Platon, l Égypte et la question de l âme
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Platon, l'Égypte et la question de l'âme

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PLATON, L’EGYPTE ET LA QUESTION DE L ’ÂME FRÉDÉRIC MATHIEU 2013 1 2 Au Pr. J.-L. Périllié, pour ses précieux conseils… 3 4 Avant-Propos Un esprit efficace est sourd à ce qu’il sait… Papyrus Ramésséum II, vers 1800 avant J.-C. « L’interprétation des monuments de l’Égypte mettra encore mieux en évidence l’origine égyptienne des sciences et des principales doctrines philosophiques de la Grèce ». C’est en ces termes que J.-Fr. Champollion, pionnier de l’égyptologie française, ouvre son maître-livre. Par ces propos, programmatiques et prophétiques, qu’il introduit sa 1Grammaire égyptienne (1836) , premier codex moderne de 1 J.-Fr. Champollion, Grammaire égyptienne ou principes généraux de l’écriture sacrée égyptienne, Paris, éd. Didot frères, 1836, p. 22. Et Champollion de récidiver dans sa correspondance : « Je le répète encore : l’art égyptien ne doit qu’à lui-même tout ce qu’il a produit de grand, de pur et de beau; et n’en déplaise aux savants qui se font une religion de croire fermement à la génération spontanée des arts en Grèce, il est évident pour moi, comme pour tous ceux qui ont bien vu l’Égypte, ou qui ont une connaissance réelle des 5 langue hiéroglyphique.

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Publié le 11 juin 2013
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Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait




PLATON, L’EGYPTE
ET LA QUESTION
DE L ’ÂME


FRÉDÉRIC MATHIEU









2013
1



2




Au Pr. J.-L. Périllié, pour ses précieux conseils…




3


4

Avant-Propos


Un esprit efficace est sourd à ce qu’il sait…

Papyrus Ramésséum II, vers 1800 avant J.-C.


« L’interprétation des monuments de l’Égypte mettra
encore mieux en évidence l’origine égyptienne des sciences
et des principales doctrines philosophiques de la Grèce ».
C’est en ces termes que J.-Fr. Champollion, pionnier de
l’égyptologie française, ouvre son maître-livre. Par ces
propos, programmatiques et prophétiques, qu’il introduit sa
1Grammaire égyptienne (1836) , premier codex moderne de

1 J.-Fr. Champollion, Grammaire égyptienne ou principes
généraux de l’écriture sacrée égyptienne, Paris, éd. Didot
frères, 1836, p. 22. Et Champollion de récidiver dans sa
correspondance : « Je le répète encore : l’art égyptien ne doit
qu’à lui-même tout ce qu’il a produit de grand, de pur et de
beau; et n’en déplaise aux savants qui se font une religion de
croire fermement à la génération spontanée des arts en
Grèce, il est évident pour moi, comme pour tous ceux qui
ont bien vu l’Égypte, ou qui ont une connaissance réelle des

5

langue hiéroglyphique. Des paroles audacieuses pour qui
entend percer les secrets d’une civilisation de plus de 5000
ans, et dans l’aube de cette découverte, rendre à l’Égypte ce
qui lui appartient. L’Égypte, berceau de l’Occident ?
Témérité d’un liminaire qui résonnait comme une
provocation. Et n’irait pas sans polémique. On sait combien
ardue fut pour les chercheurs darwiniens contemporains de
l’auteur la remontée aux origines, eux qui frayaient leur
2discipline avec pour seul mot d’ordre « tout sauf l’Afrique » !

monuments égyptiens existants en Europe, que les arts ont
commencé en Grèce par une imitation servile des arts de
l’Égypte, beaucoup plus avancés qu’on ne le croit
vulgairement, à l’époque où les premières colonies
égyptiennes furent en contact avec les sauvages habitants de
l’Attique ou du Pelopônèse. La vieille Égypte enseigna les
arts à la Grèce, celle-ci leur donna le développement le plus
sublime: mais sans l’Égypte, la Grèce ne serait probablement
point devenue la terre classique des beaux-arts. Voilà ma
profession de foi tout entière sur cette grande question. Je
trace ces lignes presqu’en face des bas-reliefs que les
Égyptiens ont exécutés, avec la plus élégante, finesse de
travail, 1700 ans avant l’ère chrétienne... Que faisaient les
Grecs alors ! » (idem, « Quinzième lettre », Lettres écrites
d’Égypte et de Nubie en 1828 et 1829, Paris, éd. Firmin
Didot Frères, 1833, p. 302).
2 Cf. P. Picq, Nouvelle histoire de l’homme, Paris, Perrin,
Tempus, 2005. « Tout sauf l’Afrique » est un précepte encore

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Et l’Afrique s’imposa. Volens nolens, elle triompha des
réticences par la force des choses. Fallait-il, de la même
manière, reconduire l’essentiel des sciences de la pensée
grecque à des racines étrangères à la Grèce ? Et s’infliger,
encore, une blessure narcissique ? Perpétuelle dialectique des
sciences et de l’idéologie. De quel côté fallait-il mettre
Champollion, chercheur qui ne laissait pas d’écrire : « je suis
3tout à l’Égypte, elle est tout pour moi » ? Quelle part pour
le fantasme, et comment tendre à l’objectivité ?

Champollion, pour téméraires soient ses allégations, était
pourtant bien loin d’être le seul à vouloir restituer à la terre
noire des pharaons ce qui, songeait-il, était son dû. Les Grecs

bien induré. S. Bessis, historienne spécialisée dans les
rapports Nord-Sud, soupçonne qu’en effet, l’« une des
civilisations les plus anciennes et les plus brillantes nées du
génie humain […] dont l’influence sur le monde Grec n’a pu
être totalement niée [...], ne pouvait décemment être située
sur un continent à la fois primitif, barbare et dépourvu
d’histoire ». A telle enseigne qu’ « aujourd’hui encore, la
plupart des écoliers européens ou américains seraient bien en
peine de dire sur quel continent se trouve l’Égypte des
pharaons » (S. Bessis, L’Occident et les autres : Histoire d’une
suprématie, Paris, éd. La Découverte, 2003, p. 41).
3 J.-F. Champollion, H. Hartleben, R. Lebeau, Lettres et
journaux écrits pendant le voyage d’Égypte, C. Bourgois,
Paris, 1986

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edu VI siècle av. J.-C. jusqu’aux Romains de l’Antiquité
tardive en passant par les philosophes de la période
alexandrine n’ont eu de cesse que de revendiquer cette
filiation. Platon est de ceux-là. Archè, un terme à double
emploi : l’ancien fait loi. Plus ancienne la parole (orale, de
préférence), plus hiératique sa vérité. La rupture fut brutale.
Pour des raisons multiples et dont beaucoup restent à
identifier, l’Europe va peu à peu renier cette tradition.
L’orientalisme n’est plus la norme lorsqu’Ernst Renan, en
plein XIXe siècle, introduit l’expression de « miracle grec ».
La pensée grecque n’a plus de comptes à rendre à une
quelconque sagesse venue d’Orient. Les nations se
construisent par différenciation et développent pour ce faire
des mythes qui se veulent fondateurs. Qui scotomisent
l’interpénétration des peuples et des idées. Occultent les
porosités. Désavouent tout échange ; bien plus encore s’il
s’agit d’héritage, dès lors que toute oeuvre de don engendre
4obligation . Une même logique s’impose à l’échelle de

4 Voir les travaux de Marcel Mauss sur le « potlatch » et sa
valeur de paradigme. Aux antipodes de Lévi-Strauss qui,
donc, fait du don du « premier type » – don non-compétitif –
le cœur de son étude, le type de don qui retient l’attention de
Mauss relève du second type, lorsque les prestations de don
et contre-don contractent un caractère agonistique. À
l’origine cérémonie usant du don compétitif et de
l’obligation de rendre comme d’une instance de légitimation
des hiérarchies sociales, la pratique du « potlatch » devient

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l’Europe qui marque ses distances vis-à-vis de l’Égypte. On
prend à contre-pied le discours des Anciens. La science et la
philosophie seront grecques, ou bien ne seront pas.

C’est dans un tel contexte que sont venus s’ancrer des
5 6travaux salutaires tels ceux de Dodds et de Froidefond .

chez Mauss un concept anthropologique. Il y a « potlatch »
chaque fois qu’un donataire offre tellement au receveur que
ledit receveur est incapable de lui rendre ; ou bien chaque
fois qu’un receveur restitue plus au donataire que le don
initial. Si le rapport dissymétrique de soumission induit par
le « potlatch » peut exister entre deux individus, que n’en
serait-il de même entre deux castes, tribus, ethnies, et plus
généralement entre deux civilisations ? Cf. M. Mauss, Essai
sur le don. Forme et raison de l’échange dans les sociétés
archaïques (1925), Paris, Quadrige, Presses universitaires de
France, 2007.
5 E. R. Dodds, Les Grecs et l’irrationnel, Berkeley, Champs-
Flammarion, 1997. Une oeuvre originale et audacieuse qui
permet à l’auteur de d&#

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