Psychiatrie soviétique : Tendances et réalisations - article ; n°4 ; vol.3, pg 666-672
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Description

Cahiers du monde russe et soviétique - Année 1962 - Volume 3 - Numéro 4 - Pages 666-672
7 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1962
Nombre de lectures 34
Langue Français

Extrait

C. Koupernik
Psychiatrie soviétique : Tendances et réalisations
In: Cahiers du monde russe et soviétique. Vol. 3 N°4. Octobre-décembre 1962. pp. 666-672.
Citer ce document / Cite this document :
Koupernik C. Psychiatrie soviétique : Tendances et réalisations. In: Cahiers du monde russe et soviétique. Vol. 3 N°4. Octobre-
décembre 1962. pp. 666-672.
doi : 10.3406/cmr.1962.1531
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/cmr_0008-0160_1962_num_3_4_1531CHRONIQUE
PSYCHIATRIE SOVIÉTIQUE
TENDANCES ET RÉALISATIONS
(Impressions de lectures et d'une mission d'étude dans le cadre
des relations Est-Ouest)
II existe entre la psychiatrie, telle qu'elle est conçue et pratiquée dans les
pays occidentaux et la psychiatrie soviétique, des divergences très nettes. Il
est impossible de comprendre ce phénomène, si l'on ne se livre pas à un essai de
compréhension historique. En effet, jusqu'à la guerre de 1914, il existe un tronc
commun de la psychiatrie. La psychiatrie russe est fortement inspirée par les
écoles occidentales française, allemande et anglaise. Hlle s'applique à ce stade
à décrire des maladies que l'on considère comme des entités, par analogie avec
les maladies somatiques. Cependant, il est intéressant de noter que dès cette
période, les Russes ont un intérêt tout particulier pour les aspects humanitaires,
développés en Occident, notamment sous l'impulsion de Pinel en France et de
Maudsley en Grande-Bretagne. Il s'agit là d'une préoccupation spécifiquement
russe, d'une appétence humanitaire qui est si admirablement illustrée par le
mouvement littéraire russe du xixe siècle.
Puis, la course de la psychiatrie occidentale va s'infléchir. Le rayonnement
de la pensée de Freud peut être considéré comme une véritable révolution, qui
marque de façon indélébile la pensée psychologique. De plus en plus la psychiat
rie descriptive, botanique, va perdre du terrain au profit d'une psychiatrie
dynamique. En U.R.S.S. cependant, après une brève phase d'engouement dans
les années 1920, le freudisme est frappé d'interdit. Il est considéré, non sans
raison d'ailleurs, comme une doctrine « idéaliste » par opposition à l'esprit du
matérialisme historique. C'est là, de façon évidente, la principale objection
qu'on lui adresse, mais en réalité d'autres facteurs entrent en ligne de compte,
et leur connaissance n'est pas inutile, à qui veut comprendre l'état présent des
choses. La notion d'instinct, telle qu'elle a été formulée par Freud, n'est, après
tout, pas tellement idéaliste dans la mesure où, pour lui, l'instinct est l'émanation
directe des instances biologiques. Cet instinct est évidemment primitif, il rap
proche l'homme de l'animal, et dans cette mesure, les réformateurs-nés de la
nature humaine que sont les Soviétiques ne peuvent qu'éprouver un malaise,
en présence de cette véritable primauté de l'instinct actuel, de l'animal qu'on
leur propose en qualité de moteur essentiel des comportements humains. Cette
réticence s'applique surtout à la libido, à l'instinct sexuel. Dans la construction
freudienne, le refoulement de cet instinct aboutit finalement à la névrose. Une PSYCHIATRIE SOVIÉTIQUE 667
telle formulation paraît dangereuse aux Soviétiques et, par là, ils rejoignent
une autre tradition russe, celle d'une morale sexuelle stricte. Il suint de lire la
Sonate à Kreutzer de Tolstoï, pour comprendre jusqu'à quel point cette méfiance
des libérations sexuelles, libérations dans l'ensemble bien acceptées en Occident,
est vivace dans la société russe. On retrouve cette condamnation implicite dans
les premières œuvres d'un écrivain russe de l'exil : Nabokov. Une telle formul
ation peut paraître déconcertante à qui aura lu Lolita ; cependant une œuvre
comme Camera Obscur a, que Nabokov a publiée sous le pseudonyme de Sirine,
est puissamment moralisatrice, et il n'est pas dit même que l'intention de l'auteur
ne soit identique dans la trop célèbre Lolita. L'autre grand instinct, formulé
par Freud, l'instinct de mort, irrite peut-être encore plus les Soviétiques, dans
la mesure où il constitue une sorte de justification naturelle de l'agressivité et
de la guerre, attitude absolument insoutenable pour eux.
Mais la psychiatrie occidentale n'a pas uniquement évolué dans le sens de
la psychanalyse. Elle a bénéficié également des apports de la neurophysiologie.
Là encore, il convient de préciser notre pensée. La neurophysiologie classique
est essentiellement celle des localisations, accordant à chaque point précis des
structures cérébrales une fonction bien définie, fonction prédestinée, et non pas
créée par l'expérience. Cette doctrine, qualifiée de morphopsychologique par
les Soviétiques, est l'objet d'une discrimination tout aussi vigoureuse que la
psychanalyse ; elle leur paraît traduire une forme de pensée haïssable : le
mécanisme. Il est également important de prendre en considération la notion
de niveau suprême d'intégration. L'école canadienne de Penfield a créé le
concept de centrencéphale, qui accorde à la partie axiale, donc la plus ancienne,
du cerveau (par opposition au développement plus tardif dans l'histoire des
espèces de l'écorce cérébrale), ce rôle d'intégrateur suprême. Or, en même temps,
ces structures médianes sont chargées des réglages les plus élémentaires, qu'il
s'agisse de la vie végétative ou de la vie des instincts. Là encore, cette formulat
ion a pendant longtemps été jugée inacceptable, pour des raisons théoriques
par les Soviétiques, et Penfield a été soumis aux critiques les plus vigoureuses.
Nous en venons maintenant à un des faits essentiels de la psychiatrie sovié
tique : le pavlovisme. Il est évidemment inutile de rappeler l'essence de l'œuvre
de Pavlov, la doctrine des réflexes conditionnés. Il s'agit là, de toute évidence,
d'une grande découverte dans l'histoire de la physiologie ; cependant, il faut
insister sur le fait, que dans la conception de Pavlov, la notion de localisation
n'entre pas en ligne de compte ; il parle de l'écorce cérébrale comme d'un tout,
et ceci introduit une notion essentielle, celle de malléabilité, permettant ainsi
une action correctrice du milieu. Nous rejoignons un des thèmes essentiels de
l'éducation et de la psychiatrie soviétiques, celui de la primauté du milieu,
notamment humain. C'est pour des raisons analogues, que pendant longtemps,
la science médicale soviétique a rejeté avec un a-priorisme outrancier le dogme
de la génétique classique, issu des travaux du moine autrichien Mendel, à savoir
la non-transmissibilité des caractères acquis. Cette doctrine, qui repose sur une
expérimentation inattaquable, était remplacée par la trop célèbre doctrine de
Mičurin-Lyssenko, qui postulait précisément que les conditions de milieu pou
vaient influencer la transmission héréditaire. Nous trouvons là encore une fois
ce refus du fatalisme biologique, et ce désir très fort, mais ici non justifié,
d'amender l'individu par une influence du milieu.
Autre notion inacceptable pour les Soviétiques : les tests psychologiques.
Alors que leur créateur, Alfred Binet, précède Pasteur dans la classification
américaine des grands hommes, en U.R.S.S., cette méthode est frappée d'un
ostracisme permanent et impitoyable. Il semble que les Soviétiques répugnent
à mettre ainsi une étiquette indélébile sur un enfant, considérant qu'une telle
façon de faire procède une fois encore de ce pessimisme résigné, qui n'est pas
io* 668 С. KOUPERNIK
leur fait. On peut le regretter dans la mesure où les tests sont un moyen utile
et commode d'investigation, permettant les déductions statistiques ; cependant,
ils n'ont peut-être pas tort, car il est abusif de prétendre vouloir faire d'un test
psychologique un véritable instrument de mesure. Ce n'est même pas la peine
de parler des tests dits de personnalité, ou projectifs, du célèbre test des taches
d'encre de Rorschach, du test d'aperception thé

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