongée, l'action des causes régulières et constantes
doit l'emporter à la longue sur celle des causes irrégu
lières » 3). Et nous voilà ainsi arrivés à la neutralisation
des causes accidentelles dont ont parlé les premiers statisti-.
l) Lapl ace, op cit., p. 85.
•) Jacques Bernoulli avait déjà, dans son Ars conjectandi (publié en
1713 par les soins de son neveu Ni

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