Politiques italiennes, le regard français - article ; n°19 ; vol.9, pg 109-123
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Description

Médiévales - Année 1990 - Volume 9 - Numéro 19 - Pages 109-123
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1990
Nombre de lectures 29
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Patrick Gilli
Politiques italiennes, le regard français
In: Médiévales, N°19, 1990. pp. 109-123.
Citer ce document / Cite this document :
Gilli Patrick. Politiques italiennes, le regard français. In: Médiévales, N°19, 1990. pp. 109-123.
doi : 10.3406/medi.1990.1192
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/medi_0751-2708_1990_num_9_19_1192Médiévales 19, automne 1990, p. 109-123
Patrick GILLI
POLITIQUES ITALIENNES, LE REGARD FRANÇAIS'
(c. 1375-1430)
Que le sentiment national ait commencé à se cristalliser à la fin
du Moyen Age est un point de vue désormais acquis et que nombre
de travaux ont corroboré récemment. Dans cette lente émergence d'une
conscience commune de vivre ensemble, de partager peu ou prou des
valeurs identiques, de se reconnaître dans des fidélités dynastiques, peu
d'historiens ont souligné la place que prenait le foisonnement des st
éréotypes sur les pays étrangers, précisément aux xive-xve siècles2.
Parmi ces pays, il en est un d'un intérêt vital pour les Français :
l'Italie. Les rapports avec la péninsule et la Sicile tout au long de
ces deux siècles furent protéiformes (religieux, militaires, diplomati
ques) mais plus souvent conflictuels qu'harmonieux. Des pamphlets
anti-français de Pétrarque aux entreprises armées franco-angevines en
passant par le grand Schisme, nombreuses ont été les occasions offertes
aux Cisalpins de se heurter aux Transalpins. L'ampleur de la matière
imposait un choix. Nous analyserons ici les représentations françaises
de la vie et des mœurs politiques italiennes. Comment les lettrés au
sens large (qu'ils aient eu profession de vivre de leurs talents littérai
res comme Froissait ou Christine de Pizan ou qu'ils aient été saisis
par le démon de l'écriture après une vie active bien remplie comme
Philippe de Mézières, Commynes), lettrés dont une des caractéristiques
est d'avoir fréquenté des milieux de cour, des gouvernants, donc d'être
rompus aux pratiques et à la culture politique nationales, ont-ils pu
juger un pays composé de cités-Etats, de monarchies mal assurées (le
royaume de Naples), ou de familles nouvellement promues au som
met du pouvoir comme les tyrans d'Esté, de Carrare ou surtout de
1. Le présent article reprend une partie d'une communication faite au Séminaire
de recherches de Françoise Autrand et Philippe Contamine (E.N.S. - Paris X), consa
cré aux pouvoirs dans la société médiévale. Je les remercie ici, ainsi que les autres
intervenants, pour les remarques dont cet article a tiré profit.
2. Voir, par exemple, B. Guenée, L'Occident aux xiv-xv siècles, les États, Paris,
1981, p. 138. 110
Milan avec les Visconti et plus tard les Sforza ? Ainsi donc de Frois
sait à Commynes (ou pour être plus précis de Philippe VI à Louis
XI, à l'exclusion, bien sûr, de l'épopée de Charles VIII, aboutisse
ment du mirage italien et qui mérite à elle seule un traitement parti
culier), de quelles connaissances des régimes italiens les auteurs fran
çais ont-ils témoigné et quelles appréciations ont-ils portées ? A tra
vers chroniques, recueils épistolaires, ouvrages politiques, les écrivains
nationaux ont présenté, décrit, critiqué l'organisation et les acteurs
politiques de la Péninsule. Ces représentations offrent à l'historien un
intérêt supplémentaire dans la mesure où, loin de donnefune image
figée, elles se déploient un contexte de relations franco-italiennes
tendu, pour ainsi dire surchargé par l'actualité. En effet, une des sour
ces des appréciations portées par les Français sur les Italiens réside
dans la conscience qu'ils avaient d'être eux aussi l'objet de critiques
de la part de ces derniers. Ils l'étaient d'une part quant à leur fai
blesse culturelle — que l'on pense, entre autres, à la querelle ouverte
par Pétrarque et à ses séquelles jusqu'à la fin du xve siècle — mais
aussi quant à l'organisation sociale et politique de la France, en sorte
que leurs jugements sur l'Italie s'exaspèrent dans la proportion même
où les diatribes et les quolibets (l'ironie et la dérision sont, sur ce
sujet, les tonalités préférées des Transalpins) contre la France se font
plus vifs.
Or, autour des années 1400, les humanistes, les historiens italiens
se trouvent fortement engagés dans des réflexions ou des polémiques
sur le devenir de l'Italie3. Les interventions armées des Français (Jean
III d'Armagnac en 1391, puis son frère Bernard en 1397, le maréchal
Boucicaut au début du XVe siècle), les visées expansionnistes de Jean
Galéas Visconti, devenu en 1395 duc de Milan, sur la Lombardie et
même l'Italie centrale, l'aventure de Ladislas de Naples incitent les
Italiens (à Florence, Coluccio Salutati, Leonardo Bruni, plus tard le
Pogge, Rinucci ; à Rome, Lorenzo Valla ; à Milan, Antonio Loschi
ou Filelfo), intellectuels ou praticiens de la chose publique, à prendre
position rapidement. Deux systèmes politiques s'offrent à leurs yeux :
la cité-État et le gouvernement d'un seul, assimilé à la tyrannie. Si
la première est une originalité péninsulaire, le deuxième trouve un
modèle et une amplification dans la monarchie dont la France four
nit l'exemple achevé. C'est pourquoi ce pays va tenir un rôle import
ant dans la production intellectuelle de l'époque, soit comme repouss
oir (thématique de l'État barbare) soit comme référence, au moins
pour certains aspects. Repoussoir ou semi-référence, c'est toujours la
France qui est convoquée pour signifier l'altérité politique. Il y a une
absence notable, dans les écrits italiens de la période, des autres
nations4 et singulièrement de l'Angleterre, fort peu évoquée. Mais ne
3. Sur l'historiographie italienne des xiv-xv siècles, cf. Hans Baron, Humanist
ic and political literature in Florence and Venice at the beginning of the Quattrocento,
Harvard- Cambridge, 1955.
4. Cette absence n'empêche pas des contacts, notamment épistolaires, entre intel- in
nous méprenons pas : les Français ou les Italiens, lorsqu'ils parlent
du voisin de l'autre côté des Alpes ne l'évoquent que très imparfaite
ment. Au vrai, les connaissances sont percées de lacunes, d'ignoranc
es (sur des événements-clés de la vie politique intérieure)5 tout à fait
impressionnantes. C'est en particulier très net chez les Français où il
y a un déficit d'informations considérable, quand ce ne sont pas des
erreurs pures et simples comme chez Froissart6.
L'Italie passée an crible
En étudiant les écrits français du XIVe siècle, on est frappé par
leur hostilité envers les mœurs politiques italiennes, véritable repouss
oir pour les mentalités françaises. A de nombreuses reprises, nos
auteurs révèlent leurs préventions anti-italiennes. Christine de Pizan
est, à cet égard, la plus représentative. Écoutons la Lamentation sur
les maux de la France, rédigée autour de 1410 : « Car ne seras tu
pas (la France) acomparee de cy en avant aux estranges nacions, la
ou les frères, cousins et parens par faulse envie et convoitise s'entreo-
cient comme chiens ? Ne diront ils pas en reprouchant « Alez, alez
vous Français, qui vous vantiez du doulz sang de vos princes non
tyrans et vous escharnissiez de nos usaiges de guelfes et guibelins. (...)
Or abaissez vos cornes car vostre gloire est défaillie7. »
Le mal français est assimilé aux pratiques factieuses italiennes.
Cette idée n'est pas seulement de circonstance. Certes en 1410, le spec
tacle de la guerre civile conduit presque naturellement à la comparai
son avec l'Italie, mais dès avant le déclenchement de la guerre civile,
l'Italie était aussi jugée ingouvernable. Voici Le livre de mutation de
Fortune, daté, selon les auteurs, entre 1400 et 1404 :
« Ainsi est celle nacion
Plaine de variacion
Quant est a seigneurie avoir
N'il n'est prince qui longuement les peust tenir
lcctuels italiens et hommes politiques européens (ainsi les lettres de Leonardo Bruni
au roi d'Aragon, in L. Mehus, Leonardi Bruni Aretini epistolarum libri VIII, Flo
rence, 1741), mais, à notre connaissance, on ne trouve pas d

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